Internet a tout changé. Une phrase bien commune qui s'applique également au septième art. Surtout quand celui-ci est orienté vers le divertissement. L'information fait du 0.5 au dessus de la vitesse de la lumière, et les cinéphiles avides du monde entier peuvent dorénavant mettre la main sur des images piratées, des bandes-annonces filmées et des scénarios volés. Autrement dit, il est de plus en plus dur de surprendre les spectateurs avertis, souvent au fait de tout un métrage avant sa sortie, si ce n'est avant sa production. Quelques exceptions subsistent certes, on pense notamment au cas du Mandarin dans Iron Man 3, mais globalement les productions hollywoodiennes se heurtent à un flux d'informations qui leur est toujours plus hostile. Mais de cette bataille, lancée depuis quelques années déjà, c'est bien Star Wars qui pourrait sortir vainqueur.
N'allez pas mal interpréter mes propos. Evidemment, le prochain Star Wars, aussi connu sous le nom de The Force Awakens, est lui aussi victime d'internet. Depuis les débuts du projet, on a ainsi pu mettre la main sur des concept-arts, des photos de tournage et de très nombreux éléments de scénario. Aussi pensions-nous avoir compris la trame de cet épisode tant attendu : par principe, car il est effectivement devenu rare d'être surpris, mais aussi par fierté, car en étant exposés à certains spoilers de taille, on peut au moins se vanter de connaître tout ou partie de l'intrigue de The Force Awakens. Mais force est de constater, qu'après ce second trailer, nous ne savons encore que très peu de choses sur le prochain J.J Abrams.
Prenons par exemple le cas de Kylo Ren, qui est assurément le méchant de ce septième opus. Malgré tout ce que nous avons pu lire et pu voir, et malgré de nouveaux plans dévoilés dans cette seconde bande-annonce, nous ne savons pas quel type de personnage se cache derrière le masque du vilain, et encore moins quel acteur ou actrice l'incarne. Un mystère plutôt total qui permet à Disney de jouer les judokas en retournant la force de frappe d'internet contre lui. En effet, les rumeurs autour de Kylo Ren vont de très, mais alors de très bon train depuis des mois. On ne citera aucune piste ici, histoire d'éviter quelques mauvaises surprises à ceux qui ont la force de se tenir à l'écart des rumeurs, mais sachez que de nombreuses idées entourent le masque de Kylo Ren.
Certains me répondront sans doute qu'on avait pu voir le vilain avant même qu'il n'apparaisse dans la première bande-annonce. Image Shack avait en effet hébergé des leaks montrant le personnage de face, masqué, avec le sabre-laser à garde dans les mains. Mais on notera que depuis cette fuite, Lucasfilm s'est lancé dans une croisade, dispositif légal à l'appui, contre ceux qui ont enfreint leur copyright. Qu'à cela ne tienne, on pourrait encore me rétorquer que nous connaissions donc l'apparence du vilain. Sauf que depuis sa première apparition sur internet, le masque de Kylo Ren a changé. Alors certes, cette deuxième version avait également été aperçue sur la toile, mais il semblerait que Disney ait cette fois laissé couler afin de créer un flou autour de l'identité du personnage, comme pour relancer les spéculations sur cet antagoniste. D'ailleurs, le second masque a sans doute été imaginé après le leak pour préserver une forme de surprise. Un redesign tardif mais commun à Hollywood - ce fut le cas pour Transformers à la suite de fuites, notamment.
Passant à la promotion maintenant. Avec ses nombreuses annonces, la Star Wars Celebration devait logiquement confirmer ou infirmer les choses que nous avions vues ou entendues. Et il se trouve que ce n'est pas vraiment le cas, comme si Lucasfilm s'était créé une troisième voie. Premièrement, on notera que des noms comme Jakku, la planète qui semble héberger une partie de l'intrigue, ne se sont jamais retrouvés sur le web. Ce qui est d'autant plus impressionnant que EA et DICE travaillent sur cet environnement pour Star Wars Battlefront. Deuxièmement, il faut s'intéresser, dans le détail, à la forme de bande-annonce révélée jeudi soir à la Star Wars Celebration.
On notera que, comme le premier, ce teaser n'est qu'une succession d'images. L'idée est intéressante, puisqu'elle permet de vendre le film purement et simplement sur son univers visuel, et non son intrigue. Du coup, nul besoin de retracer une forme de chronologie dans la bande-annonce : il suffit d'apprécier les tableaux présentés, portés par une belle musique et une voix-off qui fait monter la pression - et qui a même toutes les chances d'être absente du montage final. Une promotion à peine informative en somme, qui se contente de jouer sur la puissance de l'imagerie Star Wars. Et ce montage très particulier n'est pas anodin, il sert la culture du mystère qui entoure The Force Awakens, et lui permet d'envahir l'espace médiatique sans trop se dévoiler.
Comme le soulignait Sullivan jeudi dernier, il faut sans doute voir dans les deux premières bandes-annonces le compromis parfait - qu'on espère durable - entre J.J Abrams et Disney. D'un côté, nous avions un réalisateur connu pour préserver les mystères (en témoigne Khan dans Star Trek Into Darkness ou le monstre de Super 8) et de l'autre, une entreprise sans doute pressée de compenser le trou dans la caisse que représente l'achat de Lucasfilm. Et bien ensemble, ces deux parties ont su mettre au point une promotion pour le moment plutôt efficace, qui sert à la fois un intérêt économique - Star Wars ne pouvait pas se permettre une absence sur internet, même si un non-marketing aurait été intéressant - et artistique, puisque nous avons toujours du mal à discerner le vrai du faux après deux bande-annonces.
Il est d'ailleurs assez amusant de constater que plusieurs rumeurs semblent trouver des échos dans les images de ce second trailer, mais jamais assez pour qu'on puisse rayer l'une possibilités de notre liste. Les pistes sont brouillées, les idées se mélangent, se perdent, et avec elles, nous aussi. Mine de rien, cette confusion à quelque chose d'agréable, et en tous cas de salutaire si on la compare aux effets produits par la promotion de blockbusters alliés ou concurrents. Sous le toit de la même maison (Disney) on retrouve par exemple Avengers : Age of Ultron, qui s'est dévoilé dans une vingtaine de spots TV, quatre extraits et dans des featurettes variées en plus de ses simples trailers. Un matraquage que nous ne sommes pas pressés de voir à l'œuvre sur Star Wars, car pour le moment, l'excitation se trouve autant dans les images que dans la promotion du film de J.J Abrams, qui prouve à toutes et tous que malgré les dix ans qui séparent The Force Awakens de La Revanche des Siths (et un gros chèque de Disney) la magie est toujours intacte.
Ce n'est sans doute pas pour rien qu'on considère Star Wars comme la plus grande saga de tous les temps !