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Critique - Carne (Julia Richard) : un roman qui vous (se) régale!

Par Tasslehoff - Charles
3 min 8 novembre 2021
Critique - Carne (Julia Richard) : un roman qui vous (se) régale!
On a aimé
- L'humour noir et cynique
- Le regard critique sur notre société
- Le rythme
On n'a pas aimé

Pensez au tri ! Ensemble réduisons l'impact de l'homme en le mangeant.

Julia Richard est une jeune autrice française. Elle publie en 2015 son premier roman Faites vos jeux, une sorte de huit clos assez cruel. Avec Carne, elle signe son second roman (et on espère qu’il deviendra le deuxième !). Elle est également illustratrice et s’est occupée de la couverture de son premier roman.

Après Faites vos jeux, Julia Richard revient en force avec Carne aux Editions de l’Homme sans Nom. Entre roman fantastique – de zombies diraient certains, mais ce n’est certainement pas ainsi que le personnage principal aurait voulu que son histoire soit décrite – et satire sociale, ce succulent roman nous plonge dans l’histoire de Simon.

Ce père de famille, à la vie bien ficelée et sans problèmes, se retrouve du jour au lendemain pris d’un besoin irrépressible de chair humaine, allant bien au-delà de la « simple » pulsion. C’est ainsi qu’il se retrouve à dévorer son chien, le pauvre Wurst – ce qui veut dire saucisse en allemand. Son appétit le poussera ensuite à passer à des proies humaines, à commencer par une sans-abri au derrière d’un McDo’. Il rencontrera à ce moment-là d’autres « contaminés », qui l’aideront à bien se nourrir. Ses relations au travail, ou avec son meilleur ami, policier enquêtant sur les meurtres liés aux cannibales, en seront complètement changées, de même que celles avec sa famille, et en particulier avec sa fille. Celle-ci deviendra son principal soutien, peut-être un peu trop, vu la tournure quelque peu incestueuse et malsaine que prendra leur relation. La suite des péripéties s’enchaine ensuite à un rythme effréné jusqu’à un final rondement mené. Un livre à croquer qu’on lâche difficilement !

Raconté à la première personne, le roman nous dépeint les états d’âme du personnage principal et son évolution psychologique, de ses dilemmes éthiques jusqu’à sa fascination pour sa fille, en passant par sa perception de l’évolution médiatique et politico-sociale de ce phénomène – ce virus ? – cannibale. A travers les pérégrinations mentales du héros et de la société qu’il dépeint, l’auteur aborde une foulée de thèmes et y porte des réflexions plus ou moins poussées selon les cas.  Parmi ceux-ci, citons pour l’exemple, le viol, le traitement de l’information par les médias, la société de l’entertainment, le monde du travail, sans oublier, bien évidemment, les modes de consommation occidentaux. Le tout est toutefois traité avec beaucoup d’humour (noir) et de cynisme. Ce ton rend même supportable, voire amusantes, des scènes objectivement horribles et, même dans les moments les plus durs et les plus sérieux, l’auteur réussit à faire en sorte que le lecteur conserve une certaine distanciation ironique qui permet de conserver le sourire aux lèvres.  Ne citons que pour l’exemple les jeux de mots autour de la nourriture, tel que la connarbonara ou encore les chapitres 404, assez décalés, qui peuvent consister, par exemple, en un tuto cuisine pour contaminés.

Le traitement somme toute original de l’histoire et des thèmes abordés trouve écho dans le livre-objet lui-même, ainsi que dans la forme du texte. En effet l’auteur n’a pas hésité à mélanger les chapitres de sorte que le livre reflète en réalité la confusion croissante du protagoniste principal : tout au long du roman, pertes de mémoire, schizophrénie et une confusion temporelle vont de pair avec la faim qui taraude le pauvre Simon. Des passages en gras et en italique mettant l’accent sur des mots forts de sens et des jeux de mots ponctuent le récit, tandis que l’utilisation de la majuscule ou de # le dynamise. Le roman est de plus truffé de références culturelles, anciennes et récentes, connues et moins connues, de Phil Collins à Yann Bécu.

Carne est un roman gore qui réussit à vous faire rire et à être une critique de certains aspects de notre société qui font pleurer, le tout supporté par un univers sombre qui porte avec lui un vent de légèreté. Un roman malin, dans tous les sens du terme, qui vous fait passer un bon moment, et fait réfléchir. A la fin de la lecture, j’avais seulement grande faim que l’auteur réitère ce genre d’exercice.

Bon appétit !

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