Aujourd'hui, Syfantasy vous propose un entretien exclusif avec l'illustratrice Mathilde Marlot, dont on a notamment pu voir l'étendu du travail sur Le Manuel du Sorceleur, réalisé avec Alain T. Puyssegur !
Bonjour Mathilde, merci encore de répondre à nos questions ! Aujourd'hui, on revient sur le process de création d'un ouvrage créé à quatre mains, à savoir toi et Alain T. Puysségur. Si pour lui, l'univers de The Witcher est une terra cognita totale, qu'en est-il pour toi ? Connaissais-tu cet univers ? L'as-tu approché par les jeux, ou la série, ou carrément les livres ?
M.M : Bonjour Morgan, merci pour ces questions! Je connaissais très peu l'univers: j'avais vu des scènes cinématiques du jeu vidéo il y a longtemps sur Youtube (des amis qui vantaient la beauté du jeu et étaient vraiment séduits par les personnages et l'univers m'avaient partagé cela et ça m'avait marqué mais je n'y ai jamais joué) ensuite, je l'ai davantage découvert avec la série Netflix.
On parle de The Witcher, mais de manière générale, quel est ton rapport à l'imaginaire ? As-tu grandi avec certains films de fantasy ? Ont-ils influencé ton parcours artistique ?
M.M : Enfant, je me suis immergée très tôt dans les contes de Grimm; les contes et légendes en général m'ont toujours beaucoup inspirée donc j'ai naturellement adoré toutes les productions fantastiques au ciné (le film qui m'a le plus marqué étant enfant est Willow de Ron Howard), en littérature, en peinture et en musique aussi. J'aime énormément les légendes des pays de l'Est, c'est pourquoi j'ai tout de suite accroché avec l'univers dont parle le manuel du sorceleur avec ses monstres notamment. Outre la fantasy, j'adore l'horreur.
Concernant ton apport dans ce Manuel du Sorceleur, on y retrouve un paquet d'illustrations. Quel a été ton process créatif pour cette collaboration ? Combien de temps de travail, par exemple, mais aussi dans quelle mesure as-tu travaillé avec Puysségur pour aboutir à cette vision bichromatique de The Witcher ?
M.M : Plus d'une centaine de dessins! J'ai adoré cette collaboration. La totalité du travail de dessin pour ce livre s'étale sur 4 mois mais c'est une aventure d'un an au total. Il m'est difficile de comptabiliser mon temps de travail pour chaque illustration, car je perds un peu la notion du temps quand je dessine.
Pour chaque illustration , nous avons énormément échangé avec Alain, mais aussi avec Piéric (nous avions une conversation Discord réservée à nos échanges sur le projet et nous nous sommes souvent téléphoné aussi) c'est une manière de travailler que j'apprécie car je tiens toujours à avoir le plus de précisions possibles sur l'idée qu'ils se font d'un personnage, d'une créature ou même d'une potion afin de la matérialiser le plus fidèlement possible dans mon esprit avant de dessiner.
J'ai bien senti que cet univers était important pour Alain et qu'il le passionne alors j'ai souhaité en matérialiser le plus fidèlement possible chaque élément demandé. Il faut que le lecteur croit en ce qu'il lit aussi et qu'il puisse s'immerger totalement dans sa lecture, c'est pourquoi j'ai tendance à opter pour un style réaliste. Piéric était content aussi que je connaisse peu l'univers car il préférait que l'illustrateur ne soit pas influencé par le JV notamment.
Pourquoi la bichromie, d'ailleurs ?
M.M : C'est un choix de l'éditeur, si ma mémoire est bonne, elle correspond bien à l'aspect "carnet de voyage" ou "grimoire" du manuel.
Est-ce Bragelonne qui t'a approché pour ce projet ?
M.M : oui, tout à fait! Alain que je ne connaissais pas à l'époque m'a contacté tout d'abord sur Messenger suite aux conseils de Sébastien Célerin (il était chez Bragelonne games) avec qui j'ai travaillé pour plusieurs projets de jeu de rôle et ensuite j'ai fait la connaissance de Piéric.
Pour ce qui est de ton style, quel genre d'influence irrigue tes créations ? As-tu des artistes de référence qui ont marqué ta patte ?
M.M : Oh oui! Bien sûr! Chaque illustrateur est le produit de ce qu'il aime, de ce qui l'a bercé et influencé depuis toujours! J'ai un immense amour pour la peinture romantique du 19ème siècle, en particulier pour le mouvement Préraphaélite (j'aime tous les artistes de ce mouvement) j'adore aussi tout ce qui se fait au début du 20ème siècle dans la continuité (Mucha, Klimt par exemple) et j'ai toujours admiré le travail d'illustrateurs comme Frazetta, PJ Lynch, Rien Poortsvliet, Alan Lee, Scott Gustavson, Paul Bonner ou encore Adrian Smith.
Il y en a tellement d'autres, la liste est longue! Je ne dois pas oublier Hayao Miyasaki aussi!
Que penses-tu du cas Midjourney ? Cet outil fait grand débat dans la sphère artistique, et je serai curieux d'avoir ton avis sur cette phrase de Francois Baranger, tirée de sa tribune pour Numerama : « Ces programmes ne s’inspirent pas, ils plagient. ».
M.M : Oui ils plagient et c'est grave, c'est surtout triste je trouve et tout ça pour le pognon comme d'habitude. L'humain a toujours déployé des trésors d'ingénuité à sa propre destruction.
L'art est la plus belle manifestation de l'homme avec l'amour (d'ailleurs les deux sont liés) je trouve regrettable qu'on le déshumanise. Une illustration n'est pas un produit plastiquement beau seulement, elle est le résultat du temps, de la réflexion, d'enseignements, d'inspiration, de recherches, de persévérance, d'échecs, de souffrance parfois...
Elle va nous toucher, nous retenir, nous évoquer quelque-chose de personnel. Ce n'est pas le produit de la paresse mais le résultat de la passion et du courage. Les produits réalisés avec ces moyens ne sont que du mensonge et de l'esbroufe à mes yeux.
Pour relativiser, je me répète que si un jour il y a un blackout, Midjourney et les autres disparaîtront tandis-que je pourrai toujours au pire dessiner sur le sable ou sur la terre hahaha !
Pour revenir sur un terrain plus tranquille, aurais-tu une ou deux recommandations littéraires d'imaginaire à proposer à nos lecteurs ?
M.M : Je lis surtout des livres techniques (botanique, bricolage et même survivalisme! ) mais je les inviterais à se replonger dans les contes de Grimm, les nouvelles de Stephen King (grande fan) ou dans ce roman jeunesse que j'avais adoré quand j'étais môme: Singularité de William Sleator !
Merci pour tes réponses, Mathilde !
Le Manuel du Sorceleur est disponible juste ici !