1.
| Les Lames du Cardinal de Pierre Pevel
Et si je vous dis les 3 Mousquetaires ? Athos, Porthos, Aramis, et d’Artagnan (Aïe en fait ils sont 4 !). Et maintenant, si je vous dis que le cardinal de Richelieu est finalement un type gentil et qu’il sert la France fidèlement face à la menace draconique venue d’Espagne ? Eh oui, Pierre Pevel est comme ça : il glisse des dragons dans l’Histoire de France et revisite l’une des plus grandes œuvres de la littérature française !
Cette fois nous suivons les Lames du Cardinal, la troupe d’élite du cardinal de Richelieu, qui, en plein siège de la Rochelle, échoue à abattre un membre haut placé de la Griffe noire, une organisation au service des dragons, car l’une des Lames trahit le Royaume de France ! La compagnie est dissoute pour des raisons politiques car le siège de la Rochelle a échoué (premier pas de côté historique de la part de l’auteur). Mais le cardinal est bientôt obligé de les rappeler afin de sécuriser des négociations avec l’Espagne, les lançant dans des quêtes effrénées à travers tout le royaume de France.
Trois personnages brillent par leur présence dans les lignes de cette trilogie réellement grisante : le capitaine La Fargue, méprisé, bafoué mais toujours fidèle au roi et à la Couronne ; Agnès, le personnage féminin de la bande, dur, ésotérique et très dangereuse ; et enfin Saint-Lucq, le sang-mêlé (mi-homme, mi-dragon), le drac, taiseux mais aimant. Les dragons sont également des entités à part entière qui agissent dans l’ombre et qui sont parfois terrifiants tant dans leur volonté de soumettre l’Humanité que par leurs rituels jouant avec le sang afin de conserver leur puissance !
Si vous cherchez de l’aventure, de la magie, des combats épiques avec Notre-Dame en flamme survolée par un dragon, c’est avec les Lames du Cardinal que vous trouverez tout ça. Grâce à l’univers familier des mousquetaires, Pierre Pevel ancre son monde dans un Paris fantasmé qui est plus qu’envoûtant !
2.
| Gagner la guerre de Jean-Philippe Jaworski
Gagner la guerre a été un véritable tonnerre dans le monde de la littérature française (et pas « simplement » de la fantasy). Avec une gouaille et un personnage qu’on adore détester, Benvenuto Gesufal, Jean-Philippe Jaworski arpente Ciudalia, une cité inspirée de Venise et de Gênes, avec cette question lancinante : après la guerre, les morts doivent-ils cesser de pleuvoir ?
Benvenuto raccompagne le jeune homme à l’origine de la victoire face à la flotte de Ressine (comprenez un empire ottoman fantasmé) afin de l’assassiner sur la route et ainsi éviter qu’il ne fasse de l’ombre à son maître, le Podestat Léonide Ducatore. Afin de constituer un alibi crédible, le Podestat s’est arrangé avec le Shah de Ressine pour impliquer sa flotte dans l’assassinat et permettre au spadassin de faire son office tout en établissant une rencontre afin de négocier la paix. De retour à Ciudalia, Benvenuto est le héros de la ville, lui qui revient après des mois dans les geôles du Shah.
C’est alors que l’on découvre toute la flamboyance et la beauté de Ciudalia. Sous la plume de Jean-Philippe Jaworski, même le bouge que sont les bas-quartiers prennent vie et nous donnent presque envie de s’encanailler ! Mais après quelques frasques sournoises et quelques complots se jouant dans les halles en marbre des palais, Benvenuto est obligé de fuir la cité : l’occasion pour nous de découvrir toute la profondeur de l’univers de l’auteur avec son lot d’elfes anciens et mélancoliques et ses mages nécromanciens aux mœurs étranges, le tout pour un cocktail savoureux en humour noir et très complexe donnant vie à des histoires anciennes.
Le récit, écrit à la première personne, est l’un des meilleurs des 20 dernières années et met en scène un personnage principal qui a tout pour nous déplaire, et pourtant l’auteur nous plonge dans son intimité et on comprend presque certaines de ses exactions ! Benvenuto est l’un des meilleurs personnages jamais écrit de la fantasy française, loin s’en faut !
3.
| A la pointe de l’épée d’Ellen Kushner
Richard Saint-Vière est la plus fine lame des Bords-d’Eaux et avec son amour de toujours, Alec, ils vont déjouer moults complots au cœur même des grandes maisons nobles. En plus d’être fin bretteur, Richard est également beau phraseur et il sait faire aussi mal avec ses mots qu’avec son épée ! Et c’est en cela que brille tout particulièrement la plume d’Ellen Kushner qui rappelle Alexandre Dumas par bien des aspects : incisive, prenante et fluide.
Le roman et son univers sont extrêmement intriguant car l’autrice ne se perd pas dans un foisonnement de détails et nous laisse imaginer sa cité aux allures italiennes ou parisiennes du 18ème qui bruisse et qui sent tantôt la crasse tantôt les jardins fleuris des nobles. On se prête presque à rêver de cette belle cité, puis on se rappelle que ceux à sa tête sont plus que retors !
Richard est issu du quartier le plus malfamé de la Cité, qui n’a pas de nom, et est donc un personnage violent et dur avec ses ennemis car il a appris très tôt à survivre de la pire manière que ce soit. Tandis qu’Alec est un jeune riche qui a tout abandonné derrière lui pour vivre dans ce bouge et c’est la personnalité magnétique de son amant qui le fait rester. Et comme tout bon roman de capes et d’épées, la romance prend une belle place, davantage comme une étincelle à de grandes frasques que comme un sentiment mièvre un peu dépassé.
La plume raffinée de l’autrice tire de Dumas la flamboyance et le joli style, et puise dans la fantasy moderne des personnages complexes et une romance sensible. Une belle pépite !