À l’occasion de l’arrivée d’une toute nouvelle série Star Trek sur les écrans, nous avons demandé à Balak, l’un des auteurs de bande-dessinée Lastman (parue aux éditions Casterman) de nous parler de son amour pour la création de Gene Roddenberry.
Et à travers son ressenti personnel, il nous rappelle combien ce show télévisé est une œuvre singulière dans le paysage de la science-fiction !• Bonjour Balak ! Sur Twitter tu parles souvent de Star Trek. Dernièrement, tu as même changé ta photo de profil pour mettre Data, le génial personnage de Next Generation. D’où te vient cet intérêt pour cette série ?
Haha, j'ai mis Data en PP parce que c'est un de mes persos favoris et que j'aimerai parfois, comme lui, pouvoir retirer ma puce à émotion. J'adore l'épisode "Hero Worship", où un gosse veut devenir comme Data pour ne pas avoir à affronter son trauma... Punaise, c'est bien émo comme première réponse, la vache.
En fait, je suis tombé amoureux de Star Trek vers 1999, je crois, quand Canal Jimmy diffusait The Next Generation, Deep Space 9 et Voyager en même temps. La série originale, j'en ai des souvenirs flous d'enfance. Je me rappelle surtout du film The Wrath Of Khan, qui m'avait vachement marqué tout gamin. Alors que Star Wars me laissait froid, va comprendre.
Je pense que ce qui m'a attiré dans les séries, ce sont avant tout les scénarios et les personnages. Les effets n'étaient pas très bons, les prothèses plus ou moins ridicules, mais je m'en foutais. J'avais l'impression de regarder de la vraie SF. Beaucoup d'épisodes me faisaient me poser des questions personnelles, me touchaient. Je ne pouvais en parler avec personne, aucun de mes amis ne matait ça, ça les faisait chier instantanément, mais tant pis. C'était mon plaisir à moi.
Strip de Balak
• Quelle est ton itération favorite du show : Classique, Next Generation, Deep Space 9 ?
DeepSpace 9, direct. C'est de loin ma série préférée. J'ai revu chaque épisode au moins une dizaine de fois, et pour certain comme "Far Beyond The Stars" ou "In The Pale Moonlight", je ne compte même plus. Quand je ne sais pas quoi regarder, je me les remets. In The Pale Moonlight, c'est peut-être mon préféré. Le monologue de fin de Sisko, où il avoue avoir couvert un complot et un assassinat, parce qu'il en avait marre d'enterrer ses camarades et que c'était le seul moyen de gagner la guerre contre le Dominion, puis efface sa confession... ça me met les poils à chaque fois. Sisko est mon capitaine préféré, malgré la performance d'Avery Brooks qui a tendance à en faire des caisses. Mais au moins, il donne tout ce qu'il a ! J'aime Picard quasi sexuellement, héhé, Patrick Stewart est tellement magnifique... Sa rectitude éthique est admirable, c'est limite un pur esprit (dans la série, parce que dans les films The Next Generation, c'est n'importe quoi). Mon épisode préféré de The Next Generation, c'est peut-être Inner Light, où Picard vit la vie d'un père de famille. Toute une vie entière, comme une illusion. Il a la vie qu'il n'a jamais eue, une femme, des enfants... Cet épisode est fascinant. C'est un chef d'œuvre. Dommage que ça n'ait pas eu plus d'impact sur la suite de son expérience en tant que capitaine, c'est au moins un évènement aussi important que sa capture par les Borgs.
À l'époque, je n'avais pas accroché à Voyager, qui a son lot d'épisodes bien pourris. Ça n'est que plus tard que j'ai appris à apprécier cette série. J'aime énormément Janeway, aujourd'hui. J'aime son caractère, le fait qu'elle se trompe et fasse des erreurs. C'est la plus cowboy de tous les capitaines, c'est l'anti-Picard, et c'est rafraîchissant de la voir couper court à des tentatives de diplomatie pour juste rentrer dans le lard. C'est pas très casher, mais ça fait du bien, parfois.
