Le nom de Stephen King hante les médias depuis le milieu des années soixante-dix. En tant qu’écrivain, il peut se targuer d’avoir marqué l’imaginaire collectif de ces œuvres, à tel point qu’aujourd’hui on peut les connaitre sans jamais avoir ouvert un de ses livres. Il doit son omniprésence dans le paysage culturel aux multiples adaptations de ses écrits. Les succès récents de Stranger Things dont il est l’inspiration flagrante et du film Ça réalisé par Andy Muschietti démontre l'impact qu’il possède sur les écrans. L’auteur est à l’origine de près de quatre-vingts longs métrages et ce nombre va encore grossir. Il ne se passe pas une semaine sans que soit annoncée une nouvelle adaptation d’un de ses livres ou d’une de ses nouvelles.
Pourtant, réduire cet auteur à ces adaptations c’est se couper de la qualité de ses romans qui empruntent autant à Richard Matheson ou H.P. Lovecraft qu’à de grands auteurs naturalistes. Stephen King est poussé par les mêmes pulsions que tous ses contemporains : écrire le grand roman américain. Contrairement à Philip Roth ou Jack Kerouac ou plus récemment Jonathan Frantzen, il utilise bien souvent les artifices de la culture populaire comme le fantastique ou l'horreur pour raconter les États-Unis. De plus, lesdites adaptations n'ont pas toutes rendu grâce au matériel de base, loin de là.
Nul besoin d’être un producteur désireux de surfer sur la vague des films d'épouvante rétro à bonne odeur d’année 80 pour s’intéresser à ses œuvres. La puissance de sa prose devrait suffire à susciter l’attention. Pourtant, comment ne pas être pris de vertige lorsqu’on constate qu’il est à l’origine de plus d’une soixantaine de livres ?
Pour vous aider à vous initier au maître de l’horreur, j’ai retenu trois romans issus de sa bibliographie pléthorique. Si ce sont mes trois romans préférés, ce n’est pas anodin, j’ose l’avouer. Ce sont trois œuvres qui m’ont marqué profondément par l’humanité qui s’en dégage. Trois livres que j’ai relus à plusieurs reprises, en retrouvant toujours le même plaisir.
Carrie est le tout premier roman publié en 1974 de Stephen King, mais le destin de cette œuvre aurait pu être tout autre. L’auteur raconte dans un essai à caractère autobiographique, Écriture : Mémoire d’un métier, que sa femme retrouva les trois premières pages du manuscrit dans une poubelle. Ce n’est que sur son insistance qu’il décida de reprendre l’écriture du livre qui lancera sa carrière.
Dès les premières pages, on sait que l’histoire se terminera mal. On en connait la cause : Carrie. Une jeune fille de dix-sept ans, souffre-douleur depuis sa plus tendre enfance. Un jour alors qu’elle se lave dans les douches collectives du lycée, elle découvre qu’elle a ses premières règles. Ce passage obligé dans la vie d’une adolescente prend des allures de cauchemar. Elle est convaincue de faire une hémorragie. Les autres filles de la classe la prennent à partie, elles ne comprennent pas sa réaction de bête affolée. Dans un déchaînement digne d’une meute de loups, elles l’injurient et la bombardent de serviettes hygiéniques. Au cours de cet incident, le pouvoir de télékinésie de Carrie s’éveillera. Sous l’emprise de la colère, elle peut déplacer des objets par la pensée.
L’adolescente est élevée par une mère extrémiste religieuse que toutes les affaires du corps répugnent. Dès que son enfant déroge aux préceptes bibliques qu’elle édicte, elle se retrouve sévèrement punie. Le contexte est posé. La tragédie n’a plus qu’à s’écrire. L’histoire est construite comme une enquête où chaque chapitre ajoute un élément pour expliquer le drame qui surviendra au terme du roman.
Carrie connaîtra, tout de même, au cours du récit, un moment d'accalmie, mais l’histoire l’a annoncée, cette parenthèse ne durera pas. Premier roman. Premier chef d’œuvre. Stephen King dresse avec justesse le parcours de cette fille écrasée par les interdits religieux. Il maîtrise son intrigue à merveille. Il met le lecteur face à l’inexorable et il déroule la trame de son récit. Le regard qu’il porte sur la société est sans concession. Il aborde des thèmes comme l’ostracisme, le fanatisme religieux ou la cruauté de l’adolescence. Ce roman agit comme un rollercoaster émotionnel, dès l’ouverture on se retrouve happé par l’histoire.