- Une plume poétique et juste
- Une réécriture poussée qui met en avant le mythe des Nibelungen, mais aussi l'Histoire et les traditions
- Un rythme bien mené : on ne s'ennuie pas
Le crépuscule des dieux la bande-dessinée : voici l'histoire qui a inspiré celle du Le Seigneur des anneaux : un amour maudit tragique entre une walkyrie déchue du nom de Brunhilde et un humain intrépide du nom de Siegmund (Siefgried), combiné à la quête de l'anneau de pouvoir des Nibelungen.
Le résumé
Albéric, le roi des Nibelungen, a forgé un anneau en or céleste. Un anneau au pouvoir si grand, qu’il est capable de plier toute chose à sa volonté. Wotan, le Père des Dieux, s’en empare afin de libérer la déesse Idunn, gardienne des pommes d’immortalité. Mais gare à la malédiction…
Pour apaiser ses effets, Wotan partage la couche d’innombrables femmes mortelles. De ces unions naissent Siegmund et sa sœur, Siegliend, eux aussi porteurs du feu noir de l’anneau… La malédiction des Nibelungen quitte alors la terre des Dieux pour gagner Mannheim, la terre des Hommes. Le destin des Dieux et des Mortels se retrouve irrémédiablement lié…
Notre avis
- Deux cycles et un préquel
Le crépuscule des Dieux forme une série de 10 tomes, allant du tome 0 au tome 9. Les neufs derniers, qui forment les deux cycles, ont été écrits par Nicolas Jarry et dessinés par Djief, alors que le tome 0 est narré par le polyvalent Jean-Luc Istin, directeur de la collection Soleil Celtic, et illustré par Gwendal Lemercier.
Le préquel a été publié alors que la série avait déjà commencé. Il est préférable de le lire avant toute chose, même si l’histoire se comprend bien sans. De plus, les évènements qui s'y produisent se retrouvent résumés dans les premiers volumes de la série. Il reste un vrai plus pour les fans et non une nécessité absolue.
Un roman éponyme est également sorti aux mêmes éditions, écrit par Nicolas Jarry. Dans un tout autre format, un opéra en l’honneur du couple hors du commun Siegmund-Brunhilde a été composé par Richard Wagner.
Cependant, vous ne pouvez passer à côté de la lecture de ces BD si vous désirez vous plonger dans cette histoire, tant les dessins magnifiques et le scénario captivant vous happeront.
- Un mythe fondateur
Le crépuscule des Dieux raconte, entre autres choses, une histoire bien connue des amoureux de la mythologie nordique : celle de Siegmund et de Brunhilde, la walkyrie déchue. Cette légende tragique a même inspiré Tolkien pour ses différentes œuvres, étant donné que ces poèmes héroïques et différentes ballades nordiques mettent en scène un anneau maudit, l’anneau des Nibelungen.
Nicolas Jarry ne s'est pas contenté de la remettre au goût du jour, il l'a refaçonnée à sa manière.
- Une réécriture plus complète et plus riche
L’auteur a choisi de reprendre certains points forts de l’histoire et d’en romancer d’autres, selon sa propre perception du mythe. Sa version est intéressante et bien tournée. En plus de l’histoire d’amour, on suit également les péripéties des dieux nordiques, leurs doutes, leurs voyages et leurs guerres, et l’on vit aux côtés de différents peuples, comme les vikings, les burgondes, les romains d’Occident ou ceux d’Orient. Cela apporte des sous-intrigues prenantes, ainsi que des références à d’autres passages de l’Edda (récits de mythologie nordique) qui parleront davantage à des lecteurs déjà renseignés, mais qui restent plaisants pour les autres. Sans oublier les références historiques à propos de la montée de la chrétienté et de la chute de l’Empire romain au Ve siècle ap. J.-C.
