Après une analyse du gameplay de la série des “Souls”, passons à un autre morceau de la saga et qui ne sautera pas aux yeux au premier run : l’écriture. Bien souvent jugée en retrait, elle n’en reste pas moins profonde lorsqu’on prend le temps de s’y intéresser, mais vous l’aurez compris, From Software ne veut pas faciliter la vie des joueurs, qui devront une fois de plus s'investir pour connaître tous les secrets du titre...
1
- L'art d'écrire
2
- Les inspirations de la saga
3
- Un point sur l'histoire
1.
| L'art d'écrire
Une recette unique
Si le gameplay de la saga demande déjà une part importante d’implication, de la part du joueur, pour décrypter ses subtilités et apprendre à la maîtriser à la dure, son écriture prend la même direction sans jamais ne tendre de perches. Une fois de plus, le studio japonais From Software offre toutes les clés aux aventuriers que vous êtes mais il faudra faire l’effort de creuser pour en tirer toute la substantifique moelle d’un lore complexe et extrêmement profond. Si les épisodes sont différents dans leur approche manette en main, l’écriture subtile et camouflée des “Souls” est une constante qui devrait cependant s’ouvrir avec Dark Souls III, qui promet d’être moins énigmatique tout en offrant aux amateurs les plus acharnés le luxe d’en apprendre plus en s’impliquant dans le jeu et en recherchant toute trace de scénario caché ici et là.
Si chaque jeu commence par une scène d’introduction à couper le souffle posant les bases d’un univers désolé et en perdition, les héros se retrouvent rapidement laissés seuls dans un monde qu’il devront s’approprier en lisant, lisant, lisant… En effet, ici, il n’y aura point de dialogues ou de scènes cinématiques pour vous apprendre où vous rendre et il faudra faire avec le peu d’informations lâchées par les rares PNJ croisés en début de jeu.
À la différence des jeux actuels, le scénario des “Souls” est un puzzle qu’il faudra reconstruire soi-même ou sur internet où pleuvent les théories concernant les univers compliqués de Boletaria, Lordran, Drangleic et Yharnam. Cette particularité unique a pour effet de renforcer une communauté active sur internet, prête à rentrer dans la peau d’une histoire et à découvrir le moindre indice permettant de lever le voile sur des évènements précis des différents épisodes.
L’originalité et le génie de From Software est en effet d’offrir la possibilité de découvrir des bribes d’informations concernant l’univers via l’inventaire du joueur. Armes, Boucliers, Armures, Consommables, chaque objet du jeu aura le droit à sa description qui regorgera d’informations concernant des personnages ou des lieux des titres “Souls”. Une fois de plus, le studio cherche à récompenser les joueurs en les forçant à explorer les moindres recoins de leur jeu pour découvrir toujours plus d’informations concernant leurs univers. Il faudra donc devenir un Indiana Jones version Dark Fantasy pour ainsi découvrir le plus d’éléments possibles concernant le lore compliqué de Demon’s Souls, Dark Souls I et II ou encore Bloodborne.
Contrairement à ce que l’on pourrait penser, vous ne serez cependant par le seul Mort-Vivant (ou Chasseur dans Bloodborne) à évoluer dans les mondes de la saga puisque votre aventure vous permettra de rencontrer de nombreux PNJ dont les plus charismatiques restent probablement ceux de Dark Souls. Rencontrer des aventuriers solitaires vous permettra d’acquérir de nombreux objets (comme nous l’avions abordé dans le premier dossier) mais cela aura aussi pour effet de repeupler votre hub central et vous faire de nombreux alliés dans votre périple éreintant.
Mais les rencontrer à plusieurs reprises lors de votre aventure vous offrira aussi la possibilité d’en apprendre plus sur leur passé, leur personnalité ou encore sur leur quête personnelle, dont vous pourrez être un soutien. Le subterfuge étant une des armes favorites de From Software, il faudra cependant lire entre les lignes de ces interlocuteurs qui seront tantôt nobles, tantôt pleins de mensonges et prêts à vous faire les coups les plus tordus de l’univers.
