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Édito #91 : Dark Maul, la fin a sonné

Par Republ33k
6 février 2017
Édito #91 : Dark Maul, la fin a sonné

En 1999, le vilain de La Menace Fantôme finissait coupé en deux sous les coups d'un jeune Obi-Wan Kenobi prêt à tout pour venger la mort de son maître Qui-Gon Jinn. Trop iconique pour être définitivement abandonné, Dark Maul avait toutefois fait son retour dans de multiples produits dérivés, qui témoignent encore aujourd'hui de son incroyable popularité, lui qui sort pourtant d'une trilogie de films que la grande majorité du public semble détester. Et après The Clone Wars, un comic book chez Dark Horse, Rebels et maintenant une nouvelle bande-dessinée chez Marvel, il est donc temps pour nous de faire un point sur cet étrange personnage, en posant une question toute simple : l'heure de Dark (ou Darth si vous préférez la V.O) Maul a-t-elle sonnée ?

Mais avant cela, prenons notre machine à remonter le temps pour nous rendre dans les coulisses de La Menace Fantôme, à l'aube des années 2000. Présent dès les premières versions du scénario, le vilain est décrit par George Lucas comme une figure de cauchemar. Pour l'imaginer, le concept artist Ian McCaig va donc puiser dans ses propres rêves, et dans les plus noirs d'entre-eux d'ailleurs. Les premiers designs (ci-dessous en galerie) effraient en effet Lucas, qui demande à McCaig d'adoucir sa vision du personnage, qui devient alors un vilain issu de son "second pire cauchemar" comme il l'explique en blaguant dans le making-of de La Menace Fantôme. On s'approche alors tout doucement du résultat final, avec un vilain tatoué et au crâne couvert de cornes - pour la petite anecdote, McCaig avait d'ailleurs dessiné des plumes, mais les équipes du métrage les avaient interprétées comme des cornes. Et d'abord musculeux et vêtu d'un costume beige, notre Dark Maul s'affine au fil de la production et finira par enfiler une tenue plus simple d'apparence et plus pratique à porter pour Ray Park lorsque George Lucas commence à sérieusement envisager des combats au sabre-laser beaucoup plus acrobatiques. Un vilain est né.

Ou plutôt, un design est né. Comme nombre des personnages de la saga Star Wars, Dark Maul se repose avant tout sur son apparence, effectivement marquante. Le vilain ne prononce d'ailleurs que 31 mots dans le film de Lucas, et ils ne sont même pas déclamés par son interprète Ray Park, mais bien par Peter Serafinowicz, qui redoubla le personnage en post-production. En fallait-il plus ? Après tout, Dark Maul n'est que le bras armé d'un vilain tapi dans l'ombre. Le muscle court-termiste d'un cerveau qui joue sur le long-terme. Ce qui ne l'empêche pas de faire forte impression auprès des fans de la saga Star Wars, même les plus déçus. Et comment leur donner tort ! Comme nous le disions, la saga a toujours su jouer sur de puissants character designs, qui donnent du corps au plus anecdotique des personnages. Et de plus, le vilain crève l'écran avec des combats et des acrobaties à l'époque tout à fait inédites dans l'univers de Star Wars. On comprend donc facilement pourquoi Maul parvient à s'attirer l'amour des fans.

Et on imagine que les sentiments des amoureux de la saga à l'égard de Dark Maul ne seront d'ailleurs que renforcés par la sortie des épisodes II et III de Star Wars, qui confirment la direction artistique et thématique prise par Lucas à l'aube des années 2000, et surtout, échouent dans leur envie d'imposer un successeur digne de ce nom au tatoué. Si leur backstories sont intéressantes, les personnages de Dooku et de Grievous manquent en effet d'une scène forte - dopée par la musique de John Williams - pour s'affirmer. Quelque part, ces deux vilains sont donc aux antipodes de Maul : leur histoire est un minimum explorée mais leurs actions à l'écran manquent sévèrement de punch, même si Grievous s'était offert le luxe de porter quatre sabres-laser à lui seul. Mais dans l'histoire de Star Wars, et plus généralement des franchises, ça ne serait pas la première fois que l'image seule triomphe sur une bonne histoire de fond.

Pendant un temps, et malgré sa mort supposée, Dark Maul continuera donc à vivre dans le cœur des fans de Star Wars, impressionnés par son apparition dans La Menace Fantôme, ou encore nostalgiques des promesses que ce premier opus faisait en 1999. Jusqu'à ce que son retour devienne effectif et tangible avec la seconde série consacrée à la guerre des Clones, The Clone Wars. Nous sommes alors en 2011 et le show animé représente depuis quelques années déjà la seule actualité de la saga Star Wars. Et forcément, le retour de Dark Maul a tôt fait de ramener un peu d'attention sur la série, qui en a cruellement besoin. Coup marketing ? Sur le moment, Dave Filoni, showrunner de The Clone Wars, s'en défend, en expliquant que nous n'avons pas ici affaire à une résurrection "à la Boba Fett", poussée pendant de longues années par les fans puis livrée dans l'ancien Univers Étendu. Mais avec le recul, le retour de Dark Maul ne paraît pas si différent. Lorsque Fett tombait dans la gueule du Sarlacc, Lucas nous indiquait très clairement que le chasseur de prime ne survivrait pas. Et quand il coupe en deux Dark Maul avant de le jeter dans un puits, il enfonce encore plus le clou.

