Si les scores de The Force Awakens nous prouvent que Star Wars ne se limite ni aux cinéphiles ni aux fans de l'univers imaginé par George Lucas, le visionnage de bonus ou de documentaires sur la saga concernent bien moins de spectateurs. Ce qui n'empêche pas Disney d'avoir doté la galette du film de J.J.Abrams de nombreux extras, sur lesquels la firme aux grandes oreilles a communiqué plus activement que prévu. Et à quelques jours de l'arrivée du septième Star Wars dans les salons français, il est temps de dresser un petit bilan et de mettre quelques anecdotes de côté.
Un mot sur les bonus de The Force Awakens
Si l'attente était énorme en fin d'année dernière, on ne peut pas dire qu'elle soit particulièrement redescendue, en témoignent une actualité chargée en produits Star Wars, et une communication soutenue de la part de Lucasfilm, qui comptait bien vendre cette édition vidéo comme un petit événement à part entière. Et le moins qu'on puisse dire, c'est que cette hype, étirée sur quelque mois, va mener quelques spectateurs à la déception. Sans être mauvais, les bonus de l'édition vidéo de The Force Awakens ne sont pas particulièrement riches en révélations et en images, pour la simple et bonne raison que Star Wars est une franchise vouée à être très contrôlée - le making-of vidéo du film s'ouvre d'ailleurs sur cet aspect - et que de nombreux clichés avaient déjà envahi les médias pour soutenir l'effort de guerre en décembre dernier.
On paie, quelque part, le "sécuritarisme" médiatique qu'opère Disney depuis le rachat de la licence, qui nous offre donc des bons (comme la politique du secret entourant les films) comme des mauvais (un manque de transparence même une fois le film sorti) aspects. Pour vous donner un exemple, malgré plus d'une heure de pellicule, le making-of ne mentionne jamais l'accident d'Harrison Ford lors du tournage du film. Mais ce qu'on perd en authenticité, on le retrouve toutefois en qualité avec des petits reportages tous assez bien réalisés et montés, qui nous offrent quelques belles anecdotes, comme vous le verrez plus bas.
La conception du film
Côté conception du film, il serait presque plus intéressant de se tourner vers l'artbook The Art of The Force Awakens, qui a le mérite d'accompagner des centaines de visuels d'un texte retraçant la production de ce septième Star Wars. Le making-of de The Force Awakens et les différents bonus spécialisés (sur BB-8 notamment) ne faisant que reprendre des concept-arts déjà aperçus dans le bouquin, le visionnage n'est pas toujours très récompensant pour les fans les plus hardcore. Cependant, on a la chance, en découvrant ces bonus, de voir les artisans derrière The Force Awakens prendre la parole.
On fait notamment la connaissance de Roger Guyett, que J.J.Abrams a choisi pour son approche non-structuraliste. De manière assez surprenante, The Force Awakens est en effet parti de certaines images pour écrire son histoire, et non l'inverse, comme c'est généralement le cas dans les grosses productions hollywoodiennes. On retrouve ainsi dans le film des plans qui existaient des années avant la sortie de The Force Awakens, comme le fameux TIE écrasé dans le sable ou les TIE façon Apocalypse Now. Des images fortes qui ont forgé ce qu'allait être le film, au point qu'elle se retrouve telles quelles à l'écran. Une approche assez fascinante, qui touche du doigt ce que peut-être "la magie Star Wars".
Le retour sur la conception du film est aussi l'occasion de revenir sur l'esthétique si particulière des trois premiers métrages Star Wars, savamment étudiés par tous les concept-artists. Et dès la constitution des équipes de design, on sent déjà l'aspect nostalgique, dans le bon sens du terme, du film de J.J.Abrams. Une idée cristallisée par le passage de relai entre Alan Tomkins, artistic director sur la trilogie originale (on lui doit notamment les T-47 Airspeeders, ou Snowspeeders) et son fils, lui aussi artistic director, qui pour The Force Awakens, a longuement étudié les plans et les dessins de son paternel. Dès la conception du film, la boucle commençait donc déjà à se boucler, et il est plutôt passionnant de découvrir comment à l'aide du Blu-Ray de The Force Awakens.
Poe est vivant
Ce n'est plus un secret pour ceux qui lisent régulièrement ces lignes, je suis un grand fan du personnage d'Oscar Isaac, Poe Dameron. Quelques jours après la sortie de The Force Awakens, on apprenait d'ailleurs que le protagoniste aurait pu connaître un destin bien plus funeste en disparaissant dans le crash de TIE sur Jakku. C'est ce que nous expliquait The Art of the Force Awakens, en tous cas. Mais le bouquin oubliait de préciser que c'est Oscar Isaac lui-même qui avait poussé à la réécriture du personnage ! Evidemment séduit par l'idée de jouer dans Star Wars, l'acteur était toutefois inquiet quant au fait d'endosser un nouveau rôle voué à disparaître dans les premières minutes du film. Un gimmick récurrent de sa filmographie.
Impressionné par la détermination d'Isaac, Abrams aurait alors fait en sorte de revenir sur le destin de Poe - qui ne s'appelait pas ainsi à l'époque, mais qu'importe - en le faisant survivre au crash. On a bien failli passer à côté d'un personnage pourtant déjà culte, sans parler d'un acteur talentueux qui aurait pu ne jamais rejoindre les eaux de Star Wars. Alors merci Oscar Isaac.