Certaines de vos actions auprès de PNJ pourront donc avoir de conséquences lourdes et il vous arrivera souvent d’être manipulé pour aider les desseins d’un autre. Il est d’ailleurs assez amusant de noter que certains personnages sont présents d’un épisode à l’autre, notamment le personnage de Patches, un gros fourbe des familles (on peut le dire comme ça) et dont les habitués de la saga ont appris à se méfier au fur et à mesure des épisodes.
Une fois de plus, il sera possible de passer à côté de beaucoup lors de son premier run puisque la philosophie très ouverte de la série des Souls pourra aussi permettre aux joueurs de passer à côté du scénario et de simplement trucider tout le monde pour son bon plaisir.
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2.
| Les inspirations de la saga
Des inspirations, en veux-tu en voilà !
Avec son esthétique à couper le souffle et ses monstres qui vous hanteront longtemps la nuit, la saga de Hidetaka Miyazaki a la particularité de se frotter à un genre beaucoup trop rare dans le jeu vidéo : la dark fantasy. Le succès de ses jeux dans le monde entier vient d’un constat assez simple : le mélange parfait entre un gameplay complexe, afin de toucher le public japonais, et une esthétique européenne qui saura évidemment attirer l’œil des habitants du vieux continent.
Attention cependant, il n’est pas question ici de raccourcis simples, mais la saga a su toucher le cœur de chacun pour former une alchimie parfaite et universelle pour plaire au monde entier.
Très sombre dans les thèmes abordés et dans son design, la saga n’est évidemment pas sans rappeler l’œuvre principale de Kentarô Miura : Berserk. Si Hidetaka Miyazaki n’a jamais clamé haut et fort avoir puisé dans l’univers violent et dérangeant du génie japonais du manga, il est évidemment clair que la saga de From Software partage de forts liens esthétiques avec les mésaventures de Guts.
En plus d’un univers de dark fantasy aux créatures les plus difformes et horribles dont les échos se retrouveront dans certains ennemis et boss de la saga, le héros de Kentarô Miura revient (presque) d’entre les morts pour mener une quête impossible, occire son ami Griffith ainsi que les God Hand, des dieux dans un monde d’Hommes. Un thème fort qui sera lui aussi présent dans la saga “Souls”. Un dernier détail qui ne laisse point de place au doute, Guts porte une marque maudite, tout comme les aventuriers que vous incarnez dans Dark Souls (la Marque Sombre). Même Bloodborne avec son univers victorien semble pousser la référence en prenant place une nuit brumeuse dans la ville de Yharnam alors qu’elle est infestée de monstres, ce qui rappelle grandement l’invasion de Windham (Windham / Yharnam, vous voyez où je veux en venir) par une armée de créatures dont des crocodiles géants pas très jouasses.
Mais ce n’est pas la seule trace dans l’ADN de la saga puisque si la saga Castlevania est morte (pour le moment) d’une triste façon en 2014 avec un Lords of Shadow 2 très (très) décevant, certains voient dans la série des Souls, la suite spirituelle de la saga de Konami. Et la comparaison n’est clairement pas si déconnante lorsqu’on compare l’univers sombre des deux jeux mais aussi (et surtout) la construction de l’aventure, découpée entre de l’exploration libre (ce qui est notamment vrai après Castlevania: Symphony of the Night) et des combats retors contre des boss qui vous laisseront des marques de larmes sur le visage. On peut d’ailleurs imaginer que les rares fouets qu’il sera possible de trouver dans les différents Souls sont un clin d’œil aux aventures de la famille Belmont parce que, qu’on se le dise, qui a fini un seul Souls avec un fouet ?
