Tout le monde se souvient du film Godzilla de Roland Emmerich, sauf que tout le monde devrait l'oublier. Cependant, comme dans le long-métrage, le Lézard a fait des petits et a donné naissance dans la foulée à sa série animée. Retour vers une période pas si lointaine où les plus grands succès du cinéma devenaient régulièrement des dessins animés: les années 90.
Dès 1998 et la sortie du film d'Emmerich au cinéma, Sony Entertainment avait déjà prévu de produire une série qui découlerait du retour du plus grand des Kaijus sur grand écran. Le but était surtout de continuer à utiliser la licence de la Toho (qui, lorsque les droits de Sony prirent fin, a décidé de rebaptiser Zilla la créature d'Emmerich car elle n'avait pas l'aspect dieu du monstre original) et de faire suite directement au film. Pour ceux qui ne s'en rappellent pas, Godzilla est vaincu à la fin du film, mais il reste des œufs, qui servaient principalement de fin ouverte pour un hypothétique Godzilla 2, qui ne verra jamais le jour. La série animée, quant à elle, a profité de ce cliffhanger pour se justifier. Alors que le Kaiju venait de rendre son dernier soupir, le docteur Nick Tatopoulos demande aux militaires de l'accompagner pour trouver des œufs. Un éboulement sépare le petit groupe de Tatopoulos, qui découvre alors le dernier œuf qui éclot juste devant ses yeux. Le bébé Godzilla prend alors le docteur pour son père adoptif avant de retourner dans l'eau. Nick rejoint le reste de son équipe, composée du docteur Mendel Craven, de la docteur Elsie Chapman, de Randy Hernandez et de l'espionne française Marianne Dupré (ou Monique dans la version originale), ainsi que Vigil (ou Nigel, encore en version originale), le robot de Craven qui se fait détruire dans la quasi-totalité des épisodes (devenant ainsi l'un des ressorts comiques et un méta-hommage à Kenny de South Park). Ils forment à eux cinq le HEAT, une Troupe humanitaire d'analyse de l'environnement, qui a pour but d'étudier les créatures mutantes et autres monstres qui peuplent maintenant la Terre.
Godzilla suit donc son père adoptif dans ses aventures, surtout pour protéger son territoire, soit la planète entière. Les différents épisodes suivent quasiment toujours le même schéma : la découverte inattendue d'une créature, l'arrivée sur les lieux de l'équipe du HEAT, un premier affrontement avec l'apparition de Godzilla qui se solde par une défaite du roi des Kaijus puis l'équipe de Tatopoulos trouve une solution pour que Zilla gagne après une bataille finale. La réalisation de la série, quant à elle, n'a pas suivi le même parcours tout tracé.
Au début des années 1990, Sony Entertainment lance un studio de production d'animation pour développer plusieurs licences. Cette division, Adelaide Production, a produit différents projets, particulièrement à la suite de la sortie des films des différentes licences achetées par Sony. Parmi les plus connus, on retrouve le dessin animée de Jumanji, Extreme Ghostbusters, Men In Black ou encore Jackie Chan. Lorsque Sony obtient les droits pour adapter Godzilla, le département commença directement à travailler sur le projet de la série animée du même nom. La chaîne de la Fox accepta de diffuser le dessin animé sur son créneau du samedi matin pour un total de 40 épisodes. Comme l'équipe productrice commença à travailler avant la sortie du film, le design de Godzilla devait rester secret et seuls le producteur exécutif Jeff Kline, le réalisateur Audu Paden (qui est aussi à la tête d'Extrême Ghosbusters) et une petite partie de l'équipe ont eu le droit d'avoir des visuels du Kaiju. Mais une partie n'avait même idée du design de Godzilla, qui n'apparaissait donc pas dans les story-boards. Dans la même idée, les autres créatures de la Toho n'ayant pas été négocié, Adelaide Production embaucha Fil Barlow pour superviser la création des adversaires de Godzilla, qui travailla avec Patrick Tatopoulos, le créateur du design du Kaiju pour le film. Les scénaristes discutèrent régulièrement avec Devlin et Emmerich sur la relecture du monstre pour le dessin animé et arrivèrent à un compromis entre l'adaptation de l'américain et l'originel japonais. Godzilla a donc gardé son aspect de dinosaure et gagné des instincts plus proches du prédateur, de l'animal qui cherche à défendre son territoire avant tout, ayant peu d'intérêt pour les humains. Il ne fallait pas que la créature devienne l'animal de compagnie du docteur Nick Tatopoulos, ni qu'elle soit un personnage semblable au tout premier cartoon sous acides de la Hanna-Barbera des années 1970. Les différents scénaristes aux commandes de quelques épisodes chacun avaient le champ libre pour montrer la bestialité du Kaiju et toute sa violence (notamment avec son souffle radioactif vert, et non bleu, allez savoir pourquoi), sachant de toute façon qu'il fera référence à l'adaptation d'Emmerich et non au monstre originel. Plus de liberté pour inventer des créatures à sa hauteur, sans vraiment s'arrêter sur le réalisme et la crédibilité (c'est un dessin animé, rien d'autre).
La promotion de la série suivit le même chemin que les débuts de la production pour ne pas dévoiler l'intrigue et étouffer les rumeurs d'une série en préparation sur Godzilla. Pour cela, l'accent fut mis sur le logo de l'équipe de Nick Tatopoulos : Heat Seekers, en prenant soin de décrire les différents personnages comme des super-héros. L'objectif était de surprendre un maximum de personne pour piquer leur curiosité. Le résultat démontra que cette stratégie fut payante, la série détenant le record d'audience pour le lancement d'un dessin animé sur la Fox (le 12 septembre 1998). La série est et restera l'un de ses dessins animés emblématiques des années 1990, dans le même style graphique que Men In Black. Avec une bonne animation, surtout lors des combats, le réel intérêt du dessin animé était principalement de voir s'affronter Godzilla et d'autres monstres. La série n'a pas besoin d'être crédible tant qu'elle reste inventive et originale. Au delà de l'adaptation bancale de Roland Emmerich, l'équipe productrice connaissait très bien ses objectifs et là où elle voulait en venir : des affrontements titanesques et épiques. Chaque épisode apporte son nouveau monstre et son nouvel environnement. Si elle suit exactement point par point le même principe, ce n'est pas un défaut. Au contraire, elle reste sur des rails solides pour remplir son objectif. Après tout, c'est juste un (très) bon dessin animé.