Si la science-fiction au sens le plus large du terme a gagné en exposition par l'intermédiaire du géant et septième Star Wars, ses variantes les plus pointues semblent avoir toujours plus du mal à respirer, et particulièrement sur les supports les plus médiatisés que sont le cinéma et la télévision. Pourtant, en filigrane, c'est un genre bien précis qui semble revenir sur le devant de la scène : le Cyberpunk.
Association des mots cybernetic et punk, ce genre affilié à la science-fiction se consacre, comme le disait l'académicien David Ketterer, aux aspects "high tech et low life de notre société" exagérant (mais plus tellement) généralement les technologies à notre disposition et les maux de nos organisations / de notre système. Renaissance du film noir dans la science-fiction, le Cyberpunk a connu son âge d'or dans les années 80. C'est d'ailleurs en 1983 que le terme serait apparu pour la première fois. Il servait alors de titre à une nouvelle de Burce Bethke, qui n'est toutefois pas considéré comme le père de cette expression, plus volontiers attribuée à l'éditeur Gardner Dozois, qui a participé à la démocratisation du genre dès ses débuts.
A l'époque, le courant Cyberpunk est d'ailleurs perçu comme une petite révolution du monde de la SF. Il est ainsi adoré par une avant-garde de lecteurs émérites, mais aussi détesté par d'autres, qui voient dans le Cyberpunk un énorme pas en arrière, si on le compare à la SF des années 60 ou 70. Sans doute plus loufoques et variées, les histoires de ces deux décennies manquaient toutefois de la lecture politique et sociale des œuvres cyberpunk, qui ont préfiguré l'état du monde dans lequel nous vivons en 2016. A mon sens, c'est d'ailleurs cette ressemblance toujours plus frappante avec notre quotidien qui a conduit le courant à se faire plus discret.
Si les voitures volantes et les mégalopoles concentrées dans des immeubles gargantuesques ne sont pas encore d'actualité, les progrès en termes d'informatique et de génétique, ou les dérives du capitalisme, tels que présentés dans les œuvres cyberpunk, sont en effet devenues bien réels : la main mise de grandes corporations sur certaines villes, comme c'est le cas à Détroit, par exemple. Cette proximité entre le genre et notre monde aurait peut-être poussé le Cyberpunk à se réfugier dans les bons cercles, les médias, auteurs et supports plus mainstream ne préférant peut-être pas s'essayer à une comparaison entre notre quotidien et les œuvres.
Pourtant, ces derniers temps, le Cyberpunk s'infiltre dans des projets plus médiatisés, et/ou de plus grande envergure. Entre les lignes, on pourrait presque lire un retour en force du genre, qui ne peut signifier qu'une chose : les mœurs changent, et les artistes, quelque soit leur médium ou leur notoriété, sont maintenant prêts à voir la vérité en face. Après tout, la ressemblance entre le Cyberpunk et notre monde n'est-elle pas la plus belle preuve de sa pertinence ? Surtout en 2016 ?
A ce titre, on se dirige vers toujours plus d'œuvres cyberpunk. Récemment, c'est Netflix qui mettait en chantier une série télévisée adaptée d'Altered Carbon, les romans post-cyberpunk de Richard Morgan. Le "post-" symbolise d'ailleurs assez bien ma réflexion, puisqu'il souligne une évolution voire une renaissance du genre. Mais le Cyberpunk ne se contentera pas du petit écran. Du côté du cinéma, on espère que Neill Blomkamp, mis sur le banc de touche de la licence Alien, reviendra sur le projet The Larke, qu'il avait teasé en mai dernier (voir image ci-dessus). Le réalisateur sud-africain, obsédé par la thématique de l'humain augmenté, serait le candidat parfait pour relancer le genre dans les salles obscures, avec une patte plus moderne.
La vieille école ne sera pas en reste avec un Blade Runner 2 prévu pour mai 2017, et qui sous la direction de Denis Villeneuve (Sicario) et Roger Deakins (directeur de la photo de Skyfall), ramènera l'esthétique imaginée par Ridley Scott sur le devant de la scène. On peut même viser plus large est constater qu'en pleine folie (l'idée d'adapter de grands mangas) Hollywood n'oubliera pas le Cyberpunk en s'intéressant à Gunnm, l'un des piliers du genre du côté du Japon.
L'industrie du jeu-vidéo, qui pèse bien plus que la colline de Los Angeles, se penchera elle aussi sur le cas du Cyberpunk, puisque CD Projekt, l'un des derniers studios majeurs mais intègres du monde vidéo-ludique adaptera le jeu de de rôle sur table Cyberpunk 2077 - difficile de faire plus explicite. Et les développeurs polonais promettent déjà un titre aussi vaste que complet, qui nous permettra non seulement d'observer mais aussi de vivre un univers cyberpunk dans ses moindres détails. En somme, la renaissance du genre pourrait également passer par de nouveaux moyens de l'expérimenter. En attendant les premières images de ce faramineux projet, on pourra également profiter de la conclusion de la saga Deus Ex, Mankind Divided.
Autant d'exemples qui iraient dans le sens d'un retour lent mais certain du Cyberpunk sur le devant de la scène. Un comeback explicité par d'autres phénomènes latéraux, comme la popularité fulgurante d'un certain Kung Fury ou une mode vestimentaire toujours plus tournée vers le vêtement fluo et les matières originales. Si certaines thématiques futuristes sont devenues réalité, elle n'en sont pas moins intéressantes, bien au contraire. En quelque sorte, ce qui a étouffé le genre il y a quelques années pourrait bien le revigorer dans les mois à venir, avec une nouvelle génération d'artistes et de médias à sa disposition.