La liberté totale d’action du joueur dans la création de son héros et son évolution mais aussi dans l’exploration du monde ne vient pas de nulle part puisque de son propre aveu, Hidetaka Miyazaki a annoncé s’être inspiré de la série Sorcellerie ! de Steve Jackson lors de l’écriture du lore de ses différents jeux. Éditée dans la collection des livres dont vous êtes le héros chez Gallimard en France, Sorcellerie ! est une série en quatre tomes d’aventures dérivées de la saga Défis Fantastiques se déroulant dans l’univers heroic fantasy de Titan. Clairement, ces livres souvent vus comme les ancêtres papiers du jeu-vidéo offraient déjà une liberté d’action aux lecteurs dont l’héritage est clairement ressenti dans l’univers de From Software, qui n’hésitera pas à vous punir au moindre recoin. Rappelez-vous la frustration quand vous tourniez la mauvaise page dans un livre dont vous étiez le héros...
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3.
| Un point sur l'histoire
Praise the script
L’écriture bien particulière de l’univers des Souls mérite que chacun découvre ses moindres secrets par lui-même, mais pour vous donner un avant-goût du lore pour vous donner l’envie de passer le cap ou pour vous éclairer si vous étiez passé à côté de certains détails, nous allons vous proposer un bref aperçu de l’histoire de chaque jeu. Il n’est pas ici question de spoiler l’intrigue que nous vous invitons encore une fois à découvrir par vous même, mais si le temps vous manque (ou l’argent), chaque chapitre sera accompagné d’une incroyable vidéo du Youtuber MoonlightButterfly qui a remonté chaque jeu à la manière d’un long métrage afin de suivre toutes les quêtes de PNJ en plus de l’aventure de votre héros
Demon’s Souls
Le premier jeu de la série de From Software prend place dans le royaume reculé de Boletaria. Son souverain, le Roi Allant XII, avide de pouvoir, décide d’étudier les âmes et libère l’Ancien (une entité pas contente) qui plonge alors le royaume dans un épais brouillard qui libère les monstres les plus horribles.
Coupé du monde, Boletaria semble suspendu à son triste sort mais de valeureux aventuriers venus de toute les provinces décident de traverser le brouillard pour tenter leur chance et libérer les terres de la terrible malédiction mais aussi éviter que le monde tombe lui aussi sous le joug du terrible Ancien. Vous êtes l’un de ces nobles guerriers qui est rapidement confronté à une horrible créature et terrassé avant de vous réveiller dans les portes du Nexus, une prison sensée retenir l’Ancien qui vous permettra maintenant de voyager entre les différentes régions de Boletaria.
C’est ici que vous rencontrerez Astrée, un personnage mystérieux, prêt à vous aider dans votre quête pour sauver le monde. Une fois de plus, vos pérégrinations vous permettront de rencontrer de nombreux héros, eux aussi venus pour mettre fin à la malédiction qui ronge l’univers du jeu, dont Patches (encore lui) ou encore Ostrava de Boletaria, un noble chevalier qui cache un lourd fardeau.
Dark Souls
Dans un monde où les Dragons étaient rois, les choses changent rapidement avec la découverte du Feu qui change l’équilibre du monde et mène à l’avènement de quatre Seigneurs porteurs d’Âmes extrêmement puissantes : Nito, le premier des morts, la sorcière Izalith, Gwen, le Seigneur de la Lumière mais aussi le Pygmée, un Gollum-like rapidement oublié de tous et premier des Hommes.
Avec la confiance et la force des Seigneurs, ceux-ci se lancent en guerre contre les dragons et profitent de la trahison de l’un d’entre-eux, Seath l’écorché, pour les vaincre et faire entrer le monde dans une nouvelle époque : l’ère du Feu.
Malheureusement, la vie est un cycle et l’âge d’or des Seigneurs arrive à son terme alors que votre aventure commence. Le monde est envahi de nombreuses créatures et la vie a presque disparu dans les contrés de Lordran.
