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Critique - Les Seigneurs de Bohen (Estelle Faye): Aucun empire n'est éternel...

Par KrissDrkTwr - Christophe
3 min 29 avril 2022
Critique - Les Seigneurs de Bohen (Estelle Faye): Aucun empire n'est éternel...
On a aimé
-Un roman ambitieux et magistral.
Mais George, si t'as besoin d'Estelle pour finir le Trône le Fer, dis-le..
-Des personnages forts et flamboyants.
-L'intensité de certains protagonistes qui nous emportent, la sensualité fait grimper la température..
-C'est poétique, vibrant, intense.
-Des moments poignants.

-On vit cette révolte qui emportera tout sur son passage..
-La couverture sublime qui donne le ton.
On n'a pas aimé
- Certains personnages auraient mérité une plus grande mise en avant: Wens aurait mérité plus de chapitres mais on chipote..
- Certaines personnages restent trop obscurs comme Morde, on veut en savoir plus !
- Trop court malgré 600 pages tant il y a d'histoires !

Aujourd'hui, je vais vous parler de la géniale Estelle Faye  et de son grand talent de conteuse. Bohen fut une magnifique découverte en 2018. Sa relecture m'a enchanté, elle continue de publier des merveilles (Widjigo, l'arpenteuse des rêves..). Aux Imaginales, elle fait preuve d'une extrême gentillesse et de générosité auprès des lecteurs et lectrices. Incontournable!

 

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Estelle Faye a été comédienne, a dirigé une troupe de théâtre et est diplômée d’une école de cinéma (la FEMIS) en scénario. Aujourd’hui, elle se consacre avant tout à l’écriture. Elle est autrice de romans et nouvelles, en adulte et jeunesse, dans divers genres de l’Imaginaire.


"Fin 2008, j’ai envoyé une nouvelle pour un appel à textes sur les dragons, pour une anthologie chez Calmann-Lévy. Ma nouvelle a été retenue, publiée. A partir de là, tout s’est enchaîné, premier roman, autres nouvelles, autres romans… A part ça, j’aime l’océan, le café, les musiques qui tachent (mais pas que…), les sports de combat, les horizons lointains, les atmosphères nocturnes et urbaines, et les chemins de traverse."

Elle a reçu dix-huit prix littéraires, dont trois prix Imaginales (deux en jeunesse et un en nouvelle), deux prix Elbakin (un en roman français et un en jeunesse), un prix ActuSF de l’Uchronie, deux prix Rosny aîné (en roman et nouvelle), un prix Bob Morane... Par ailleurs, elle réalise des courts-métrages.

 

Bohen, un Empire éternel condamné à mourir

Je vais vous raconter comment l'Empire est mort.
L'Empire de Bohen, le plus puissant jamais connu, qui tirait sa richesse du lirium, ce métal aux reflets d'étoile, que les nomades de ma steppe appellent le sang blanc du monde. Un Empire fort de dix siècles d'existence, qui dans son aveuglement se croyait éternel.
J'évoquerai pour vous les héros qui provoquèrent sa chute. Vous ne trouverez parmi eux ni grands seigneurs, ni sages conseillers, ni splendides princesses, ni nobles chevaliers... Non, je vais vous narrer les hauts faits de Sainte-Étoile, l'escrimeur errant au passé trouble, persuadé de porter un monstre dans son crâne. De Maëve la morguenne, la sorcière des ports des Havres, qui voulait libérer les océans. De Wens, le clerc de notaire, condamné à l'enfer des mines et qui dans les ténèbres découvrit une nouvelle voie... Et de tant d'autres encore, de ceux dont le monde n'attendait rien, mais qui malgré cela y laissèrent leur empreinte.
Et le vent emportera mes mots sur la steppe. Le vent, au-delà, les murmurera dans Bohen. Avec un peu de chance, le monde se souviendra.

 

Un Univers médiéval Fantastique vers les temps modernes

Bohen, c'est un roman de Fantasy Anglo-saxonne  à l'aube d'une révolution industrielle où la poudre à canon et l'imprimerie vont changer le cours de l'histoire.

