Je cherchais parmi mes dernières lectures celle la plus ardente, celle où l'amour était dit avec le plus de force ; ayant déjà chroniqué Tress de la Mer Emeraude, j'avais pour ainsi dire brûlé mes cartouches trop tôt.
Je cogitais donc, puis trouvais un livre, oh, dont l'amour n'est certes pas le sujet principal, à première vue du moins ; un livre où l'amour est resté caché à mon oeil de lecteur attentif, jusqu'à ce que je comprenne qu'il était partout la force motrice des personnages, la source de leur complexité, et puis de ce qu'a ce roman de vrai.
Bref, ma pensée s'était attardée sur Morgane Pendragon, publié le 18 janvier dernier par Jean-Laurent Del Socorro aux éditions Albin Michel Imaginaire.
L'histoire de Morgane Pendragon
L'idée à l'origine du roman est la suivante : que se passerait-il, si Morgane Pendragon, et non Arthur, avait retiré Excalibur ? Et ce qui la rend géniale, c'est qu'on voit derrière chaque scène comment le catholicisme vainqueur transformera ce dont on est témoin - oui, on finit par croire que Del Socorro nous raconte l'histoire authentique -, pour nier le pouvoir des femmes et faire croire après coup que c'est Arthur, qui a régné.
Dans cette reconstitution, à la fois très érudite et très libre, puisqu'après tout le royaume d'Arthur, en tant que non-lieu, est toujours à imaginer, Morgane et Arthur sont amants. Écarté du trône auquel, poussé par Merlin, il se croyait destiné, Arthur enrage. Jamais il ne participera à la vie politique de Logres, et à cause de son inimportance, Morgane ne peut pas l'épouser : elle veut renforcer sa couronne, il lui faut la renforcer par une alliance politique.
Arthur a le choix : rester fidèle à son serment de chevalier de la table ronde, et à son amour, ou bien rejoindre les chrétiens, et renverser l'ordre qui empêche cet amour d'être pleinement vécu, et qui l'enferme dans un rôle subsidiaire.
L'amour dans Morgane Pendragon
Mais à aucun moment, Arthur ne nie l'amour qu'il a pour Morgane, ni Morgane celui qu'elle a pour Arthur. Même les crimes les plus horribles qu'ils seront amenés à commettre ne sauront éclipser leurs sentiments, et la lumière intime qu'ils sentent abîmée chez l'autre.
Vous connaissez la fin de l'histoire : Arthur, blessé par son fils Mordred, se retire en Avalon, où il guérit de ses blessures en attendant le jour où, rejoignant la Bretagne, il y fera naître un nouvel âge d'or. Mais celle qui porte le corps fléchissant d'Arthur, c'est cette femme qu'il a flétri, et qu'il n'a jamais su aimer, parce qu'il l'aimait trop fort : Morgane ne cesse pas, malgré ses douleurs, de l'aimer en retour.
Morgane Pendragon s'adresse plutôt aux amateurs de la légende arthurienne, qui la connaisse déjà, du moins un peu (sinon, un petit revisionnage du Kaamelott d'Alexandre Astier peut faire l'affaire) - dû à son système de référence, et à la vitesse du récit. Le livre a été très largement apprécié pour sa richesse, et pour tous les sujets qu'il aborde sans concession, avec une culture épatante.
Mais ce qui lui donne son unité, à mes yeux, et son autonomie ; l'élément qui en fait réellement une belle histoire, et qui lui donne du feu, il me semble bien que c'est cette histoire d'amour entre Morgane et Arthur.
Le livre est trouvable ici, sur le site de l'éditeur !