1.
| Son lien avec le metal
Vous n'êtes pas sans savoir que Giger, au delà de son travail reconnu dans le monde hollywoodien, fut un artiste accompli hors paire. Peintre ou encore plasticien, le suisse avait de nombreuses cordes à son arc, au point qu'il monta son propre château-musée dans son pays natal, dans la région de Gruyères (oui, comme le délicieux fromage).
Si ses collaborations avec des groupes tels que Celtic Frost, Dead Kennedys, Magma ou encore Carcass sont de notoriétés publique, Giger a également collaboré avec des groupes plus confidentiels.
En effet, Steve Stevens, guitariste de Billy Idol, arbore une création originale de l'artiste suisse sur la pochette de son premier album solo Atomic Playboys paru en 1989. Le groupe de trash Sacrosanct a également collaboré avec le suisse puisque leur album Recesses for the Depraved (1991) porte une couverture signée par l'intéressé.
Cependant, il est bon de signaler que Giger ne faisait pas ça pour l'argent. Déjà, parce que ce n'était pas de son genre et qu'après le succès d'Alien, ses finances se portaient très correctement. Mais surtout, il était un véritable passionné de metal et il ne produisait du matériel que pour des groupes dont il était lui même fan.
Il a également entretenu de nombreuses amitiés avec des membres actifs de la scène — on y reviendra un peu plus tard— dont le célèbre chanteur/guitariste Thomas Gabriel Fischer, pilier du metal extrême ayant fait parti des pionniers Hellhammer, mais également de Celtic Frost, puis, encore aujourd'hui, des excellents Triptykon qui ont foulé les terres du Hellfest l'année passée.
Giger a d'ailleurs signé les pochettes de leurs deux albums, dont la première est le fruit d'une collaboration avec Vincent Castiglia, digne padawan et successeur du maître de la "biomécha".
L'amour du metal de Giger a également donné lieu à la production d'une ligne d'instruments imaginée par l'intéressé et produits par Ibanez. Thomas Gabriel "Warrior" (de son nom de scène), arborait la guitare imaginée par son ami suisse durant son passage en terre clissonnaises, collant parfaitement au personnage et illustrant parfaitement le lien entre les deux artistes.
Autre collaboration de taille, celle avec le groupe Korn, et plus particulièrement avec Jonathan Davis, chanteur et leader charismatique du groupe qui sent bon le baggy, les dreads et les cordes de basse fluos. En effet, c'est a Giger que l'on doit l'imposant micro du chanteur, et si l'anecdote est pas forcément la plus méconnue, l'histoire derrière cette collaboration l'est un peu plus.
Fan inconditionnel de l'artiste suisse, Jonathan Davis a pris les devants et a lui-même demandé la création d'un micro à Giger. Il n'a donné à ce dernier que l'indication qu'il devrait arborer une femme à la posture érotique et être pratique sur scène, afin de supporter les mouvements du chanteur, tout en arborant les motifs bioméchanique si particuliers du suisse, ayant, à l'époque, totalement délaissé la peinture pour se focaliser uniquement sur la sculpture.
Quelques échanges plus tard, le prototype de ce qui deviendra l'un des micros les plus emblématiques de la scène metal fut envoyé au groupe pour un test live. C'est Giger lui-même qui intégra le ressort permettant au chanteur de basculer son micro au gré de la musique du groupe et que l'on a pu apprécier à plusieurs reprises au Hellfest puisque ce dernier le possède depuis le début des années 2000 et que l'on devrait revoir le 18 juin prochain sur la Mainstage 2 du festival.
2.
| Sa relation particulière avec certains groupes
Qu'il soit fan de leur musique, que leur collaboration fut particulière ou bien qu'une réelle amitié ait pue se tisser entre l'artiste suisse et des musiciens de la scène, Giger a, jusqu'à la fin de sa vie, entretenu des relations particulières avec de nombreux groupes de Metal.
GWAR
Fan inconditionnel du groupe américain Gwar, qui emprunte énormément aux codes de l'horreur et de la science-fiction, deux thèmes chers à Giger, il n'hésitera pas à inviter tout le groupe chez lui et se rendra autant que faire se peut au concert suisse de la troupe.
En 1993, alors qu'il expose pour la troisième fois à New York, il fait venir le groupe et pose à leurs cotés, caché sous un masque car l'artiste suisse est timide et cherche avant tout à prendre du bon temps au vernissage de son exposition où Carcass, dont il vient de réaliser la pochette de Heartwork, assure l'ambiance musicale.
On vous invite d'ailleurs à jeter un oeil sur l'article rédigé par Jessica Willis pour le NYPRESS qui relate une partie de cette soirée d'anthologie (en galerie).
Autre lien indirect entre Giger et Gwar, Jello Biafra, leader de Dead Kennedys et dont Penis Landscape, oeuvre controversée de Giger, fait office de la pochette de l'album Frankenchrist du groupe punk, puisque ce dernier s'est fait "tuer" sur scène par le groupe.
Aujourd'hui, Giger n'est plus, et Dave Brockie, frontman de Gwar nous a également quitté. Nous reviendrons sur ce dernier dans un autre dossier car ses liens avec la popculture étaient également (très) importants.
Thomas Gabriel Fischer "Warrior" (ex-Hellhammer, ex-Celtic Frost, Triptykon)
C'est en 1984 que Thomas Gabriel Fischer, chanteur, guitariste et frontman du groupe suisse Hellhammer, pionnier du black metal, approche Giger pour lui proposer une collaboration. Le groupe n'a alors pas les moyens financiers pour prétendre à l'exploitation des oeuvres de l'artiste, oscarisé quatre ans plus tôt pour son travail sur Alien.
