Que faire, quand la peur qui nous dévore les entrailles n'a aucune explication tangible ? Que faire quand ses manifestations semblent venir d'au delà de notre spectre de compréhension, et que nous ne représentons rien face à la volonté cosmique ?
Un célèbre auteur du XXème siècle, Howard Philip Lovecraft, avait déjà exploré ce pan inconnu de la peur sous les traits d'une intrusion cosmique : Une Couleur Tombée Du Ciel.
Il y dévoile une horreur venue des cieux, incompréhensible de l'esprit humain, qui deviendra par la même l'un des meilleurs récits de l'auteur, influençant des générations d'artistes. Des décennies plus tard, un mangaka devenu maître dans l'horreur, Junji Itô, offre lui aussi son Magnum Opus et révolutionne l'horreur graphique en introduisant là aussi, une menace venue d'ailleurs : Spirale.
Rien n'arrête la Spirale
La petite ville balnéaire de Kurouzu devient ainsi le théâtre infernal d'une suite d'événements ayant tous pour lien (plus ou moins tenus) le thème de la spirale. Le jeune Suichi et sa petite-amie, Kirié, vont ainsi être les spectateurs impuissants d'un mal que rien ne peut faire choir, et dont la menace plane sur toutes choses, vivantes comme mortes.
La fascination que les gens développent progressivement pour la Spirale transforme leur mode de vie, leur environnement, au point de les condamner à voir leur corps se remodeler... d'un crâne foré de l'intérieur jusqu'à des nuages évoquant des âmes humaines en perdition, cette création géométrique impie dévore l'esprit de nos protagonistes à petit feu.
Le déluge graphique proposé par Itô est d'une beauté sans nom, tant il arrive à déconstruire l'anatomie avec talent, n'hésitant pas à s'enfoncer toujours plus loin dans une horreur qui ne trouve aucun "pourquoi" ni "comment". Le pouvoir de la Spirale est omniprésent, et il serait bien futile de lui chercher une origine.
Running In Circles : la spirale de la vie
Vingt chapitres, publiés entre 1998 et 1999 dans le Big Comics Spirit, suffisent à construire une référence absolue de l'horreur graphique dans le milieu fermé du manga d'horreur, jusqu'à alors Influencé par les œuvres du maître Kazuo Umezo (L'Ecole Emportée,Orochi, édités en France au Lézard Noir).
Dire qu'il y a un après-Spirale dans l'histoire du manga comme dans celle de l'horreur graphique, c'est peu dire, tant Itô a marqué les esprits, non pas par ses protagonistes -très plats et quelconque, au demeurant-, mais bien par son atmosphère anxiogène et par l'illustration de la longue agonie d'une ville.
Bien sûr, certains chapitres souffrent d'un certain isolement par rapport au reste de l'œuvre en prétendant être des segments de Spirale, quand ils ne se révèlent être que de simples histoires d'horreur grossièrement recousues à l'ensemble.
En conclusion
Mais Spirale ne quitte pas son lecteur, et ce malgré ces quelques défauts, et il l'emportera sûrement bien plus loin, s'il ne prend pas garde à l'influence hypnotique de cette forme géométrique venue d'ailleurs.
Spirale est disponible en édition intégrale chez Delcourt/Tonkam juste ici !