Si à première vue, Edge of Tomorrow ressemble au classique film annuel de Tom Cruise, son origine est plus inattendue et originale qu'il n'y parait. Une histoire qui commence il y a plus de dix ans, bien loin d'Hollywood.
Tout commence quand Hiroshi Sakurazaka se présente en 2002 au Super Dash Novel Rookie of the Year Award. Au Japon, beaucoup de romanciers rentrent dans un système semblable à celui des mangakas, se faire remarquer lors d'un concours pour obtenir un contrat professionnel avec un éditeur. Ici, c'est la Shueisha qui organise le concours et va remarquer ce jeune informaticien qui souhaite percer dans l'écriture. Ils vont même publier son roman l'année suivante sous le nom de Yoku Wakaru Gendai Mahô, que l'on peut traduire par La Magie Moderne Pour les Nuls.
Ce roman rentre dans le genre très japonais des Magical Girls, qui, comme son nom l'indique présente de jeunes filles (souvent lycéennes) qui ont un don pour la magie. La particularité du roman de Sakurazaka est qu'il traduit la magie avec ce qu'il connait bien, le langage informatique. Ainsi, la magie moderne est affiliée à du code qui permet de tordre la réalité. Dès ce premier roman, il va connaître un certain succès et va continuer son histoire en light novels. Ce média particulier au Pays du Soleil Levant est une forme bâtarde entre le roman et le manga, où un texte en prose est découpé en de petits chapitres qui sont d'abord prépubliés dans des magazines littéraires, souvent accompagnés d'une illustration, avant d'être réunis dans un roman complet. Marque absolue de son succès, cette série va même être adaptée en manga en 2008 puis en animé l'année suivante.
Entretemps, en 2004, le romancier s'était attaqué à un nouveau light novel : All You Need Is Kill. L'histoire de Keiji Kiriwa, une jeune recrue de l'armée terrienne qui lutte contre les Mimics, des extraterrestres pas forcément bienveillants. Lors de sa première sortie, il meurt. Pour mieux renaître le jour d'avant, il va alors réaliser qu'il est bloqué dans une boucle temporelle qui le force à toujours vivre le même jour, et à y mourir. Il va alors rencontrer une héroïne de cette guerre, surnommée la Full Metal Bitch, qui subit le même sort que lui. Ce roman va recevoir un accueil très favorable à sa sortie,
recevant même un Seiun, l'équivalent japonais du Prix Nebula pour les meilleurs romans de science-fiction. Ce qui va pousser Viz Media, maison d'édition conjointe de Shueisha et Shogakukan qui traduit leurs œuvres pour le marché américain, à sortir ce roman en anglais dans la foulée.
C'est sans doute à ce moment-là que Doug Liman, réalisateur de La Mémoire dans la Peau (pour ce qu'il a fait de bien) et de Jumper (moins quali' du coup), est tombé dessus. Il a alors fait le forcing auprès de Warner Bros. pour en produire une adaptation cinématographique. L'histoire est donc occidentalisée et le casting s'enclenche en cherchant directement dans l'acteur bankable. Si dans un premier temps c'est Brad Pitt qui est pressenti pour tenir le rôle principal, lui qui a déjà collaboré avec Liman sur Mr. et Mrs. Smith, son emploi du temps l'empêche d'apparaître aux côtés d'Emily Blunt. Qu'à cela ne tienne, ce sera Tom Cruise qui va finalement apparaître à l'affiche du film. Niveau bankable, on tient quand même le haut du panier.
Il aura fallu attendre longtemps avant de voir Edge of Tomorrow (qui au moment de la préproduction s'appelait We Mortals Are) se concrétiser. En effet, Doug Liman travaille dessus depuis 2010 et la sortie de son précédent film Fair Game. Pourtant, depuis tout s'est accéléré autour de l'œuvre de Hiroshi Sakurazaka et l'arrivée prochaine du film a suscité un intérêt croissant autour de son roman. Si bien que la Shueisha a décidé de capitaliser dessus en sortant une adaptation en manga. Ayant bien conscience de la portée que peut avoir celui-ci, ils ont mis l'excellent Takeshi Obata dessus, dessinateur de Death Note, un manga qui avait très bien marché dans le monde occidental. C'est d'ailleurs sans doute pour ça que Viz Media sortira le manga aux États-Unis presque simultanément. En France, le roman et le manga paraissent chez Kazé (le roman est déjà sorti et le manga arrivera le 25 juin).
D'ailleurs, comme Viz Media a senti que c'était le moment d'enfoncer le clou autour de cette licence, ils ont aussi publié un graphic novel qui reprend l'histoire du film, avec des artistes de comics, Nick Mamatas (qui est par ailleurs éditeur chez Viz, on est jamais aussi bien servi que par soi-même) et Lee Ferguson. Si nous n'avons pas encore vu l'adaptation en comédie musicale ou en jeu vidéo, rien ne nous dit que cela n'arrivera pas puisque Sakurazaka, sentant le vent souffler en sa faveur, a annoncé qu'il était actuellement à l'écriture d'une suite de son œuvre. Le début d'une nouvelle licence ? On l'espèrerait presque en tout cas, tant le film et le roman nous ont pour l'instant convaincus.