Critiques

Capitale du Nord T.1 Citadins de demain (Claire Duvivier) : un début de trilogie envoûtant

Par Louis - CINAK
3 min 4 octobre 2021
Capitale du Nord T.1 Citadins de demain (Claire Duvivier) : un début de trilogie envoûtant
On a aimé
- Dehaven et sa culture
- Le style doux et mélancolique
- La violence brève et puissante
On n'a pas aimé

Claire Duvivier nous avait ébloui avec son roman Un Long Voyage, où nous suivions la vie mouvementée du secrétaire particulier d’une ambassadrice, le tout conté par une plume fluide et mélancolique. Pour accompagner la trilogie Capitale du Sud de Guillaume Chamanadjian, elle propose sa trilogie Capitale du Nord. Ces deux auteurs se sont lancés dans une fresque à deux mains : la Tour de garde, deux trilogies écrites indépendamment mais qui pourtant se répondent. Citadins de demain est le premier volume d’une série captivante qui annonce une histoire dure et époustouflante au cœur d’une Amsterdam fantasmée.

Amalia, Hirion et Yonas habitent tous les trois au cœur de la Grille, le quartier noble et préservé de Dehaven. Les parents des adolescents croient en la raison et la science et ont éduqué leurs enfants, depuis leur plus jeune âge, avec cette vision : ils doivent devenir les « Citadins de demain ». Yonas est charismatique mais il n’a pas de sang noble, il n’est qu’un parvenu et a tout à prouver. Tandis qu’Amalia et Hirion sont destinés à de hautes fonctions au conseil de la ville et à être à la tête des plus grandes compagnies commerciales de Dehaven, compagnies qui doivent leur richesse aux lointaines colonies. Deux mentalités s’affrontent donc : Yonas reste bercer par les contes populaires et les préoccupations des plus pauvres, tandis qu’Amélia et Hirion sont déconnectés des autres citoyens. Pourtant ils sont les meilleurs amis du monde et Citadins de demain va mettre leur amitié à rude épreuve : priver des enfants de contes c’est risquer la catastrophe quand la magie s’en mêle !

En adoptant le point de vue à la première personne d’Amalia, Claire Duvivier nous propose un récit envoûtant où la magie se glisse entre les amitiés et les familles. En effet, les trois amis se rendent pour la première fois à une foire scycte (peuple inspiré de la culture Tzigane) d’où Hirion va rapporter des objets prétendument magiques, bien que sa rigueur scientifique lui souffle que cela ne peut pas exister ! Il va rapidement embarquer ses amis dans une quête étrange. L’un des objets est un miroir qui semble leur montrer une version de Dehaven complètement vidée de ses habitants et où les quartiers sont renversés (les lecteurs du Sang de la Cité de Guillaume Chamanadjian comprendront pourquoi c’est si important !). Mais Hirion devient de plus en plus étrange depuis qu’il utilise les objets magiques. Au début du roman, Amalia nous évoque des conséquences terribles pour sa famille et la sienne et n’aura de cesse de nous prévenir que l’enchantement prendra vite fin, au profit d’un drame.

Tout comme le Sang de la Cité, l’histoire est captivante, et ce qui nous fascine c’est avant tout la cité de Dehaven. Gemina de Chamadjian était poétique et populaire, comme seules peuvent être les cités italiennes fantasmées. Ici Dehaven est calme comme les cités du Nord, mais où les docks et les quartiers pauvres grondent. Nox, à Gemina, nous proposait le point de vue du petit peuple et des familles appâtées par le pouvoir. Amalia, à Dehaven, aborde la haute aristocratie avec tous ses ragots et ses fêtes au luxe inouï. Fidèle à son style, Claire Duvivier ne décrit que de brèves scènes de violence, comme des explosions qui surprennent tout le monde. Puis elles sont rapidement mises de côté car ses personnages (qui n’ont rien de guerriers) se cachent et découvrent les conséquences des événements « après coup ». L’autrice adopte un vrai parti pris qui est de proposer une fantasy non-guerrière qui tranche avec les habitudes du genre. Et toujours comme signature, pour la série, le jeu de plateau de la tour de garde qui passionne les personnages et les foules. Citadins de demain commence à dégager les origines du jeu et son importance dans l’histoire (mais je n’en dirais pas plus !).

L’ambiance des docks, des fêtes, des tavernes viennent appuyer une plume qui chemine toujours vers le drame qu’Amalia n’a de cesse d’annoncer. Et en toile de fond, les colonies réclament leur indépendance (l’autrice s’étant clairement inspiré de l’indépendance américaine). Et les nouvelles de Gemina nous parviennent au compte-goutte, ce qui montre que le récit de la Capitale du Sud de Guillaume Chamadjian et celui de Claire Duvivier sont enchâssés !

Citadins de demain annonce une trilogie envoûtante servie par une plume qui nous tient captif du début à la fin. En puisant ses références dans notre histoire, Claire Duvivier propose un univers solide et cohérent. Sa fantasy douce et non-guerrière en fait une voix à part dans l’imaginaire français.

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