Mais pour Filoni, la différence réside justement dans l'intervention de Lucas. Vaguement impliqué dans le développement de la série, le réalisateur se serait montré très intéressé par l'arc narratif de Savage Opress, le frère de Maul, allant jusqu'à suggérer une réunion de famille entre les deux personnages. Et une fois la bénédiction de Lucas donnée, Filoni n'a pas hésité une seule seconde : d'une pierre deux coups, il relance l'intérêt des fans pour The Clone Wars et exauce l'un de leurs fantasmes les plus fous. D'ailleurs, le showrunner semble depuis spécialisé dans ce genre d'opérations, en témoigne la re-canonisation du Grand Amiral Thrawn l'année dernière. Mais revenons à notre tatoué. Premier problème, malgré l'amour des spectateurs et des milliers de fan-fictions, les scénaristes et animateurs de la série manquent de matériau et doivent inventer de toutes pièces, ou presque, les expressions et les comportements du personnage, qui rappelons-le une nouvelle fois, est avant tout un design et quelques techniques martiales impressionnantes.

Selon moi, c'est ici que commence la chute. Certes, justifier la survie du personnage est un exercice périlleux. Mais à la rigueur, dans l'univers de Star Wars, il est apparemment possible de tromper la mort, comme nous l'apprenait la légende de Darth Plagueis (#YourSnokeTheorySucks). La difficulté résidait plutôt dans l'écriture et l'arc qui sera donné au personnage. Or Maul sera, et est encore aujourd'hui, malmené. Toujours collective dans le cas d'une série télévisée, l'écriture qui devait rendre crédible le retour du vilain a fini par le fragmenter en une multitudes de personnages. Personnellement, je n'ai donc jamais considéré les différentes facettes du personnage comme faisant partie d'un tout. On a le Sith, le frère (de la nuit, et de Savage Opress), le mercenaire et maintenant l'ermite. Des figures trop vastes ou bien trop peu définies pour être contenues dans un seul vilain. Ajoutez à cela de multiples fins ouvertes - celle de The Clone Wars (suite à l'annulation de la série après le rachat de Disney) puis celle du comic book Son of Dathomir (paru chez Dark Horse et Delcourt en France) qui devait justement terminer l'arc du personnage - et vous obtenez non pas un mais bien plusieurs vilains.

Et la division de Dark Maul en de nombreux personnages fait à mon sens beaucoup de mal à cet antagoniste. Sur ses petites épaules, Lucasfilm (sous l'ère Lucas comme sous l'ère Disney) a placé beaucoup trop de poids, et le futur du personnage ne risque pas d'arranger la situation. Le premier numéro de la mini-série sorti la semaine dernière le montre bien : avec celui-ci, le story group de Lucasfilm avait l'occasion de revenir en arrière et de redorer le blason du personnage en s'intéressant aux aventures qui précèdent La Menace Fantôme. Au lieu de ça, le scénariste Cullen Bunn semble nous proposer une énième nouvelle version du personnage, et une itération peu subtile, de surcroît. Reste la fin de la troisième saison de Star Wars Rebels, qui ironiquement, fait retomber le personnage sur ses pieds en proposant à Dark Maul un rematch face à Obi-Wan Kenobi. Enfin, si Filoni et ses troupes décident bel et bien d'abréger les souffrances de notre pauvre tatoué.

Assurément l'une des réussites de la prélogie Star Wars, Dark Maul est une carte que Lucasfilm a trop souvent dégainée pour qu'elle ait encore de l'effet. Le petit bidon de carburant que représenterait ce personnage avant tout visuel et physique alimente depuis maintenant trop longtemps les idées farfelues de nombreux scénaristes, qui a trop vouloir s’approprier le personnage, l'ont fragmenté en une multitudes de vilains au mieux intrigants (le "Maul" de Rebels) au pire risibles (l'araignée mécanique de The Clone Wars) et souvent dispensables. Tout le contraire de l'antagoniste aperçu dans La Menace Fantôme donc, qui avec plus de soins de la part des artistes chargés de sa destiné, aurait effectivement pu perdurer au-delà du premier épisode de la saga. Mais le mal est fait, et il est grand temps d'offrir à Dark Maul une belle mort. Comme nous l'a montré Star Wars Rebels en fin de saison l'année dernière, le show est tout à fait capable d'orchestrer de grands moments, et on espère que la disparition définitive de Maul sera l'un d'eux.