Comme toute saga fantasy que j’ai adorée, celle-ci est longue, dense et recherchée : l’univers dans lequel nous sommes plongés demeure toujours aussi passionnant et riche, d'autant plus que nous découvrons au fur et à mesure des informations capitales à propos de l’histoire de Daevabad. Pour autant, force est d’admettre que si les personnages sont attachants et bien construits, les épreuves qu'ils endurent manquent parfois de vraisemblance. S.A Chakraborty a sans doute souhaité nous en mettre plein la vue, en enchaînant les scènes d’action dans son dernier opus, afin de marquer son lecteur avec un tome plus saisissant que les précédents, mais en ce qui me concerne, j’ai plutôt été déçue de ce roman “James Bond”, qui court après le divertissement.
Alors que j’avais le sentiment de lire une histoire bien fignolée, ce dernier tome comporte une fin bâclée. Or, sur huit cent pages, le lecteur est en droit de s’attendre à un dénouement mûrement mijoté, à une conclusion à couper le souffle, hélas, on a plutôt droit à une fin précipitée après une longue entrée en matière centrée sur Nahri et Ali qui se préparent à affronter Manizeh, la nouvelle tyran de Daevabad. Le point de vue externe nous dévoile la destruction qu’elle a semée sur son passage par l'intermédiaire de Dara, son Afshin, dont la loyauté a été éprouvée par le sang et la mort.
Ainsi, nous bénéficions d’une vue globale sur les événements qui se sont produits, ce qui attise notre curiosité et nous pousse à tourner les pages de plus en plus vite, afin d’avoir le dernier mot de cette histoire palpitante ! Malheureusement, au cours des cent dernières pages, l'autrice enchaîne les révélations : on en apprend davantage sur l’histoire des marids, sur l'enfance de Nahri, sur les armes dont dispose Manizeh, et ce, sur une centaine de pages seulement. Pour réussir un tel exploit, certains faits qui auraient dû être développés sont résumés en une phrase. Par conséquent, le roman perd en crédibilité, et ce d'autant plus rapidement qu’il s'agit du volume qui clôt la saga, celui dont le lecteur se souviendra indubitablement.
En bref, des événements cruciaux sont passés à la trappe à cause de ce déséquilibre. La structure du roman n’est pas sans rappeler le premier tome, qui débute également par un long voyage et qui se termine par une suite d’événements déterminants résumés à la hâte. La seule véritable différence entre les deux romans se situe dans les relations qu’entretiennent les personnages : alors que dans le premier tome, Dara accompagnait Nahi sur le chemin qui mène à la cité magique, dans le dernier tome, les rôles s’inversent : Ali se tient désormais aux côtés de Nahri tandis que Dara a basculé du mauvais côté. Par ailleurs, depuis le deuxième volume, le plaisir que je prenais à suivre les péripéties de Dara a considérablement diminué, car son rôle n’est plus aussi important que dans le premier opus. De fait, je pense que l’autrice n’aurait pas dû lui consacrer autant de pages dans le troisième tome, afin de se concentrer davantage sur Manizeh, car le rôle de cette dernière concentre à elle seule toute l’intrigue. Or, le développement de ce personnage m’a paru superficiel, car si ses actes la caractérisent comme un monstre impitoyable, l’autrice essaie maladroitement de complexifier ce personnage en lui imputant un passé tragique. Cette stratégie aurait été efficace si le lecteur avait eu accès à ses pensées, ce qui n’est pas le cas, hélas.
Malgré tout, le roman tient la route grâce aux deux personnages principaux qui maintiennent le navire à flot et qui nous empêchent d'interrompre prestement notre lecture, car on a envie de savoir ce qui va advenir de Nahri, d’Ali et de leurs amis. Moins de Dara, en revanche, dont la trajectoire romanesque demeure prévisible.
Alors, est-ce qu’il faut lire le dernier tome de cette saga ?
En dépit des défauts que j'ai énoncés, je suis d’avis que ce dernier tome, bien que moins bon que les précédents, reste prenant, et pour cause : Nahri et Ali nous bouleversent autant qu'ils nous impressionnent par leur témérité et leur engagement sans faille.
On désire ardemment que ces deux héros réussissent à instaurer une paix durable entre leurs peuples, afin de pouvoir mener la vie simple à laquelle ils aspirent. En outre, je suis toujours aussi admirative de la façon avec laquelle Nahri s'écarte des stéréotypes. Ce personnage, résolument moderne, incarne à lui seul le féminisme par ses actes et son caractère bien trempé.
Ali, quant à lui, est l'homme que l’on voudrait tous avoir près de nous : gentil, engagé et respectueux. Mon cœur a palpité à plusieurs reprises lorsque la narration se resserrait autour de ce protagoniste.
En somme, si vous avez lu les deux tomes précédents, je vous encourage à lire celui-ci, pour avoir le fin mot de cette saga suffisamment attractive pour nous tenir en haleine.
Si vous souhaitez vous procurer le roman, sachez que la maison d'édition J'ai Lu a édité ce troisième tome au format poche.