Giger va leur donner le droit d'utiliser son oeuvre Satan I, qui deviendra la pochette de l'album culte To Mega Therion en 1985 dans lequel vous pouvez également retrouver Victory III, gracieusement proposée par Giger au groupe dont il est déjà un fan inconditionnel. La seule contrepartie demandée par l'artiste suisse est qu'aucune exploitation commerciale (merchandising) ne soit faite autour de ces deux oeuvres. Certains ont voulu forcer la main à Thomas G. Fischer, prétendant que Giger n'en saurait rien, mais l'amitié des deux sommités artistiques exposera au grand jour sur la toile les sombres desseins de ces derniers.
Au moment de la disparition de Giger en 2014, Thomas G. Fischer est dévasté. Durant ses 30 ans de collaboration, une véritable amitié s'est tissée entre les deux hommes, à tel point qu'il doit alors annuler l'un des concerts de Triptykon — chose rare tant le personnage est caractériel — pour s'occuper des funérailles de son ami et mentor.
Giger aura marqué de son emprunte toute la vie du musicien suisse, l'inspirant à ses débuts, l'accompagnant pour les débuts de Celtic Frost, puis ceux de Triptykon dont il réalisera les pochettes des deux albums du groupe après la séparation du groupe en 2008.
Emerson, Lake & Palmer
Groupe britannique de rock progressif, Emerson, Lake & Palmer fut l'un des premiers all-star band, puisqu'il réunissait, Keith Emerson (ex-The Nice), Greg Lake (ex-King Crimson) et Carl Palmer (ex-Atomic Rooster).
Leur collaboration avec H.R. Giger eu lieu en 1973, alors qu'il n'était pas encore l'artiste renommé qu'il deviendra quelques années plus tard après sa consécration par le jury des Oscars. Il réalisera pour le groupe la pochette de leur album Brain Salade Surgery et cette collaboration est accompagnée de quelques faits pour le moins troublant.
En effet, le graphiste du groupe rajouta quelques éléments à la pochette et remplaça purement et simplement le nom de Giger par le sien comme designer de l'album. Aucun lien, mais ce dernier disparaitre quelques temps plus tard dans un accident de voiture.
Les deux originaux de cette pochette, sobrement intitulés ELP I & II, ont disparu après leur exposition à Prague en 2005. La zone d'ombre est entre le départ des oeuvres de l'exposition et leurs retours au musée de l'artiste car on a plus eu de nouvelles de ces toiles depuis, malgré la récompense de 5000$ par toile proposée par Giger.
Enfin, Giger a clamé plusieurs fois que le groupe ne lui aurait jamais payé cette commande. Peut être était-il adepte de la magie noire comme un certain Alan Moore, et qu'il aurait usé de ses pouvoirs pour le faire payer au groupe ?
Bien évidemment cette remarque est loin d'être sérieuse, mais c'est vous dire à quel point le mysticisme a pu tourner autour du pionnier du bioméchanique.
D'ailleurs, pour refermer ce chapitre sur une note plus légère, Mylène Farmer a rencontré à plusieurs reprises l'artiste suisse et lui a commandé l'imposant décor de sa tournée, une statue de 11 mètres de haut, inspiré par ELP II, pour son Mylènium Tour de 1999 et 2000. True story en galerie.
3.
| Les décors du Hellfest
Nous l'évoquions au début de ce dossier, le Hellfest est aujourd'hui une référence estivale pour tous fans de metal, mais il possède surtout une âme unique grâce à ses décors, renouvelés d'année en année - même si certains font partie intégrante du festival depuis de nombreuses éditions.
© 2014 The Hellzine
Que ce soit des sculptures, des systèmes pyrotechniques, une grande roue ou encore un skatepark (!) comme ce fut le cas lors de l'édition 2015, le festival intègre parfaitement ces différents éléments et l'on aperçoit rapidement l'ombre de Giger planer sur certains d'entre eux présents dans son enceinte.
Chaque année, les plasticiens du Hellfest s'en donnent à coeur joie, proposant de nouvelles créations toutes plus grandiloquentes les unes que les autres. L'influence du suisse est alors perceptible, aussi bien dans les mediums utilisés que dans les sujets qu'ils produisent.
© 2015 The Hellzine
En effet, en plus d'être entièrement en métal pour la plus part de ces créations, ces dernières sont à la croisée des genres, voguant dans un bioméchanique allégé de l'érotisme omniprésent des travaux du suisse et des décors de film d'horreur qu'un certain Rob Zombie, ayant foulé les terres clissonnaises en 2011 et 2014, ne saurait renier.
Car c'est là l'une des plus grosses force du festival qui réussi à créer une ambiance si particulière qu'une fois à l'intérieur, les fans ont réellement l'impression d'être dans un univers intégrant l'héritage visuel de la pop culture tout en y mélangeant son univers principal, celui du metal. Mention spéciale aux decors backstage dans les loges artistes, encore plus proches de l'influence d'un Giger dont l'influence est loin de disparaître de l'imaginaire commun des jeunes plasticiens.
© 2015 The Hellzine
À de nombreuses reprises, le festival à d'ailleurs accueilli des partenaires venus de cet univers, comme Blizzard l'an dernier pour célébrer les 10 ans du Hellfest, dont Samwise et Luis Barriga deux piliers du studio américain, sont deux fans absolus de metal.
• Voir aussi : Samwise et Luis Barriga, l'interview au Hellfest 2015
De nombreux groupes empruntent ou intègrent à leur musique et/ou leur image des éléments extérieurs, proposant alors des résultats uniques et passionnants sur lesquels nous reviendrons dès le mois prochain, pour notre second dossier ARTS consacré aux liens entre Metal et Pop-Culture. D'ici là, n'hésitez pas à participer à notre concours, et à faire un coucou à nos confrères de Horns Up !