À la manière du comte Dracula qui semble toujours trouver un moyen de revenir pour mettre le chaos sur Terre, la série Castlevania s'est réinventée plusieurs fois dans son histoire et s'offre même le pari d'une transition de média en abandonnant les pixels pour l'animation sous la direction d'Adi Shankar.
C'est vendredi dernier que Netflix s'adonnait à la magie noire pour faire apparaître, parmi la liste de ses vidéos à la demande, le château du vampire le plus connu de l'histoire de l'humanité, Vlad Tepes. Annoncée il y a un peu plus d'un an avant que sa diffusion ne soit finalement acquise par le géant américain, qui y a probablement vu le moyen de caresser dans le sens du poil les amateurs de jeux vidéo et d'animation, la série Castlevania a enfin montré le bout de son fouet. Il faut d'ailleurs avouer que l'annonce a enjoué les plus grands fans de la licence qui reste encore un grand classique du jeu vidéo mais qui a subi un triste sort depuis que son éditeur Konami, lui aussi historique, a décidé de tourner le dos à l'industrie, laissant aussi dans l'oubli des sagas comme Metal Gear Solid (Metal Gear Survive ? Ça ne me dit rien) et Silent Hill.
Pour autant, la création originale Netflix n'est pas exempte de qualités : Adi Shankar, de la violence, des vampires et du sang. Un programme prometteur pour ceux qui était déjà convaincus par le bonhomme, qui s'était notamment illustré en produisant le film Dredd, LA bonne surprise de 2012, un peu trop éclipsée, et à raison, par un certain The Raid. Bref, en amateur de jeux-vidéo et de la saga, Adi Shankar avait donc comme ambition de reprendre le projet abandonné d'adaptation de Castlevania III en y apportant sa petite touche personnelle. Le combo entre la personnalité de Shankar et la saga était donc plutôt gagnant sur le papier et le résultat fut ma foi assez convaincant une fois transposé à l'écran.
Si l'animation peine parfois, il faut avouer qu'elle reste tout de même de qualité dans sa réalisation et dans le dynamisme général de sa mise en scène. Malheureusement, on aurait pu espérer mieux, et d'autant plus que le studio aurait pu marquer le coup surtout à l'heure où Dragon Ball Super essuyait récemment (et encore aujourd'hui) des polémiques concernant son animation. Ici, la direction artistique est globalement de qualité mais le tout manque souvent de finesse dans les trait, ce qui dessert parfois la mise en scène.
Mais la qualité principale de la série réside finalement dans ses personnages, qui profitent d'un casting assez incroyable, mais aussi et surtout d'une écriture bien calée. En effet, sans trop connaître la saga à la base, Warren Ellis réussit tout de même à donner une aura nouvelle auxpersonnages de Dracula, Trevor, Sypha, Alucard mais joue surtout avec l'Église et réussit finalement à créer une intrigue finalement très actuelle dans ses propos et revendications. En effet, entre l'écriture brute de son héros déchu et son envie de taper sur le système, le scénariste nous offre ici une série très agréable à découvrir et qui permet de créer un monde où rien n'est blanc, rien n'est noir - tout est question de nuances de gris (sans mauvais jeu de mot). En effet, le scénariste va notamment chercher dans la véritable mythologie de Vlad Tepes - qui servait principalement de prétexte dans les autres jeux (sauf Lords of Shadow, qui est un cas à part) - pour donner de la profondeur à l'univers qu'il essaie de construire. Le show réussit donc finalement à décoller son étiquette d'adaptation de jeu vidéo, pour finalement respecter l'œuvre originale, qui était déjà un vivier de mythologies à explorer.
Mais le point noir réside cependant dans la politique de Netflix à proposer seulement quatre épisodes à se mettre sous la dent. Évidemment, le diffuseur a joué sur une quasi-absence de communication autour du show pour éviter de dévoiler les détails de sa diffusion lors de sa production, qui promettait implicitement plus. Alors que la série annonçait une adaptation de Castlevania III, nous avons seulement le droit à une introduction bien chiche. La décision de proposer une saison aussi courte laisse nous force d'ailleurs à poser la question quant au format de ce Castlevania, qui aurait finalement pu être composé de plusieurs films plutôt que d'être haché abruptement - on pense notamment à la transition ignoble entre le premier et le deuxième épisode, qui rappelle une sale coupure pub.
Castlevania est l'un des exemples types de cette politique et en consistant une prise de risque assez majeure pour Netflix - celle de produire une série animée (qui réduit déjà le spectre d'intérêt pour le grand public) sur une licence de jeu vidéo morte -, la production d'Adi Shankar s'est ironiquement vu être victime d'une pratique mercantile proche de l'industrie du jeu vidéo. En effet, difficile de ne pas voir ici une simple "démo" de ce à quoi pourrait ressembler la série en définitive et qui permet surtout à Netflix de pouvoir, à moindre coût, tester un nouveau concept sur sa plateforme. Une pratique pour le moment isolée mais qui pourrait simplement se propager à l'avenir, au grand dam du public, qui n'aura finalement que des embryons d'expérience.