À l'heure où Hollywood et le public n'ont les yeux rivés que sur les costumes des Super-héros qui vivent dans des univers plus ou moins partagés, les producteurs ont bien compris que le cinéma à gros budget se nourrissait de modes et qu'il était temps pour eux d'enclencher la seconde phase de leurs plans basés sur la "Culture Pop", afin de préparer le terrain à l'heure où Batman, Iron Man et Spider-Man ne feront plus les choux gras de cette colossale industrie.
Ainsi, il n'est pas impossible que l'on regarde en arrière d'ici quelques années et que l'on redécouvre les médiocres Tomb Raider, House of the Dead, Postal (et son statut à part), Hitman, Max Payne et autres Resident Evil comme les Fantastic Four 1994 de demain. À l'instar des comic-books, les œuvres vidéo-ludiques proposent souvent un scénario déjà établi, qu'il suffit de modifier dans les recoins pour le rendre apte au grand écran. Mieux encore, ces derniers intègrent très souvent la logique de mise en scène et de cinématographie dans leur cœur même, offrant ce rendu hybride qui ne demande qu'à être disséqué entre narration et prise de pouvoir, supplanté par d'autres pans majeurs de l'industrie du 7ème art, tels que l'importance de la réalisation (cadrage, lumière et j'en passe), de la bande son (avec les révélations Bryan Tyler, Jesper Kyd...) et de la cohérence scénaristique, souvent bien plus considérée sur le format long qu'offre le jeu vidéo plutôt que dans l'exercice du long métrage. Et si le jeu vidéo, dans ses meilleurs moments, peut atteindre le statut d'œuvre culturelle quasi-catalytique, voire symbiotique, on pourrait penser que celui-ci pourrait fonctionner en circuit fermé, sans s'appuyer sur un média qui l'a longtemps regardé de haut, pour aujourd'hui en éplucher la recette. Ce serait évidemment sans compter sur la logique implacable des financiers, mais aussi oublier un développement potentiellement passionnant en termes de logique industrielle et de transmédia, à l'heure où le cinéma ne deviendrait qu'un accompagnant de la matière première, le jeu vidéo.
De plus, à l'heure où les dérives du monde vidéo-ludique naissent du fait que ce pan entier de la culture est le seul art qui n'a jamais été considéré que comme une industrie (je vous invite à savourer la masterclass d'Erwan Cario à ce sujet, un passionnant regard dans le rétro' du monde moderne à travers le prisme de la manette), c'est le financier qui peut venir en aide au créatif et à l'éditorial, en témoignent les exemples des films majeurs à venir dans les prochaines années, tels qu'Assassin's Creed, Splinter Cell, Warcraft, The Last Of Us, Mass Effect et même, plus étonnant, Temple Run.
En effet, négocier avec des éditeurs de Jeux Vidéo en 2014 n'est plus le même métier qu'il y a 10 ans. Les exemples de Blizzard et d'Ubisoft sont criants, ce sont aujourd'hui les studios qui dictent les règles, souvent grâce à un argument implacable : la toute-puissance financière de ces faiseurs de licences, qui ont compris d'emblée la logique de produits dérivés et de production effrénée (et/ou de culture du résultat dans le cas si particulier des créateurs de Lost Vikings), alors qu'Hollywood entérine tout juste ces nouvelles pratiques grâce à Marvel Studios et Warner Bros.
La perspective première d'un film Warcraft pour Blizzard est d'avantage de développer son univers et de densifier un ensemble trop longtemps méprisé, et de prouver aux sceptiques que le 10ème Art (si tant est que le Jeu Vidéo soit réellement ce 10ème Art, qui regroupe également la radio et le Podcast dans un fourre-tout dont seule la classification des arts a le secret) est vecteur d'histoires ô combien plus riches que de nombreuses licences de cinéma. Là où certains feront le choix d'adapter quasiment à la lettre des histoires déjà racontées (c'est ce qui se murmure pour The Last Of Us et Assassin's Creed qui mettrait Michael Fassbender dans la peau d'Altaïr/Desmond, ou encore du Splinter Cell de Doug Liman - réalisateur d'Edge Of Tomorrow ), la perspective du cinéma peut permettre à un genre entier de gagner le respect de tous, à grands renforts de films de qualités aux productions soignées et où les ambitions artistiques prennent le pas sur le pragmatisme financier. C'est là aussi un avantage du monde des pixels, où la liberté, quoique souvent rachetée par Vivendi et d'autres groupes dignes des pires fonds de pensions, reste primordiale et s'adresse de toute façon à un public déjà averti, les sacro-saints "gamers".
L'enjeu sera donc de sortir de ce cadre grâce à des cartes de visites de 2h30, où le grand public découvrira enfin que le jeu vidéo grand public ne passe pas que par Kinect et la Wiimote, mais où se nichent de grands auteurs depuis maintenant 2 à 3 décennies, en plus d'offrir aux très nombreux gamers - qui sont bien plus regroupés et connectés que les lecteurs de Comics, si l'on doit poursuivre la comparaison - un rêve éveillé, avec de grands moments de développement de personnages et d'univers, cette fois-ci sans pouvoir intervenir sur ce qui se déroule à l'écran. Et c'est bien là la seule difficulté d'un genre qui n'en finit plus de s'ouvrir, et qui porte, pour le futur, les espoirs des amoureux de culture populaire sur ses épaules.
Et parce que la création parle mieux que 1000 mots, la scène d'introduction de Metal Gear Solid: Ground Zeroes où Hideo Kojima, amoureux de cinéma devant l'éternel, oublie inconsciemment les contraintes du 7ème Art et offre un plan séquence plus si loin du photoréalisme, quasi-impossible (ou beaucoup trop cher et chronophage) pour un réalisateur classique :