Critiques

Peines de mots perdus : un duel littéraire !

Par Dragonarcane
5 minutes 9 mai 2024
Peines de mots perdus : un duel littéraire !
On a aimé
- L'engagement politique : pour la représentation des femmes
- L'Histoire dans l'histoire
- L'humour et les références modernes
On n'a pas aimé
- Une histoire sans réelles surprises

Un roman historique mâtiné de fantasy et d'engagement politique, voilà un mélange détonnant ! Peines de mots perdus prend place au tournant des XVIe et XVIIe siècles, entre la France et l'Angleterre, avec des personnages majoritairement féminins : l'auteur, Jean-Laurent Del Socorro, a donc pris le parti de la marge, de l'entre-deux où tout se joue.

Découpé en trois actes, le récit suit la vie d'Axelle, capitaine d'une troupe de mercenaires cocasse, presque une famille, mais qu'elle devra sauver en acceptant une mission périlleuse : retrouver un artefact magique puissant mais dangereux. Pour cela, elle partira en Angleterre, à la frontière de la réalité et de la magie, risquant sa vie pour le bien des siens et de la France.

Alex Moon et Dragonarcane ont tous les deux lu ce livre, mais chacun d'un œil différent. Nous vous proposons de découvrir leur avis, et de vous faire le votre !

 

 

Une histoire un peu fragile (Dragonarcane)

Je le dis immédiatement : ce livre m'a laissé sur ma faim. J'aime l'histoire au point d'y avoir consacré plusieurs années de ma vie, et j'avais donc de grandes espérances. Je ne connaissais pas Jean-Laurent Del Socorro, et cela a probablement contribué à ma surprise : une féminisation profonde du monde, qui n'est jamais problématisée ou mise en lumière. Le fait que des femmes exercent des fonctions d'importance au même titre que les hommes me plaît, mais j'ai comme l'impression qu'on invisibilise les souffrances et difficultés qu'ont pu connaître les femmes de cette période. Je n'ai pas non plus trouvé que l'univers était palpable ; pour moi il s'agissait d'un décor peint, agréable à l'oeil, décevant une fois touché du doigt. Je n'ai pas cru au récit non plus, attendu, avec des personnages féminins certes, mais sans originalité, ni dilemme moral : la certitude d'être du côté du bien est-elle si forte ?

En revanche, j'ai aimé la présentation de personnages historiques connus (je ne dirai rien pour vous laisser la surprise !), comme d'autres moins connus. De même, le choix de faire défiler le temps entre les actes est intéressant, et permet de brasser plus d'événements, de sortir d'une narration purement littéraire pour entrer un peu dans l'histoire. Enfin, mon passage préféré est le dernier : une traduction originale d'un texte féministe d'époque est ajoutée au récit. Mieux encore, son autrice est une des protagonistes du livre ! Voilà qui a piqué mon intérêt, et ravivé ma flamme. Pour cela j'ai refermé le livre avec plaisir, et remercié l'auteur de ses engagements. Si je ne suis pas vraiment convaincu par le résultat, je ne peux que m'incliner devant l'idée. Peut-être un prochain livre de Jean-Laurent Del Socorro sera-t-il le bon ? 

 

Une histoire rafraichissante
(Alex Moon)

Axelle de Thorenc, capitaine de la compagnie du Chariot et plus tard chevalière de France, à fort à faire pour démêler les complots dans lesquels la mission qui lui a été confiée par le roi Henri IV, la plonge. Entre intrigues de cour, sociétés secrètes et fantômes du passé, l’héroïne fait la rencontre de personnages hauts en couleur tels que le dramaturge William Shakespeare ou le célèbre Guy Fawkes !
Une aventure de cape et d’épée pleine de références, non seulement à l’histoire, mais également à la pop culture moderne (dont une à Fast & Furious particulièrement bien choisie !), et chorégraphiée comme une pièce de théâtre en trois actes. 

L’originalité de l'œuvre de Jean-Laurent Del Soccoro vient de son choix de proposer une période du début de la Renaissance dans laquelle les femmes disposent des mêmes droits et privilèges que dans notre société moderne. Plus que la magie, que le lien avec le mystère de la colonie Roanoke (une énigme historique qui m’a longtemps passionnée), c’est ce traitement de la condition féminine qui m’a plu dans le roman. Loin du féminisme au forceps de certaines productions, qui va jusqu’à prendre le pas sur le scénario, les femmes ne sont ici jamais (ou presque) traitées en tant que femmes. Elles sont soldates, espionnes, poétesses, voleuses, traitées et considérées au même titre que les hommes. On s’intéresse à leur parcours, leurs compétences, plus qu’à leur féminité. 

Si le roman reprend les codes des récits de cape et d’épée, il n’oublie jamais d’être drôle. L’écriture de Jean-Laurent Del Soccoro est fluide, bien rythmée, on a souvent l’impression d’être face à une série TV d’action aventure plus qu’un roman ! Une impression renforcée par les nombreuses références à d’actuelles productions cinématographiques.

S’il excelle dans l'humour, l'auteur sait aussi parfaitement gérer les émotions de ses personnages, le deuil, la rancœur et la douleur sont ici parfaitement palpables. 

Ironie du sort, Peines de mots perdus, un roman initialement destiné à mon camarade Dragonarcane, m’a plus conquise que lui ! J’ai d’abord été intriguée par son mélange d'événements historiques et de fantasy, avant d’être emballée par ses personnages et ses situations rocambolesques.

 

Conclusion

Avec deux avis aussi partagés, nul doute qu’il ne vous reste plus qu’à vous faire le vôtre en découvrant Peines de mots perdus, aux éditions Argyll.

Peines de mots perdus : un duel littéraire !