C'est un comble pour une entreprise qui cultive autant de réflexions sur l'apport des différences au sein de la société (et ce n'est pas prêt de s'arrêter avec le Warcraft de Duncan Jones qui présente à parts égales Orcs et humains, ou Overwatch qui s'appuie sur la rébellion de robots dans un monde scindé en deux), Blizzard semble de plus en plus assumer son modèle objectiviste et assumer ses particularités.
Fondé par des passionnés et développé comme tel, Blizzard est une success-story qui ne manquera pas d'inspirer un film très tarte aux pommes qui fera la part belle aux génies de la vulgarisation et du management que sont Samwise Didier, Chris Metzen et leurs collègues de l'ombre. Surpuissant depuis World of Warcraft, la société d'Irvine avait pourtant connu une petite crise au moment d'abandonner le projet Titan, avant de pouvoir capitaliser sur les succès pas si escomptés d'Hearthstone et Heroes of the Storm.
C'est donc dans une ambiance de domination totale que le développeur le plus rock'n roll du marché annonçait Overwatch l'année dernière, un jeu qui cristallise tous les changements que semble prêt à opérer Blizzard, pour le meilleur comme pour le pire. Industrie console, business model hybride et univers plus riche et passionné que jamais, le MOBA-FPS des papas des Lost Vikings incarne à lui tout seul toute une montagne de paradoxes en tous genres, qui vont de l'héritage très californien de Blizzard aux pires affres d'une société bien obligée de prendre les devants avec ses productions, pour ne pas se retrouver face à un mur le jour où il faudra se réinventer, une fois StarCraft et World of Warcraft "terminés".
En partant chatouiller l'industrie console, Blizzard se confronte à des logiques qui lui sont étrangères, en plus d'être particulièrement piégeuses. Ainsi, pour aller toucher les joueurs Xbox et Playstation qui leurs échappent depuis des années, les pontes ont choisi d'opter pour un modèle payant, qui sera évidemment bourré ensuite de DLC en tous genres, des skins aux nouveaux héros en passant par les boosters d'expérience et éventuellement d'autres contenus à débloquer contre de la monnaie virtuelle. Et si cette décision m'apparaît comme un suicide aujourd'hui, c'est bel et bien pour une raison pragmatique qui veut que la micro-transaction est beaucoup plus acceptée / pratique sur PC, à partir d'un jeu mis à disposition de ses joueurs de manière gratuite. Fans qui, par addiction, iront ensuite dépenser bien plus de 60€ au cours de l'année, afin d'acquérir leurs héros favoris, leurs skins, leurs hypothétiques montures et j'en passe.
Sur console, s'afficher comme Free 2 Play (voire un Freemium, comme c'est d'avantage le cas), c'est se cantonner aux vagues marchés numériques qui sentent bon la poussière et les jeux mensuels gratuits, un terreau pas tellement fertile pour une production de l'ampleur d'Overwatch. Pourtant, se confronter au payant, c'est se confronter aux mastodontes du genre, que Blizzard a toujours su soigneusement éviter grâce à son existence sur PC. Call of Duty, Battlefield, Battlefront, Titanfall (2, plutôt que le premier qui agonise tristement), tous seront des concurrents potentiels pour un jeu qui, s'il réinvente bel et bien le genre, me semble presque trop ambitieux et sincère artistiquement pour toucher le sacro-saint grand public et son amour des FPS militaires. Un univers où tous ont déjà fait le deuil de modes solos et de contenus clé en main, pour mieux balloter leurs joueurs entre les Season Pass et autres logiques morbides.
Sur console, s'afficher comme Free 2 Play (voire un Freemium, comme c'est d'avantage le cas), c'est se cantonner aux vagues marchés numériques qui sentent bon la poussière et les jeux mensuels gratuits, un terreau pas tellement fertile pour une production de l'ampleur d'Overwatch. Pourtant, se confronter au payant, c'est se confronter aux mastodontes du genre, que Blizzard a toujours su soigneusement éviter grâce à son existence sur PC. Call of Duty, Battlefield, Battlefront, Titanfall (2, plutôt que le premier qui agonise tristement), tous seront des concurrents potentiels pour un jeu qui, s'il réinvente bel et bien le genre, me semble presque trop ambitieux et sincère artistiquement pour toucher le sacro-saint grand public et son amour des FPS militaires. Un univers où tous ont déjà fait le deuil de modes solos et de contenus clé en main, pour mieux balloter leurs joueurs entre les Season Pass et autres logiques morbides.
En un mot comme en cent : je pense qu'Overwatch a fait le mauvais choix en ne jouant pas la carte du freemium, et que cette ouverture vers la console sera à double-tranchant, particulièrement pour une boîte qui a toujours fait vivre ses jeux dans le temps, une donnée qui devra être sacrifiée sur l'autel de l'industrie dominée par Microsoft et Sony. Je ne vais pas jouer les oiseaux de malheur et vous rappeler l'étoile filante Brink, mais sans un suivi ultra-solide de la part de Blizzard, je ne vois pas Overwatch s'imposer manette en mains, en plus de pâlir du fait de forcer les joueurs PC à payer, eux qui ont pourtant toujours été fidèles mais qui ont aujourd'hui un choix de jeux plus grand que leur propre temps libre - la même exacte problématique que lors de l'arrêt de Titan et de la chute libre de WoW.
