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Édito #34 : Neill Blomkamp, le futur de la S.F ?

Par Republ33k
2 mars 2015
Édito #34 : Neill Blomkamp, le futur de la S.F ?

Ce mercredi sortira en salles Chappie, le nouveau et troisième film du réalisateur sud-africain Neill Blomkamp, qui donnera, avec ce métrage, sa propre vision d'un thème récurrent de la science-fiction : l'intelligence artificielle. Il était donc de bon ton d'évoquer la carrière fulgurante de ce jeune homme de 35 ans, qui est un incontestable amoureux de la science-fiction.

Une jeunesse en trois dimensions

Né à Johannesbourg, Neill Blomkamp fera ses premiers pas dans le milieu du cinéma grâce à son futur meilleur ami, Sharlto Copley. Il se rencontrèrent au lycée de Redhill School, et Copley offrit alors les moyens de ses ambitions au jeune prodige en lui proposant un travail dans sa maison de production, grâce à laquelle Blomkamp pu assouvir sa passion pour l'animation 3D avant de rejoindre l'école de cinéma de Vancouver

 

Dès les années 1990, le futur réalisateur trahit son amour pour la science-fiction en officiant sur plusieurs séries américaines, dont Stargate SG-1, en tant qu'animateur 3D. Il enchaînera alors les "petits boulots" en travaillant pour l'industrie automobile et aéronautique, passant derrière la caméra pour le compte de ses propres courts-métrages (qui lui inspireront les longs) puis pour les besoins de Microsoft, qui cherche à promouvoir Halo 3 avec une série de courts en live-action. Forcément, le style du Sud-Africain ne manque pas de taper dans l'œil de certains artistes et autres studios, qui voient dans le petit jeune un futur réalisateur talentueux et polyvalent.

D'un anneau à l'autre

Il va alors longuement être courtisé par la Fox et Microsoft pour adapter la trilogie Halo au cinéma. Un périple que nous avons déjà traité en détails sur SyFantasy.fr, et qui lui permit de rencontrer Peter Jackson, alors porteur du projet. Finalement, et malgré plusieurs brouillons, le film Halo restera à l'état d'œuf. Fort heureusement, ce development hell ne signera pas la fin de la carrière de Neill Blomkamp, puisque Jackson décide de faire du Sud-Africain son protégé et lui permet de mettre sur les rails District 9, l'adaptation en long-métrage d'Alive in Joburg, un court en forme de métaphore de l'Apartheid, dans lequel les habitants de Johannesburg partagent leur ville avec une race de réfugiés aliens surnommée les crevettes. 

 

Vous connaissez la suite, District 9 est un énorme succès, critique comme économique puisqu'il rapporte plus de 210 millions de dollars pour un budget de 30 millions, et consacre le réalisateur, sa science de la mise en scène et ses idées. Un film qui fit un bien fou à la science-fiction à sa sortie en 2009, une fable comme seule la SF sait en faire, et qui fut saluée aux quatre coins du globe. Suivra alors Elysium, un projet qui manqua d'être produit par le studio indépendant Media Rights Capital avant que Sony ne fasse une meilleur offre pour le second projet de Blomkamp. Hélas, et comme il l'a rappelé la semaine dernière, le résultat sera décevant : d'une part parce qu'en tant que premier film, District 9 avait placé la barre très haut, et d'autre part car les idées du réalisateur se confronteront aux exigences du studio. Cela n'empêchera pas Sony de relancer la mise avec un budget similaire (on parle d'un peu moins de 100 millions) pour Chappie, qui comme District 9, est inspiré d'un court-métrage du réalisateur, Tetra Vaal.

Old school is good school

Mais évidemment, notre respect pour le bonhomme va bien au-delà de son parcours, et s'étend à ses idées et à sa réalisation. Comme nombre de ses pairs (qui eux sont devenus incontournables) le réalisateur possède en effet une mise en scène très distinctive, qui s'est faite sentir dans ses deux premiers films mais aussi dans ses courts. La plus évidente de ces manies est de filmer une même scène à travers plusieurs points de vue et de nombreux dispositifs d'enregistrement, qu'on peut voir comme une parfaite digestion des styles de réalisations des années 2000, qui font un usage massif du found footage et autre shaky cams, mais aussi des caméras type GoPro, plus récemment.

Côtés idées, le réalisateur est a priori obsédé par les questions sociales. Et si nous devons lui reconnaître un fâcheux penchant pour le manichéisme, je pense que les sujets traités par Neill Blomkamp sont assez complexes et inquiétants pour qu'on puisse lui pardonner quelques simplifications. Après tout, la S.F est née pour imaginer le futur certes, mais aussi pour dénoncer le présent. Et si cette première fonction est toujours bien présente dans le cinéma hollywoodien, la seconde est trop souvent sacrifiée sur l'autel du grand spectacle et des effets spéciaux. Là où Neill Blomkamp se révèle très fort, c'est justement dans sa capacité à lier ces deux idées entre-elles avec ses métrages : en tant que maniaque des effets spéciaux et des concepts visuels, il ne peut pas s'empêcher de nous en mettre plein la vue, mais il n'oublie pas d'inclure dans ses travaux une seconde lecture qui a toujours fait la marque des bonnes histoires nées de la S-F.

La nouvelle école

Enfin, rappelons qu'aux côtés de Gareth Edwards, Josh Trank, Duncan Jones, Joseph Kosinski ou encore Gareth Evans, le réalisateur représente une incontestable nouvelle école du cinéma de divertissement, qui promet de faire bouger les lignes. Tous ces réalisateurs peuvent en effet, comme Blomkamp, porter plusieurs casquettes : des multi-spécialistes qui s'interrogent sur leur réalisation, leur écrits, mais aussi sur le marketing et les technologies qui entourent leurs métrages.

A ce titre, Neill Blomkamp continue de cultiver un certain grain de folie, en s'inspirant du jeu-vidéo pour sa réalisation par exemple, ou en allant chercher des acteurs totalement improbables. Dernière irrévérence en date, le réalisateur a choisi deux des membres du groupe Die Antwoord (Ninja et Yo-Landi Vi$$er) pour servir de parents au robot Chappie. A noter d'ailleurs, il avait déjà proposé à Ninja le rôle principal d'Elysium, qu'il avait décliné malgré son amour pour District 9 (l'intérieur de ses lèvres est tatoué d'un "D9"). Le réalisateur avait alors proposé le personnage de Max à Eminem, qui aurait accepté à condition que le film se tourne à Detroit. Un exemple qui témoigne de l'obsession du bonhomme, qui n'est pas à une décision entêtée près, comme le montre la question de la continuité qui plane sur son prochain film, Alien 5.

 

Malgré ses idées bien arrêtées, le réalisateur se montre plutôt sage, en témoigne son retour récent sur Elysium. Dans la même veine, on le voit souvent reconnaître les mérites de sa scénariste, Terri Tatchell (aussi sa femme à la ville), qui est pour beaucoup dans le succès de District 9 (en ayant ajouté de nombreuses scènes et personnages, comme le petit alien) et dans le futur radieux promis à Chappie, si on en croit ses bande-annonces. Moralité, Neill est un jeune fougueux qui a tout le temps de briller et de fonder de nouvelles bases pour le cinéma de S.F.