Dossiers

The Neon Demon, ode à l'imaginaire

Par Republ33k
13 juin 2016
The Neon Demon, ode à l'imaginaire

Nicolas Winding Refn a choisi la France comme mécène de son art. Il nous l'a rappelé une nouvelle fois la semaine dernière avec une sortie avancée pour son dernier film en date, The Neon Demon. Ce qui n'empêche pas un partie du public et de la critique hexagonaux de passer à côté de la densité de ce métrage, qui au-delà de son esthétique fascinante et de sa bizarrerie assumée, est un formidable hommage à l'imaginaire.

Mais cet écart entre le produit fini et ceux qui le réceptionnent s'explique peut-être par la malédiction que porte ce pauvre Nicolas Winding Refn depuis Drive, qui l'avait révélé à un plus large public. Ce même public qui a consolidé la réputation du danois désormais exilé aux Etats-Unis, mais qui l'empêche peut-être aujourd'hui d'explorer tous les facettes de son imaginaire fou. Mais ne soyons pas élitistes, et voyons plutôt l'évolution les choses dans le bon sens : il y a quelques années encore, il était difficile de mettre la main sur la trilogie Pusher. Il y a quelques années encore, peu de spectateurs auraient fait le déplacement pour The Neon Demon. Et rares auraient donc été les cinéphiles à profiter de ce déluge d'influences.

NWR - comme il se surnomme désormais lui-même - brasse en effet quantité de styles et d'hommages dans ce nouveau métrage, qui oublie peu à peu sa structure pour verser dans l'essai visuel le plus pur, sur des genres et des schémas que nous connaissons tous. Cette expérimentation, cet écart qu'il génère petit à petit entre le film et son sujet, il nous l'annonce dès la première scène de The Neon Demon, qui déjà, brouille les frontières en ce que nous voyons à l'écran et ce que le réalisateur cherche à nous montrer. Refn ne s'intéresse pas au meurtre d'une jeune fille, couverte de sang, mais à son parcours fulgurant dans le domaine de la mode. Un monde gangréné par les formalités et les mondanités, que le réalisateur a en horreur. 

Progressivement, il fait de ses propres peurs les nôtres, comme le ferait tout bon metteur en scène désireux de dépeindre l'angoisse, et se sert à la fois du contexte et de l'action pour générer une tension palpable. Fait amusant, celle-ci va puiser dans tous les royaumes du genre horrifique, comme si Refn n'osait pas choisir entre le suspense le plus pur, le torture porn (qui n'aura jamais aussi bien porté son nom) le plus gratuit ou le slasher le plus intense. En ressort autant de petits films, qui tous, ont leur personnalité propre, le vrai liant de The Neon Demon n'étant de toute évidence pas son histoire mais sa mise en scène.

Comme on pouvait s'en douter, au regard de superbes bande-annonces, la mise en scène est d'ailleurs unique en son genre, et conjugue assez bien les tics visuels du réalisateur, qui assemble beaucoup mieux ses trouvailles esthétiques que dans un Only God Forgives, par exemple. Et à l'heure où on se demande où est passé le Cyberpunk, Refn le ressuscite sous une forme épurée. Le titre du film nous vendait la mèche, mais les néons sont ainsi de la partie, accompagnés par des costumes qui pourraient très bien sortir d'une série B de science-fiction s'ils n'étaient pas à la pointe de la mode. La bande-son de Cliff Martinez, qui collabore pour la troisième fois avec le danois, souligne tout, avec des pistes tantôt angoissantes, tantôt éthérées, qui ne sont pas sans rappeler les meilleurs titres d'un Gesafelstein, que beaucoup considèrent justement comme un héritier du Cyberpunk et de ses sonorités si particulières.

Dans The Neon Demon, l'horreur et la science-fiction se côtoient donc sous des formes remodelées par Refn lui-même, qui pioche aussi allègrement dans le fantastique et son bestiaire pour composer son intrigue et ses personnages. La récurrence de la lune dans les dialogues et d'une lumière typiquement lunaire dans la mise en scène nous évoque les loups-garous et les personnages se transforment d'ailleurs toujours, d'une manière ou d'une autre, devant le satellite de notre belle planète. Dans le même ordre d'idée, NWR fait de plusieurs de ses personnages féminins des succubes modernes, produits d'une société basée sur les apparences, et tenues par un système qui ne cesse de les rabaisser. Et c'est justement en faisant de tels éléments les moteurs de l'horreur que Refn choisit de dénoncer, pas toujours très subtilement certes, les canons de beauté actuels, la place et le traitement des femmes dans ce milieu - et par extension, au travail - et bien d'autre sujets d'importance encore, comme le feraient des Carpeneter et des Romero entre deux prises sanglantes.

Plus qu'une expérience visuelle et sonore - qui a elle seule, vaut le prix du ticket, on vous rassure - The Neon Demon est un refuge d'influences et d'inspirations en tous genres, qui s'unissent dans une orgie de sonorités et d'images aussi folles que belles et puissantes. On ressort forcément scotchés, mais aussi fiers de partager, avec l'un des plus grands réalisateurs du moment, un océans de références communes, qui, au fil de telles expérimentations, font avancer le cinéma, mine de rien.

 

The Neon Demon, ode à l'imaginaire