Si on avait voulu faire les choses bien, nous aurions consacré un épisode de cette rubrique à Stephen King (ce qui arrivera certainement, c'est Stephen King quand même) depuis bien longtemps. Pourtant, comme nous nageons dans un océan de confusion, on se penche d'abord sur son fils, le non moins talentueux Joe Hill.
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C'est dans le Maine, Etat de la Nouvelle-Angleterre célèbre pour ses forêts et ses airelles, qui aura servi de décor à la grande majorité des romans de son illustre père que Joseph King va voir le jour en 1972. Deuxième enfant d'une fratrie de trois, il va apparaître très tôt que celui-ci veut suivre les traces parentales (n'oublions pas que Tabitha King est aussi écrivaine de fiction) et se consacrer tout entier à l'écriture. Il faut croire que chez les King, la littérature se transmet assez facilement, puisque son jeune frère Owen va lui aussi embrasser une carrière d'écrivain. Faut dire que l'environnement aide beaucoup. On va notamment voir le jeune Joseph jouer un petit rôle dans Creepshow, film de George A. Romero dont le scénario, adaptant les histoires horrifiques d'EC Comics, est signé par nul autre que Stephen King.
Son diplôme universitaire en poche, en 1997, le deuxième enfant des King va prendre un peu de distance avec son encombrante famille. En premier lieu en s'installant dans le New Hampshire, puis en en choisissant de prendre un pseudonyme pour ne pas être accusé de surfer sur le succès de son père. Il s'appellera désormais Joe Hill, du nom du chanteur qui s'est battu pour le droit des travailleurs à partir duquel ses parents le prénommèrent. Ce pseudo tiendra pendant près de dix ans. Quand Variety dévoilera sa véritable identité, il se sera déjà fait un nom par lui-même.
Pendant les dix premières années de sa carrière, il va surtout écrire des nouvelles qu'il publiera dans de nombreux magazines différents. C'est ainsi qu'il va peu à peu se faire un nom, alors qu'il joue avec les même concepts horrifiques et fantastiques que son père, avec peut-être un goût plus prononcé pour l'ésotérique. On peut notamment citer dans ces nouvelles Better than Home, où un entraîneur d'une petite équipe de baseball raconte ses déboires, ou Pop Art, où un jeune garçon se lie d'une amitié indéfectible avec un autre garçon, qui est en plastique, et dont on suit le point de vue. Son premier livre à sortir en librairie, en 2003, sera 20th Century Ghosts. Il n'est autre qu'une anthologie de ses nouvelles parues ici et là. D'ailleurs, il va avoir un grand impact d'entrée, puisque cette anthologie va recevoir le prestigieux prix Bram Stoker, ce qui va instantanément braquer les projecteurs du monde de la littérature d'horreur sur le jeune auteur. Notons également que l'avant-propos du recueil est signé par nul autre que Christopher Golden.
Il faudra pourtant attendre 2007, peu de temps avant que Variety ne sorte son fameux article qui va dévoiler le pot-aux-roses, pour que Joe Hill sorte son premier roman. Celui-ci, Heart-Shaped Box (Le Costume du Mort en France), est un road-trip horrifique où l'on suit une ancienne gloire du hard rock poursuivie par un fantôme qui l'accuse d'être responsable du suicide de sa fille, une groupie qu'il fréquentait. Ce livre sera un franc succès et va même recevoir les prix Bram Stoker et Locus (un autre prix d'envergure dans la littérature fantastique) du premier roman. Reprenant avec brio les codes de l'horreur américaine, à laquelle son père a grandement contribué, il est aussi une véritable lettre d'amour à la musique populaire, Hill citant tous les groupes qu'il aime au fil des pages de son histoire.
Désormais consacré, il va pourtant surprendre son monde en annonçant peu de temps après que son nouveau projet n'est pas un roman mais une série de comics. Ce sera donc Locke & Key, qui paraitra chez IDW à partir de 2008 et qui sera dessiné par Gabriel Rodriguez. Ce comic, qui va être l'un des plus gros succès indépendant au même titre que The Walking Dead est un hommage lovecraftien des plus appuyés (d'ailleurs, le premier volume s'appelle Welcome to Lovecraft). On y suit une fratrie de trois frères qui récupèrent une maison qui, sans qu'ils s'en doutent, est construit sur un Nexus faisant le lien avec plusieurs réalités alternatives. Tout au long des six volumes de cette histoire, Joe Hill va y évoquer ses nombreuses références horrifiques et confirmer son talent pour ce qui est de transcender les genres et les médias.
Pendant la publication de cette série, il ne va pour autant pas s'arrêter d'écrire de la prose. Déjà en continuant de publier des nouvelles (ce qu'il va faire tout au long de sa carrière), mais aussi en sortant en 2010 un nouveau roman : Horns. Ce roman hautement métaphorique raconte les déboire de Ig, un jeune homme soupçonné d'avoir violé et tué sa petite amie, et qui voit des cornes lui pousser en même temps que des pouvoirs surnaturels grandissent en lui. Ce deuxième roman confirme le goût de Joe Hill pour l'héritage de la littérature gothique, tout en l'alliant à l'horreur américaine contemporaine. C'est bien évidemment ce roman qui va être adapté par Alexandre Aja en 2014 avec Daniel Radcliffe dans le rôle principal.
En 2013, c'est son troisième roman qui sort, confirmant que l'auteur a trouvé son rythme de croisière. NOS4A2 (qui est un jeu de mot pour Nosferatu) est au croisement de ce que Joe Hill a précédemment fait, avec encore cette idée de réalités qui se croisent et ces fantômes qui trainent ça et là. C'est aussi un croisement sur la forme puisqu'il va publier en parallèle un tie-in en comics, Wraith : Welcome to Chrismasland, qui sortira lui aussi chez IDW. C'est aussi le premier roman où il fait directement référence aux travaux de son père en reprenant des concepts de ses écrits, notamment de The Dark Tower. Plus tard, il a annoncé The Fireman, qui sera son premier roman de science-fiction, qu'il décrit dans la veine d'un Michael Crichton (l'auteur, entre autres, de Jurassic Park). Ce roman dystopique sera selon son auteur une fable sur comment rester heureux face aux ténèbres et devrait sortir en mai prochain.
Certes, à l'aune de son père, Joe Hill n'a pas produit énormément (mais il est bien difficile pour qui que ce soit de suivre le rythme de Stephen King). Pourtant, sa jeune carrière montre un talent certain qui n'a rien avoir avec une condition de "fils de" et qu'il est un auteur à part entière dont on peut déjà dégager des thématiques bien précises. C'est aussi un auteur versatile qui n'hésite pas à sauter de genre en genre, de médium en médium (il a d'ailleurs écrit un scénario avec son frère Owen, même s'il n'a jamais été porté sur les écrans), et qui semble avoir absorbé avec génie des décennies de culture populaire pour en ressortir les angoisses du monde contemporain. Un écrivain que l'on suit donc avec plaisir, alors que son prochain roman nous prouve qu'il continue d'innover dans son écriture.