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Édito #82 : Westworld, tout sauf à l'ouest

Par Republ33k
5 septembre 2016
Édito #82 : Westworld, tout sauf à l'ouest

Dans un petit peu moins d'un mois, HBO lancera ce qui pourrait bien devenir son prochain Game of Thrones, Westworld, un remake en série télévisée du film de Michael Crichton, sorti en 1973 dans les salles obscures. L'occasion pour nous de revenir sur ce classique et son héritage, qui mine de rien, pose des fondations très solides poru le futur show orchestré par Jonathan Nolan et sa femme, Lisa Joy.

Romancier de son état, Michael Crichton était l'un des premiers auteurs de science-fiction fasciné par les avancées technologiques et leurs dérives, comme nous le verrons dès demain dans un portrait sur le bonhomme. Au début des années 1970, il est déjà un auteur à succès et a financé ses études (de médecine) avec ses premiers romans, dans la veine des James Bond d'un certains Ian Fleming. Autodidacte, Crichton cherche également à faire ses débuts derrière la caméra. Sa réputation le conduit vers la science-fiction et incite la Metro Goldwyn Meyer àfinancer son Westworld (ou Mondwest en France, c'est bien la peine de se moquer tendrement de nos amis québécois).

Ecrit et réalisé par Crichton lui-même, Westworld préfigure tous les thèmes chers à l'auteur et les obsessions de sa bibliographie, avec ici, un parc d'attraction des plus futuristes, dans lequel de fortunés touristes peuvent vivre leurs fantasmes dans des décors reprenant les codes du Western, de la chevalerie médiale et de la Rome impériale. Pour assouvir tous leurs désirs, même les plus fous, la société Delos, propriétaire du parc, a mis au point des robots très avancés et à l'apparence humaine, qui peuplent les décors de ces trois lieux. Des androïdes qui vont finir par poser problème aux visiteurs et aux propriétaires du parc, mais on ne vous détaillera pas en quoi, pour ne pas voler une partie de votre plaisir à la découverte de ce(s) monde(s) incroyable(s).

Les vacances du futur, dès aujourd'hui

Intrigant et passionnant à plus d'un titre, ce pitch est par ailleurs considérablement en avance sur son temps. Que ce soit d'un point de vue thématique, avec la création d'un parc destiné aux plus riches et à leurs pulsions les plus décadentes, ou technique d'ailleurs, puisque Westworld est le premier film à adopter le point de vue d'un androïde, plus de dix ans avant Terminator. La vision du robot est d'ailleurs représentée grâce à un traitement numérique de l'image, la première de l'histoire du cinéma, qui s'apparente à un découpage grossier des plans tournés par Chrichton en milliers de pixels. Ça na l'air de rien comme ça, mais c'est un procédé très onéreux et avant-gardiste pour l'époque, qui donnera naissance à un vrai archétype de mise en scène à Hollywood. On en parlait, le Terminator mais aussi le Predator (encore plus tard, en 1987) traiterons l'image pour placer le spectateur dans la peau de l'antagoniste.

Mais ce n'est pas tout, puisque Westworld est également l'une des premières mentions, tout domaine confondu, du concept de virus informatique, alors que ce secteur n'en est qu'à ses balbutiements, et le film de Crichton est en tous cas la première œuvre cinématographique à évoquer le concept, qui vous vous en doutez, concerne nos amis les robots. Il est d'ailleurs assez amusant de noter à quel point l'auteur fait preuve de soin dans l'exposition de cette idée, lors d'une scène qui compare les robots défectueux à des malades humains. En 2016, le concept sera immédiatement compris par tous les spectateurs, même les plus jeunes, ce qui n'enlève rien à la puissance du texte de Crichton, qui des années avant les personnal computers, s'intéresse à l'idée d'une maladie informatique.

Boy, have we got a vacation for you

Vous l'aurez compris, Westworld est un véritable parc d'attraction, au sens propre, dans le film, comme au figuré, puisqu'il est un vrai bac à sable pour l'auteur, qui y invite toutes ses idées, même les plus folles, comme le fait d'avoir des relations sexuelles avec des robots, ou d'assouvir toutes ses pulsions de manière cathartique sans aucune répercussion, près de 30 avant le tout premier Grand Theft Auto. Et il faut reconnaître à toutes ses réflexions, au-delà de leur simple pertinence, une lecture sociale des plus passionnantes. Seuls les touristes les plus fortunés peuvent en effet s'offrir une visite au parc. Mais pour 1000 dollars (de l'époque, soit 5000 dollars environ aujourd'hui) par jour, vous avez le pouvoir : vous pouvez abattre de sang froid tout androïde qui vous regarde de travers, coucher avec eux ou pire encore, les torturer, comme le montre Chricthon, par touches, dans le film. Rien ni personne ne peut vous empêcher de vivre votre rêve, qu'il soit fantasme décadent ou songe de gosse. A moins que les robots ne développent une mémoire, ou s'inspirent de vos habitudes. Ou encore, que des touristes parviennent à contourner les règles de Westworld pour sévir auprès des humais comme auprès des androïdes.

Autant de pistes qui n'étaient qu'évoquées dans le film de Crichton mais qui auront tout loisir d'être réellement développées dans la série de HBO, qui a le format, le budget et les acteurs pour étendre le fameux bac à sable dont nous parlions. D'après les trailers, Jonathan Nolan et Lisa Joy s'en donnent à cœur joie, puisqu'ils nous offriront par exemple, un inventeur à la John Hammond (de Jurassic Park donc) pour donner du poids à l'ensemble, et essayer de comprendre qui pourrait bien inventer un lieu en apparence aussi simple, mais totalement décadent, quand on s'y intéresse de près. Pour peu que les deux showrunners, appuyés par un producteur de J.J.Abrams (qui dans les années 1990, avait approché Crichton pour un remake) s'inspirent de la situation géo-politique du moment ou encore du jeu-vidéo, et on tient, potentiellement, un univers aussi passionnant que celui de Game of Thrones.

Dead Western Redemption

L'aspect ludique des choses sera d'ailleurs incarné par le personnage d'Ed Harris dans la version HBO, un visiteur régulier du parc, qu'on pourrait qualifier de pro-gamer étant donné les influences de Nolan sur le projet. En effet, le bonhomme confiait à Empire qu'il avait cherché à comprendre les tenants et aboutissants de la saga GTA - en y jouant, bien sûr - pour nourrir ses écrits et développer une vision moderne de Westworld, qui profitera de toutes les avancées technologiques - dans notre monde cette fois - qui séparent la série de HBO du film originel.

A l'heure où on commence à s'intéresser aux droits et devoir des machines (avec la question du drone de combat notamment) et où le jeu-vidéo est l'industrie créative la plus riche du monde, le retour de Westworld semble couler de source. Avec un parc d'attraction extensible à l'infini et des thèmes si riches, on imagine que HBO tient un challenger à l'adaptation de George R.R.Martin, et on espère que le dimanche 2 octobre prochain, date de diffusion du premier épisode, ne nous donnera pas tort. Dites-vous bien que nous sommes peut-être à l'aube du prochain vrai phénomène culture pop du petit écran, rien que ça.