La série est découpée en deux cycles : l’histoire de Siegfried et Brunhilde est détaillée dans le premier cycle (du tome 0 au tome 6). La suite des BD s’intéresse à l’après Ragnarök, le cataclysme qui a ébranlé les neuf mondes portés par l’arbre pilier Yggdrasil. Nicolas Jarry a su offrir une histoire bien plus complexe et prenante que la seule histoire d’amour des débuts. Effectivement, celle-ci se veut largement englobée par l’enjeu et les conséquences de la décadence de Wotan (Odin). Ces BD apparaissent comme une réflexion sur l’appât du gain, l’attrait du pouvoir et l’égoïsme.
- Des personnages prenants et bien construits dans le premier cycle
Les personnages du premier cycle marquent par leur charisme.
Brunhilde se montre telle la guerrière divine qu’elle incarne dans les esprits. Elle n’hésite pas quand elle doit choisir ceux qui méritent ou non d’aller au Walhalla. Elle n’hésite pas quand elle doit sauver son couple ou trahir son père. Elle n’hésite pas à plonger dans l’inconnu ou à combattre jusqu’à la fin. Son caractère, celui d’une femme forte mais aussi celui d’une enfant blessée, nous émeut. Ses souffrances et ses doutes deviennent les nôtres.
Siegfried se montre moins attachant. Combattant acharné, héros vengeur et facilement manipulable, il garde bon cœur et se donne pour les autres et ceux qu’ils considèrent comme bons. Le duo fonctionne à merveille : ils se complètent l’un l’autre et évoluent ensemble.
Les dieux sont bien représentés dans ce cycle. Nombre d'entre eux parsèment ces pages, à l'image de figures gracieuses et épiques, loin du ton sarcastique des mythes originels.
On hurle au combat avec Donner (Thor) et Tyr, on rugit de haine aux côtés de Fricka, qui ne supporte plus les innombrables adultères d'Odin, on rit de la facilité que possède Loge (Loki) pour évincer ses semblables, on est enchanté par Idunn, la seule à pouvoir cueillir les pommes donnant la jeunesse éternelle (les dieux nordiques ne sont pas immortels), on est charmé par Baldur et ses poèmes, on est effrayé par l’apparence étrange de Hell, gardienne des Enfers, et on compatit au malheur de Njord, le dieu des Vanes, ennemis de la famille des Ases, dirigée par Odin.
- Une Histoire mise à nue dans le second cycle
Le cycle suivant nous plonge davantage dans l’Histoire. L’un des personnages principaux fait en effet partie de l’Empire roman d’Orient (du côté de Constantinople). Les questions d’ordre religieux et politique, bien plus souvent abordées dans ces tomes que dans les précédents, nous fascinent.
Le côté mystique de la mythologie nordique reste néanmoins vivace avec notamment la présence des Nornes, ces femmes qui peuvent influer sur la destinée, celle des derniers descendants d’Odin qui auront un rôle essentiel à jouer dans la reconstruction du monde, et celle de nombreux elfes, créatures magiques et autres monstres divins toujours en vie.
Tout cela sublimé par une écriture et des illustrations extraordinaires.
- Des dessins et une plume magiques
Ces BD célèbrent la mythologie nordique. Le lecteur y apprendra beaucoup sur le Ragnarök, le panthéon divin et les neuf mondes. Il pourra s’émerveiller devant les dessins et les traits de crayons magiques de Djief, qui offre un visuel saisissant pour embellir les mots de Nicolas Jarry, toujours aussi poétique et juste dans ses descriptions idéologiques, philosophiques et inspirées.
- Aucun temps mort
La complexité de l’histoire est telle qu’on ne s’ennuie pas. Les nombreux personnages ont tous de l’importance, bien que cela ne se discerne pas de suite. L’auteur laisse la même place à chacun, de sorte que dans un même tome, le lecteur voyage beaucoup, changeant de mondes et de couleurs, d’une page à l’autre, d’une voix à l’autre. Ces contrastes saisissants donnent une force insoupçonnée au récit, aux dessins et à la série toute entière.
- Un must-have du genre
Le crépuscule des Dieux est un incontournable de la collection Soleil Celtic, catégorie Légendes nordiques. Aussi bien pour les néophytes que les passionnés du genre. Un mythe fondateur qui a inspiré la fantaisie que nous connaissons et les histoires d’amour tragiques qui pullulent.