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Amazonies Spatiales : Interview avec Berekyah Yergeau

Par Exosk3let
3 minutes 30 avril 2024
Amazonies Spatiales : Interview avec Berekyah Yergeau

A l'occasion de la parution d'Amazonies Spatiales, un reccueil de textes parru à la suite d'une résidence d'auteurs. Cet ouvrage que nous avons précédemment critiqué et fortement apprécié, a rassemblé 15 auteurs et 50 experts afin de penser des futurs probables du voyage spatial en 2075.

Exosk3let a eu la chance d'interviewer quelques uns de ces auteurs et autrices. Voici le second de ces trois entretiens écrits.

Berekyah Yergeau est d'origine haïtienne, elle est diplômée d'art et lettres et interprétation théâtrale à la faculté de Montreal.  Elle est la fondatrice de la Cie OTEP pour laquelle elle est dramaturge et metteuse en scène. Elle a le goût de l'expérimentation et de l'innovation par le théâtre.

"Il était important pour moi de ne surtout pas balayer ce qui appartient à nos préoccupations présentes, mais de leur trouver des suites et ou des pistes de solutions positives."

L’exercice proposé par les Amazonies Spatiales est à mi-chemin entre la science-fiction et l’anticipation. Comment avez-vous choisi la manière d’aborder la spécificité de cette thématique ?

Dans mon récit, j’ai appliqué la notion de fiction à ce qui a trait à ce qui est raconté, à la dramaturgie, tout en anticipant les aspects scientifiques, politiques et géopolitiques de la façon la plus terre-à-terre possible.  J’ai fait le choix de construire ce récit par le prisme de thématiques qui résonnent en Guyane aujourd’hui : l’importance de la préservations des bagages traditionnels et coutumiers, les enjeux écologique du territoire, l’histoire, la relation avec l’état français, l’unité du peuple Guyanais et ses réactions faces aux divers industriels qui viennent exploiter ses sous-sols.

 

On retrouve un certain minimalisme dans votre manière d’écrire la pièce proposée dans les Amazonies, d’où cela vient-il ?

Cela me vient de l’envie de ne créer aucune réelle rupture avec la réalité présente. Plutôt que de créer un monde, un langage, un univers tout entier, j’ai fait le choix de parler simplement de la continuité de ce monde ci. Peut-être est-ce de la faute du Non bug de l’an 2000, résultat post-traumatique d’une déception d’ampleur, je considère depuis que la suite sera linéaire. Demain sera toujours la résultante d’hier. Bien que l’on évolue au ralenti quand on se projette, on accélère… Il était important pour moi de ne surtout pas balayer ce qui appartient à nos préoccupations présentes, mais de leur trouver des suites et ou des pistes de solutions positives. Une manière pour moi de donner un sens à nos luttes et à nos humbles existences.

 

J’ai vu dans cette pièce un parallèle avec de nombreux théâtres, de l’antique au plus moderne. Quelles sont vos sources d’inspiration ?

Effectivement, à certains moments précis du récit j’ai opté pour une parole commune, une parole portée par un Chœur ce qui rappelle la force du collectif et le théâtre Antique ; Quand l’individu se fond, s’intègre à la masse pour devenir monstre, puissant, immense, un seul ensemble.  Je suis aussi inspirée par le vers, le rythme, la musique des récits classique tel que ceux de Jean Racine, Molière ou de plus récent comme Rostand. À l’image de mes prédécesseurs, je me plais à me réapproprier la langue et le théâtre comme des outils de réflexion populaire où je traite de ce qui est tout en tentant évidement de nourrir les imaginaires. Le présent et la nature humaine sont à eux seul une matière suffisamment riche à laquelle réfléchir pour nourrir nos aspirations futures.

 

En parlant d’inspiration, qu’avez-vous cherché chez les scientifiques qui vous ont accompagné ? Comment avez-vous travaillé avec eux ?

J’ai principalement cherché à comprendre. Oui. À comprendre ; ce qui est et ce qui sera bientôt possible !

Puisque 2075 est un avenir relativement très proche, la première étape pour moi était de comprendre ce qui se préparait au présent. Je dois l’admettre, étant complètement éloignée par le fait même, ignorante de l’ingénierie spatiale, leur parole résonnait déjà chez moi comme de la lointaine fiction. Je me suis aventurée en terre étrangère et j’ai laissé les scientifiques me guidé au sein de leurs passionnants univers. Ils ont été pour moi des référents. Ils ont confirmé la possibilité scientifique de mes pistes dramaturgiques, mais surtout leurs partages et leurs expériences ont été mes principales sources d’inspirations.

 

 

Peut-on s’attendre à voir cette pièce jouée par la compagnie OTEP ?

Oui c’est fort possible. Puisque les mots prennent une tout autre dimension lorsqu’ils sont dit. Ce serait là l’occasion de mettre en scène ce récit singulier. D’ailleurs, en lisant les nouvelles de mes collègues auteurs, je me suis fait la réflexion à plusieurs reprises : ce livre, serait-il mieux de l’adapter en pièce de théâtre, en une série de 15 épisodes ou en plusieurs films ?

 

Je vous laisse le mot de la fin.

Merci de l’intérêt porté à l’égard de notre travail.  Ce fut pour moi une première expérience au sein de l’univers de la SF qui m’a beaucoup plue. Bien que ce fut un défi de taille au vu des contraintes imposées par le cadre de la résidence, je suis résolument convaincue que la direction artistique était la bonne.

Merci à Matrice, à Bragelonne, aux experts scientifiques, aux accompagnateurs et à mes collègues auteurs pour cette expérience inoubliables.