Il y a quelque chose d'envoûtant dans le style de Timothé le Boucher. Non seulement d’un point de vue graphique, mais aussi dans sa manière de raconter une histoire dont la tension monte petit à petit au même rythme que l’émotion. Ces jours qui disparaissent est son premier roman graphique chez Glénat, rééditée au format poche, mais dont la puissance émotionnelle et la cruauté des situations préfiguraient déjà dans ses précédents albums Les Vestiaires et Skin Party.
Ce drame sur fond de temps qui passe (de temps perdu ?), nous entraîne dans une bouleversante quête d’identité.
L’histoire
Lubin est acrobate dans une troupe de cirque amateur. Après une mauvaise chute, il s’aperçoit qu’il ne vit plus sa vie qu’un jour sur deux. Que se passe-t-il durant ces jours où il « s’absente » ? Apparemment, c’est une autre personnalité qui prend le contrôle de son corps. Un alter ego différent sur bien des points, avec qui il va apprendre à composer grâce à des messages interposés. Pourtant, la cohabitation tourne vite court : Lubin est végétarien, son autre lui se gave de steak haché, il est sportif, l’autre est casanier, il est bordélique, son double est un maniaque de la propreté. Décidé à se débarrasser de cette personnalité envahissante qui lui gâche la vie, il se résout à aller voir une psychologue. Mais l’arrivée de son autre lui n’aurait rien à voir avec sa chute, pire encore, ce double commence à prendre peu à peu sa place. D’un jour sur deux, Lubin ne possède plus son corps qu’un sur trois, puis un sur sept…
L’avis d’Alex
Ces jours qui disparaissent est le parfait exemple d’un scénario brillant. Aussi bien chorégraphiée que les spectacles de son protagoniste, l’histoire nous fait passer par toutes sortes d’émotions : amusement, colère, angoisse, tristesse… Impossible de ne pas partager les peurs de Lubin, ni sa frustration face à un phénomène qu’il maitrise de moins en moins et qui menace de l’engloutir jusqu’à le faire disparaître.
Évoquant des œuvres telles que Dédales, Repo Men ou encore Ce que nous sommes, le roman graphique de Timothé le Boucher se montre aussi poignant dans ses moments d’émotions, que violent dans sa mise en scène de la « vengeance » que chaque personnalité fait subir à l’autre.
Exceptionnel jusque dans ses personnages secondaires, à l’humanité folle et d’une justesse d’écriture incroyable. C'est eux qui contribuent à ancrer Lubin dans la réalité. Dans le peu de réalité qu’il lui reste.
Plus proche du thriller psychologique que du fantastique, Ces jours qui disparaissent nous tient en haleine jusqu’au bout et nous laissent hagards, émus, mais certainement pas indifférents.