- La Cité envoûtante
Les ruelles étaient bondées de marchands ambulants et de crieurs de nouvelles. Les marchands criaient à pleins poumons, les badauds se bousculaient, des enfants se lançaient une balle qui allait se perdre dans les sacs des toile remplis d’épices. Le chant de la Cité.
Les Forges de Vulcain brillent par les premiers romans de leurs jeunes auteurs ! Un Long Voyage de Claire Duvivier était exceptionnel et Le Sang de la Cité de Guillaume Chamanadjian est en passe de produire une trilogie magnifique.
Ces deux auteurs se sont lancés dans une fresque à deux mains : la Tour de garde, deux trilogies écrites indépendamment mais qui pourtant se répondent. Le Sang de la Cité est le premier tome de la trilogie de la Capitale du Sud, une histoire poétique et touchante sur une cité italienne fantasmée.
Le prologue pose tout de suite le décor : deux grandes familles se font la guerre et celle de la Couane, la tortue de mer, mène le siège du palais du Dauphin. La Couane en sort vainqueur mais découvre dans les geôles de son ennemi, deux enfants n’ayant jamais vu la lumière du jour : Nox et sa sœur Daphné. Rapidement pris sous l’aile du Duc Servaint de la Couane, ils seront nourris et blanchis et alimenteront les commérages et les chansons de tavernes.
En grandissant, Nox va devenir commis d’épicerie tout en se payant quelques visites à son bienfaiteur, qui, bientôt, va chercher à exploiter son talent de grand communiquant. En effet, le duc cherche à construire un canal permettant de relier le bord de mer (où sa maison se trouve et est influente) à l’autre extrémité de la Cité. Ce canal n’est qu’un prétexte pour les clans de se prêter à un jeu d’influence dont la Couane veut bien profiter.
Lors d’une rencontre entre clans, Nox se voit offrir un recueil de poèmes qu’il dévore rapidement car, pour briller dans la Cité, il faut trouver le mot juste et savoir le déclamer comme les plus grands baladins.
Mais un poème attire particulièrement son attention, non pas à cause de son histoire mais plutôt de sa mesure et de son style qui n’ont rien de commun avec ce qu’il connaît, lui qui pourtant aime tant chanter tout le long du roman ! Puis soudainement, le rythme du poème se confond avec ce que Nox appelle le chant de la Cité, ce bruit de fond constant fait de cris, de bruits de chariots, de commérages...
Et soudainement, il se retrouve dans une Cité miroir, où toutes les rues sont vides. Vides ? Non une brume peuplée de monstres semble le prendre en chasse et il ne s’en sort in extremis. Commence alors une quête de savoir pour Nox, qui cherche à découvrir le secret de sa Cité à travers les légendes au cœur des poèmes et des chansons qu’il aime tant.
Que dire de l’univers qui se limite à une immense cité, peuplée de marchands, de clans aux valeurs toutes uniques, ou encore de vignerons. On se retrouve presque dans une ville méditerranéenne dans le roman de Guillaume Chamanadjian. On sent tout l’amour qu’à l’auteur pour la culture et la bonne chère.
Il n’a de cesse de peupler notre imagination d’architectures étonnantes, de ruelles calmes, de plats tous plus appétissants que les autres ou encore de palais ducaux rivalisant de majesté. La plume de l’auteur brille autant par son style aérien que par la beauté des chansons qu’il a créées pour peupler sa cité. Les amateurs de fantasy dense, faite de chants et de paysages étonnants n’auront de cesse de s’émerveiller. Ce fut mon cas.
A la 100ème pages, on ne sait toujours pas où l’intrigue nous mène pourtant ce n’est pas un roman, c’est qu’au contraire l’auteur nous emporte là où il veut qu’on aille. Pour un premier roman, Guillaume Chamanadjian a la faculté incroyable de capter son lecteur grâce à la fluidité de sa plume et à l’humour des belles phrases que l’on se surprend à relire à haute voix.
Guillaume Chamanadjian est un auteur à suivre car en une seule phrase il est capable de capter l’attention de son lecteur et de lui faire découvrir sa Cité : complots, vin, bouchées et surtout beauté. Le Sang de la Cité est une ode magnifique à la culture dans un univers de fantasy envoûtant vivant au rythme effréné d’une cité inoubliable.
Crédit illustrateur : Elena Vieillard