Mort-vivant condamné à errer dans ce monde de désolation, vous êtes porteur de la Marque Sombre, qui vous empêche de mourir afin de mener votre quête (mais quelle est-elle ?) à bien. Malheureusement la malédiction dont vous êtes victime (ainsi que d’autres) a aussi un effet pervers, celui de vous faire glisser au fur et à mesure de vos morts vers l’état de Carcasse, une condition pire que tout, vous faisant oublier jusqu’à votre propre personnalité afin de devenir une créature sans but, sans repos. Vous rencontrerez d’ailleurs certains de vos semblables lors de vos péripéties dont le charismatique Siegmeyer de Catalina (dit le Chevalier Oignon), un chevalier avide d’aventure au destin tragique, ou le Chevalier Solaire et son légendaire “Praise de the Sun”.
Vous ferez alors face à deux choix cruciaux, raviver le premier feu et laisser le monde dans la situation actuelle ou changer l’ordre établi en provoquant l’ère des Ténèbres, l’ère des hommes.
Dark Souls II
Liée à Dark Souls premier du nom par la force des choses, cette suite prend place dans les contrées de Drangleic, visiblement quelques générations après les événements ayant pris place à Lordran (ceci n’est que pure conjecture même si des indices pointent dans cette direction). Malheureusement, dans ce monde figé, les choses mettent du temps à se mettre en place et vous voici une nouvelle fois porteur de la Marque Sombre, alors que l’ère du Feu est en déclin et que l’ère des Ténèbres n’est toujours pas instaurée dans les terres du Roi Vendrick.
Visiblement à votre place de place de héros auparavant, ce dernier a disparu après avoir mené le Royaume dans une guerre contre des Géants ramenés d’un autre continent en même temps qu’une relique puissante censée sortir Drangleic de son état de désolation en soignant la malédiction plongeant le peuple dans l’état de Morts-Vivants.
Aidé de Shanalotte, un personnage mystérieux (anecdote sympathique : elle est doublée par Ruth Negga), vous serez amené à retrouver le Roi Vendrick pour découvrir ce qui s’est réellement passé sur les terres de Drangleic en combattant notamment quatre êtres porteurs d’âmes supérieures (tout comme dans Dark Souls, tiens, tiens…).
Encore une fois, vous ne vous retrouverez pas seuls sur ces terres désolées et en rencontrant notamment des PNJ dont la très charismatique Lucathiel de Mirrah venue dans la province du Roi Vendrick dans l’objectif de retrouver son frère disparu, Aslatiel, lui aussi chevalier venu des terres de Mirah.
Bloodborne
Dans la peau d’un chasseur à la recherche du remède de la ville de Yharnam, réputé pour soigner tous les maux, vous vous retrouvez finalement dans un paysage désolé et une ville abandonnée laissée dans les mains de créatures toujours plus horribles les unes que les autres. Rapidement, notre héros rencontre Gerhman, le premier chasseur, qui a pour but de vous guider dans votre quête et vous incite à occire les différentes créatures de la ville pour venir à bout de votre quête.
Vous découvrirez plus tard que la tragique déchéance de Yharnam est due au Fléau de la Bête, une contamination de la population par l’Église du Remède fondée par Maître Laurence et à l’origine de la Thérapie du Sang. Censée soigner la population de leurs maladies, celle-ci transforme finalement tout le monde en bête immonde. La conséquence tragique d’une altercation entre Maître Laurence et Maître Willem, suite à la découverte d’un artefact (le Sang Ancien) pouvant permettre aux hommes de découvrir les secrets des Grands. Les Grands sont des dieux vivants dans le même monde que les hommes mais sur un plan invisible à l’œil des simples mortels, mais vous aurez cependant l’occasion d’en apercevoir en progressant…
Beaucoup plus difficile à décrypter que ses grands frères, Bloodborne offre un scénario qui donne encore du fil à retordre aux théoriciens du net qui essaient toujours de décrypter la troisième fin du jeu, que je vous laisserai découvrir par vous-même.