Ce que j'aime cependant, dans toutes les séries Star Trek, c'est qu'elles nous montrent des humains admirables, plus humanistes qu'on ne le sera sans doute jamais. Jonathan Frakes, qui joue Riker, le number one de Picard, a rapporté l'anecdote d'un fan qui l'avait le plus touché : un flic lui avait dit qu'il s’était raccroché à la grandeur d'âme prônée par Starfleet quand dans son job il voyait des trucs dégueulasses, des deux côtés de la barrière. C'était ce petit show de science-fiction qui lui faisait croire à l'humain quand sa morale vacillait. C'est bouleversant comme anecdote. On a besoin d'avoir des mythes et des histoires qui nous font croire qu'on peut être plus grand qu'on ne l'est réellement. Star Trek nous donne ça, même si de l'extérieur ça ressemble juste à un truc kitsch dont la majorité ne connaissent que des memes pourris ou des réactions gifs de Picard ou Kirk.
Star Trek, c'est l'optimisme dans le futur et dans l'humain. C'est l'anti-dystopie. Pourtant, elle n'est jamais aussi intéressante que lorsque cet optimisme est mis à mal dans des épisodes ou des séries plus sombres, comme Deep Space 9. C'est parfois douloureux, quand ils s'amusent à retourner dans le passé, qui est notre futur proche, où les inégalités ont transformé la société en guerre civile comme dans l'épisode en deux parties, Past Tense, de la saison 3 de DeepSpace 9. La dystopie c'est le passé de Star Trek, et c'est notre présent... Et on voit ces types qui ont grandi avec les idéaux de la Fédération confrontés aux ghettos et à la misère actuelle... Et ils n'ont même pas les outils conceptuels pour concevoir une telle misère. C'est encore un épisode magnifique. Déprimant, mais magnifique. De la SF, quoi.
• L’adaptation par J.J. Abrams divise le fandom de la série. Que penses-tu de ces films Star Trek ?
Bah ! Ce sont de bons films de Star Wars. Ça fait boum boum pan pan, ça s'accroche aux falaises, ça n'a absolument rien à voir avec ce que j'aime dans les séries, mais au moins ils sont meilleurs que les films The Next Generation. Sauf First Contact que j'aime bien.
J'aime bien aussi quand ça fait boum boum pan pan, en général, donc ça ne me gêne pas. Ça fait juste toujours un peu mal au cul quand un truc estampillé Star Trek est effroyablement con. Mais aucune des séries n'est épargnée par ça, à un moment ou à un autre. Donc pas besoin de sortir sa nerd-rage.
Bon, s’ils se décident à faire un film Deep Space9 avec Will Smith et son fils dans le rôle de Ben et Jake Sisko, avec des lensflare partout et du basejump spatial, il se peut que je pète un câble et que je parte faire le jihad. Mais ça n'arrivera pas, donc pas d'inquiétude.
• Qu’attends-tu de la nouvelle série, Star Trek : Discovery, qui arrive sur Netflix ?
J'attends des bonnes histoires et des personnages attachants, des choses qui m’émeuvent en me faisant gamberger, comme pour les autres.
• Si tu les as déjà regardés, quelle est ta première impression sur ces deux premiers épisodes ?
La réal' que j'avais aperçu edans les trailers avait tempéré un peu mes ardeurs. Ça s'est confirmé à la vision du premier épisode, qui est bizarrement foutu, monté à la truelle, avec des dutch angles foutraques qui te font demander si tu n'as pas un souci d'oreille interne. Je n'accroche pas à la direction artistique globale, la caméra qui ne s'arrête jamais de virevolter, sans que j'arrive artistiquement à sentir une connexion avec les personnages et l'histoire pour le moment. Peut-être, qu'en m'habituant au style, je vais réussir à rentrer dedans, mais pour le moment c'est pas encore ça... Je préfère me remâter un épisode de The Next Generation ou DeepSpace 9... Tiens, et pourquoi pas The Bride Of Chaotica de Voyager, un épisode holodeck très rigolo écrit par Bryan Fuller qui parodie Flash Gordon.
Hein? "Et Enterprise, pourquoi t'en parles pas"?
Désolé, y a un champ magnétique qui brouille les communications.
Balak out.