C'est un roman politique en faveur de la lutte des classes, des peuples opprimés et persécutés qui veulent vivre librement loin de toute oppression et du pouvoir inquisiteur de l'église. 

Clairement avec l'actualité du moment dans l'est de l'europe, Bohen a une très forte résonnance... Donc l'histoire m'a littéralement happé!

C'est un roman poétique, envoûtant sur fond de révolte  pour rendre la chute de Bohen plus poignante et profonde, avec son lot de légendes; de héros et de sacrifices.. 

L'univers crépusculaire de Bohen est volontairement vaste avec ses zones d'ombre et ses mystères non dévoilés,  les interludes qu'Estelle Faye glisse dans le roman apporte  témoignages,  nouveaux éclairages, et son lot de révélations..

La tension est palpable par la venue des vaisseaux noirs fantômes, la disparition des enfants du pays, un pouvoir impérial sourd et aveugle, l'église inquisitrice  qui traque aussi les sorcières et les opposants de l'Empereur... La colère gronde en Bohen...

Les humbles se battent et souffrent pour que les puissants gardent leur trône. Ansi va le monde."

Le danger est partout, autant à l'extérieur mais plus encore à l'intérieur, ainsi circule le livre interdit 'De la fin des empires' qui enflamme les esprits  et qui reprend les codes posés par Philip K. Dick. Malheur à toute personne surprise en sa possession...

Parfois, aussi, le livre servait à tuer, à éliminer un concurrent...

Roman LGBT? Oui et tant mieux!

Bohen explore le destin d'un peuple, une poignée vont déclencher la flamme colérique de la révolution.

Je me suis beaucoup attaché au destin de Maëve, la Morguenne, toujours mise à l'écart mais Lantane et Sigalit lui donneront la force d'aller au bout de sa quête, et bien au-delà... 

J'avoue avoir été porté par Sainte-Etoile qui porte une cicatrice vivante le défigurant, Morded un être surnaturel ou une sorte de démon et compagnon d'infortune. Sainte-Etoile dont la cible est Sorrentz mais dont la rencontre et confrontation prendre une tournure inattendue.. 

Bohen c'est également la rencontre de protagonistes passionnants, malmenés, troublants, très humains car imparfaits. Bohen ce sont aussi la rencontre de créatures magiques issus des forêts, de golems , de vouivres, de  fantômes, de changeformes, de démons qui ont façonné les légendes...

Les sabbats des sorcières secouaient plus que de coutume les forêts des Sicambres, et des démons à la peau rubescente entraînaient hors des vallées les filles un peu trop sages pour les rendre au monde sauvage, au royaume des bois, des brumes et des eaux." 

Un roman LGBT? Oui, car le roman assume pleinement la bisexualité de ses personnages, dont l'hermaphrodisme. L'émancipation sexuelle, celui de la femme est au coeur de ce roman. Ce qui rend les histoires vécues plus intimes, plus réelles. Sensualité garantie!

Quand le Maître du Haut-Château rencontre Fils-des-Brumes! Chiche?

J'ai retrouvé en Bohen le côté dystopique d'un Fils-des-Brumes de Brandon Sanderson: un peuple opprimé qui ne demande qu'à mettre fin au joug d'un empire en proie à un déclin annoncé.

Estelle Faye rend également hommage à Philip K. Dick et son Maître du Haut-Château en introduisant un livre contestataire au coeur du royaume, ce qui est astucieusement joué..  

C'est une Fantasy épique qui m'a plu autant qu'un Trône de Fer pour son univers sombre avec des personnages hauts en couleurs, avec son lot de rebondissements, de tragédies et de destins chamboulés... Mais la violence ne joue pas la carte de la surrenchère !

La touche féminine d'Estelle Faye donne beaucoup de nuances et de subitilés à la vie de cet univers, bien ficelé et très bien mené !

Pour conclure, Bohen se termine en apothéose  douce amère,  son univers plaira à tous les lecteurs et lectrices sensibles à une belle écriture, on aimerait tellement en savoir plus sur cet univers sombre et empli de légendes. 

Roman crépusculaire oui, qui prône la résilience d'un peuple. Tous les ingrédients d'une belle fantasy sont présents, alors c'est un sombre mais magnifique voyage qui vous attend... 

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