Ces derniers temps, et malgré tout notre amour pour le projet The Force Awakens et la licence Star Wars en général, on voit le côté obscur grandir sur la saga qui a bercé notre enfance et qui continue de nous faire rêver. Et s'il serait trop parodique de désigner Disney comme l'unique responsable de toutes nos inquiétudes, force est de constater que depuis quelques jours déjà, le studio semble vouloir passer la seconde.
À ce titre, les déclarations de J.J.Abrams, Lawrence Kasdan (scénariste de The Force Awakens, de l'Empire Contre-Attaque et du Retour du Jedi) et Kathleen Kennedy (présidente de Lucasfilm) dans le dernier opus de Wired sont pour le moins effrayantes :
"Notre entreprise a l'intention de faire un Star Wars par an tant que les gens achèteront des tickets. Laissez-moi reformuler : si tout marche pour Disney, et si, comme moi, vous êtes déjà assez âgé pour avoir connu les premiers Star Wars en salles, vous ne vivrez pas assez longtemps pour voir le dernier. C'est une franchise immortelle."
Renier l'immortalité de Star Wars serait une bêtise, puisque la franchise, qui fêtera bientôt ses quarante ans, n'a jamais connu de véritable pause. Seulement, tenir pareil discours à un mois de la sortie de The Force Awakens revient à saboter le travail accompli par ses équipes depuis deux ans déjà. Et par ailleurs, des franchises qui ont su s'arrêter, comme Retour Vers le Futur, sont également immortelles, et sans continuer à se développer outre-mesure. Comme si Disney avait l'intention de nous narguer, maintenant que nous sommes tous dans sa confortable poche : on vous a bien eu avec un premier film et une politique du secret, maintenant, préparez-vous à sortir le chèque, tous les ans, cordialement.
Qu'on se rassure, le film de J.J.Abrams ne sera pas mauvais pour autant. Et si rien ne nous indique qu'il sera excellent, on peut tout de même se raccrocher à des images très rassurantes et une promotion qui n'est certes pas parfaite, mais qui est encore, à l'heure où je parle du moins, le haut du panier pour un blockbuster de ce calibre :
"La première question que nous a posé J.J.Abrams était : 'que voulez-vous ressentir ?' [...] Nous lui avons répondu une sensation de début. Un peu d'urgence, un peu d'humour [...] nous voulions les émotions de la première trilogie, c'est drôle, c'est réjouissant, ça avance à fond, et ça ne se prend pas trop la tête."
Mais malgré les déclarations précédentes, l'urgence se limitera à l'intrigue du film : Star Wars n'a pas encore son plan à la Marvel, explique Kathleen Kennedy, qui révèle que la franchise avance un pas après l'autre. Ce qui a sans doute permis au Rogue One de Gareth Edwards de devenir le premier spin-off Star Wars d'ailleurs, avant un opus sur les bankable Han Solo et Boba Fett, par exemple.
Mais peu importe le contenu, Kasdan ne se fait pas de soucis quant à la durabilité de la saga :
"Star Wars est un genre à part entière. Comme tous les genres, il peut accueillir un million d'artistes et d'histoires différentes. On dit : 'Buddha est ce que vous en faites' et c'est pareil pour Star Wars. Ca peut devenir ce que vous voulez."
Si j'ai pu l'être par le passé, je ne suis plus un partisan de cet argument, qui revient à brider sa créativité sous un gros nom, et donc laisser à Star Wars toute la place pour se développer, quitte à ce qu'elle se dénature elle-même, pendant que d'autres franchises, qui pourraient naître sur grand écran, meurent dans des cartons. Et sur ce point, Kennedy n'est qu'à moitié rassurante :
"J'ai parlé de Star Wars a tout le monde chez Disney. Alan (Horn, président de Walt Disney Studios, ndlr) est très encourageant. Mais il me rappelle toujours que nous avons beaucoup de pain sur la planche (sous-entendu, d'autres licences à créer ou à entretenir) et je vais aussi devoir bosser sur Indiana Jones."
On comprendra les exigences business d'une entreprise comme Disney lorsqu'elle s'adresse à un magazine qui est finalement plus intéressé par la technique et l'industriel que l'artistique et le créatif. Cependant, on ne pourra s'empêcher de voir, dans ces mots, les débuts d'un Palpatine consensuel face au Sénat. Attention à ce que la créativité ne s'éteigne pas sous un tonnerre d'applaudissements.