Et pourtant, je suis le premier à frémir comme si je n'avais pas encore touché au jeu quand on me parle de one-shots en Comics et en animation pour venir me conter l'histoire de personnages fabuleux dans un univers transmédia qui abandonne le fil rouge pour mieux travailler - et ne pas s'imposer de sombres logiques de productivité, comme quoi être milliardaire a du bon. Mais tout ça coince quand je m'imagine passer à la caisse et donner 60€, avant de savoir pertinemment que je devrais en dépasser au moins autant pour profiter d'une expérience à long-terme - puisque des nouveaux héros continueront toujours de sortir, au même titre que les skins, et qu'à moins de signer un season pass à 100€, il y a de fortes chances que rien ou presque ne vous soit offert.
Et pourtant, je suis le premier à frémir comme si je n'avais pas encore touché au jeu quand on me parle de one-shots en Comics et en animation pour venir me conter l'histoire de personnages fabuleux dans un univers transmédia qui abandonne le fil rouge pour mieux travailler - et ne pas s'imposer de sombres logiques de productivité, comme quoi être milliardaire a du bon. Mais tout ça coince quand je m'imagine passer à la caisse et donner 60€, avant de savoir pertinemment que je devrais en dépasser au moins autant pour profiter d'une expérience à long-terme - puisque des nouveaux héros continueront toujours de sortir, au même titre que les skins, et qu'à moins de signer un season pass à 100€, il y a de fortes chances que rien ou presque ne vous soit offert.
Laissons Overwatch de côté et revenons 5 minutes sur l'évènement nerd majeur du week-end dernier, qui m'a accompagné pendant deux jours consacrés à surtout me reposer. Déformation professionnelle oblige, j'ai surtout passé presque tout mon temps de vendredi à dimanche à peaufiner mes niveaux 10 sur HOTS et à suivre pour la première fois la Blizzcon en live, grâce à cette aberration de ticket virtuel - oui, il vous faut payer 30€ pour suivre le streaming en live, une logique que je pensais morte depuis l'avènement de Twitch, mais qui semble avoir la peau dure.
Certes, le service est impeccable et vous pouvez ensuite profiter de tous les replays que vous voulez, mais l'idée même de dépenser 30€ pour suivre les panels d'une société me laisse pantois. Sauf que. Sauf que Blizzard aime cultiver sa différence, son fandom, son auto-gestion et sa création, et que ce week-end nous permettait aussi de découvrir des panels sur le sound-design, des work-in-progress qui sont devenus de véritables trésors au sein d'une société qui cultive le secret, et j'en passe. De quoi revoir mon point de vue sur les 30€ pour du streaming ? Sûrement pas, mais il est intéressant de noter que Blizzard assume ses idées et pousse jusqu'au bout son modèle si particulier.
Découvrez le making of de notre nouveau court-métrage d'animation Overwatch, prévu pour 2016 !
Posté par Overwatch sur samedi 7 novembre 2015
D'autant que si la société bombe le torse pour mieux cacher les fuites et peut compter sur Overwatch pour les camoufler, le fait est que World of Warcraft a perdu une grande partie de ses abonnés et respire par assistance, que HearthStone est toujours autant une réussite commerciale totale mais que le jeu n'aura jamais les épaules pour être le drapeau d'une telle société, et qu'Heroes of the Storm se développe à merveilles chez les particuliers comme dans l'E-Sport, mais que sa vie au quotidien se limite à quelques milliers de viewers sur Twitch, en plus de ne pas concurrencer un League of Legends toujours tout puissant sur son terrain. En fan absolu de toutes ces licences que je suis, je m'apprête aussi à dire au revoir à StarCraft 2 dès ce soir minuit, avec la sortie de Legacy of the Void, avant peut-être de retrouver Kerrigan et les siens sur Aiur d'ici 10 ans, pour un 3ème épisode destiné aux papys que nous serons devenus.
Nous l'avons déjà évoqué maintes et maintes fois, mais le cas du film Warcraft est lui aussi ô combien compliqué pour Blizzard, qui en plus de se confronter à l'industrie console, s'est cassé les dents du côté du cinéma, où malgré l'engagement d'un Thomas Tull débordé, le film se retrouve aujourd'hui dans un état plutôt inquiétant, à mi-chemin entre Universal, Legendary et Blizzard (qui ne travaille pas dessus mais qui a quand même récupéré l'exclusivité d'un trailer pas tout à fait rassurant), entre la promesse d'une suite et les exigences d'un premier film, après plus de deux ans de post-production compliquée et un réalisateur lessivé. Et c'est bien là tout le paradoxe d'une société qui assume ses décisions comme personne dans le jeu-vidéo, capable d'organiser des évènements à la gloire de ses superbes productions, mais qui se retrouve obligé de s'ouvrir à d'autres façons de travailler, souvent moins bienveillantes et passionnées, qui ne sont elles pas faites du succès presque miraculeux d'un World of Warcraft - voire même d'HearthStone et ses 20 millions de joueurs pour une dizaine de développeurs.
De plus en plus auto-centré et avatar objectiviste de la Silicon Valley au sein de l'industrie vidéoludique, il serait bon pour Blizzard de ne pas payer l'ombre de ses actionnaires les moins bien intentionnés, particulièrement en cas d'échec d'Overwatch, qui reste un projet artistique sans pareil ou presque dans le monde des jeux vidéo - notamment pour la richesse, le soin et le développement de son univers et de ses personnages. À ceci près qu'il s'agit ici d'une nouvelle licence qui n'aura pas la primeur du genre, et qui devra se faire sa place dans le tout petit monde de la console et de ses productions parfaitement calibrées. Et qui espère bien vous faire payer.