Un sens du détail assez hallucinant
Outre ces quelques anecdotes, ce qui frappe dans ces bonus de The Force Awakens est le soin qui fut apporté au métrage et ses moindres détails. On avait compris dès le premier teaser du film que l'idée était de ressusciter l'esprit originel de Star Wars, mais on aurait tendance à sous-estimer la masse de travail que cela représente. En l'occurrence, l'une des qualités de ces différents bonus et d'exposer au grand jour le boulot d'orfèvre exécuté par les artisans impliqués dans The Force Awakens, vidéo et intervenants passionné à l'appui. Pour vous convaincre, on pourrait citer quelques exemples. L'un des plus frappants est sans doute celui de la partie d'holo-échecs, aperçue dans Un Nouvel Espoir, qui reprend au plan près dans The Force Awakens. Les petits gars d'ILM ont a ce point étudié la position des personnages du jeu caché dans le Faucon Millenium qu'ils reprennent, dans ce septième film, le mouvement qu'ils entamaient dans le premier.
Un sens du détail qui force le respect. Le Faucon est d'ailleurs l'un des éléments les plus bichonnés par les équipes de Pinewood ou d'ILM, qui mettaient les petits pots dans les grands pour le rendre le plus fidèle possible. Et pour l'anecdote, Harrison Ford semblait ravi d'avoir enfin le droit à un Faucon dont les interrupteurs et autres boutons étaient fonctionnels. En effet, les nombreuses itérations construites du Cargo Coréllien pour la trilogie originale utilisaient des interrupteurs de seconde main, qui finissaient toujours par retrouver leur position initiale après avoir été actionnés - pas terrible pour l'ergonomie du décor. Heureusement, le budget de Lucasfilm a depuis largement augmenté, et le Faucon n'a jamais été aussi fonctionnel !
Ce qui est vrai ne l'est pas
Autre aspect amusant des bonus de The Force Awakens - et de tous les bonus d'un film hollywoodien en général : le fait de pouvoir distinguer le vrai du faux dans des images de tournage pleines de trucages et d'astuces techniques. Comme on peut s'en douter, The Force Awakens fait un usage assez dingue des effets spéciaux, tout en utilisant un maximum d'effets pratiques à l'écran, jusqu'à la création d'une vraie confusion dans l'esprit du spectateur. En effet, sans regarder ces différentes images de making-of, on pourrait croire que certains décors sont faux tandis que d'autres ne le sont pas, et force est de constater que les bonus nous donnent souvent tort : on est alors envahi par cette géniale sensation, qui mélange magie du cinéma et plaisir de se tromper.
Lorsque BB-8 roule vite, il est ainsi poussé par un technicien entièrement vêtu de bleu. Le Speeder de Rey est en fait un quad dont les roues sont enlevées en post-production. Le transport rebelle avec lequel Leia fait son entrée dans le film est réel. Et les sabre-laser sont déjà lumineux lorsqu'ils s'entrechoquent, alors que la mort d'Han Solo se fait sans aucun accessoire mais un maximum de fonds verts. Autant d'exemples qui raviront les fans de la saga et les cinéphiles pour les années à venir.
Les scènes coupées
Enfin, on retrouve un certain nombre de scènes coupées dans le film. Et force est de constater qu'aucune ne paraît essentielle à l'intrigue ou au film. En les coupant, J.J.Abrams a même parfois allégé son histoire, pour le meilleur. On pense notamment à une autre scène où Han Solo se retrouvait braqué, cette fois par des Stormtroopers, qui était une vraie redite de la scène des Rathtar. D'autres sont vraiment trop courtes pour avoir un quelconque impact, comme une Rey en proie aux doutes à la fin du film, par exemple. Certains enfonçaient, au contraire, le clou pour les spectateurs les moins vigilants. On retrouve ainsi un Finn qui n'ose pas tirer sur les villageois lors de l'ouverture sur Jakku (bien avant que Kylo Ren n'en donne l'ordre) ou une discussion entre le pilote Snap Wexley et Leia suggérant un Poe bien vivant après le crash de son TIE sur la même planète.
On retiendra d'avantage l'arrivée de Kylo Ren dans le Faucon Millenium écrasé sur la base Starkiller, scène qui imite l'entrée d'Han Solo dans le même véhicule quelques minutes plus tôt. Puissante symboliquement et très jolie esthétiquement, cette micro-séquence aurait peut-être mérité d'être dans le film. Comme les quelques apparitions supplémentaires de Maz Kanata, ça et là dans les scènes coupées. Mais encore une fois, la présence du petit alien n'ajoute pas assez de substance à l'intrigue pour être parfaitement justifiée. Un constat donc doux-amer pour ces scènes coupées : d'un côté, on se réjouit de voir qu'Abrams n'a rien sacrifié d'essentiel, de l'autre, on ne peut s'empêcher de regretter la présence d'un élément assez savoureux pour qu'il se fasse une place dans nos discussions les plus nerdy.
En résumé, les bonus ne sont pas forcément avares en qualité et en images, mais souffrent de deux deux choses. Une vision très Disneyifiée de la production, tout d'abord, puisque le film est toujours présenté sous un angle très positif et optimiste, quitte à euphémiser les challenges et les problèmes rencontrés par The Force Awakens. Un revers de la médaille, ensuite, puisque le métrage de J.J.Abrams s'était déjà dévoilé dans un petit making-of à la San Diego Comic Con 2015 (et dans d'autres petites featurettes) et dans des ouvrages très complets (dont The Art of The Force Awakens) à sa sortie. En ressort une galette moins complète et mystérieuse que celle qu'on attendait, mais qui reste tout à fait poignante et riche en anecdotes, chères aux fans de Star Wars depuis 1977.