Peinant à conquérir les salles, le genre du fantastique français cherche encore ses repères au travers de métrages éparses, encore trop peu nombreux pour fédérer un engouement populaire.
Et pourtant, il se pourrait bien que le nouveau film de Thomas Cailley, Le Règne Animal, soit LA proposition osée tant attendue. Celle qui pourrait enfin dégripper la machine de l'imagination, et mettre un terme à la sclérose des comédies bas du front sur le paysage cinématographique français.
Le Règne Animal fait aisément assimiler ses enjeux surnaturels : une scène d'exposition nous dévoile un duo père/fils évoluant dans un monde où des mutations aléatoires transforment les gens en animaux. Mais le drame devient intime quand il pénètre la cellule familiale pour transformer la mère...
Dans un minimalisme bienvenu, le film évite les écueils du très récent The Creator en économisant les informations liées aux mutations afin de leur garder une once de mystère et ne pas s'alourdir d'incohérences.
Ces transformations trouvent ici un carcan poétique et un écrin visuel à la hauteur de nos espérances : les forêts marécageuses, associées à une VFX soignée, rendent crédible et gracieuses les corps de ces créatures. L'ensemble est souligné par une bande son aérienne/tribale composée par Andrea Lazlo de Simone.
De plus, Cailley a l'ambition de véritablement montrer les créatures, sans avoir besoin d'y ajouter métaphores et allégories. L'ensemble de ce film s'axe ainsi autour de retrouvailles familiales avortées, et de la manière de renouer avec sa propre humanité quand les repères s'effondrent les uns après les autres. Mais ne nous y trompons pas : l'acceptation de l'autre, les inégalités face aux mutants et autres éléments externes ne seront traités qu'avec une certaine retenue au profit du drame familial.
Au travers du fils, incarné par Paul Kirscher, on découvre malgré tout la face d'une jeunesse en transition, perdue face à un événement qu'elle ne comprend pas. Mais certains éléments peinent à convaincre, surtout du côté des personnages féminins : ellesse résument à des personnages de fonction se cantonnant à être soit un love interest ou un simple plot de signalisation.
Mais malgré ces quelques défauts, la beauté et la générosité du Règne Animal achèvent de le rendre mémorable et touchant.
Un nouveau roi s'est éveillé au sein d'un genre sous exploité, et ça tombe bien : un vaste royaume n'attend que d'être conquis.