Critiques

Arnaques, crimes et botanique dans Les Carnets de l’Apothicaire

Par Alex Moon
5 min 15 juillet 2024
Arnaques, crimes et botanique dans Les Carnets de l’Apothicaire

Les Carnets de l’Apothicaire c’est d’abord une série de light novel dont la publication commence en 2011 au Japon. Très vite, l’histoire se verra adaptée en manga dans deux séries proposées, en France. L’une par Mana Books et l’autre, qui fait l’objet de cette chronique, par les éditions Ki-oon. Loin des shojos habituels, l'œuvre met en avant une série d’enquêtes pleines de drames, de mystères et de manigances, au sein de la cité impériale chinoise. Si l’univers est fictif et le contexte historique flou, on se laisse facilement entraîner dans les intrigues de la cour intérieure où vivent les concubines impériales, et auprès de son héroïne forte et indépendante.

 

 

L’histoire

Mao Mao, 17 ans, était une jeune apothicaire du quartier des plaisirs avant d’être enlevée et vendue comme servante au harem du palais impérial.
Discrète et blasée, elle cache ses connaissances pour se fondre dans la masse et éviter de s’attirer le moindre ennui. Pourtant, lorsqu’une étrange « malédiction » semble frapper les nourrissons des concubines, la jeune fille y reconnaît les symptômes d’un empoisonnement et se décide à intervenir. Découverte, elle est alors choisie pour être la nouvelle goûteuse de la favorite de l’empereur. Puisque cette tâche lui permet de continuer à pratiquer son art et de vivre sa passion pour les poisons, Mao Mao s’en accommode bien volontiers.

 

 

Loin d’être idiote, elle sait que la cour est le théâtre de tous les complots et tous les coups fourrés. Elle qui se désintéresse de la guerre entre les concubines, se retrouve bien malgré elle mêlée aux intrigues qui agitent ce petit monde fermé. Grâce à sa vivacité d’esprit et son caractère bien trempé, elle parvient néanmoins à gagner sa place. Mao Mao va tout de même devoir supporter la jalousie des autres servantes, ainsi que l’étrange attention que lui voue Jinshi : un haut fonctionnaire calculateur et mystérieux, qui s'intéresse étrangement à elle.

 

 

L’avis d’Alex

Les Carnets de l’Apothicaire se présente comme une fable romanesque pseudo-historique et sentimentale, mais doit surtout beaucoup à son personnage principal. Loin des clichés mièvres, Mao Mao est forte, indépendante, désabusée mais pas cynique, détachée mais jamais égoïste. Ce qui la caractérise, c’est sa passion pour son métier d’apothicaire, tout particulièrement pour l’étude des poisons. Si elle se fiche des brimades quotidiennes que lui font subir certaines dames de compagnie, elle devient une véritable furie lorsque l’une d’entre elle met accidentellement sa santé ou celle des autres en danger.

 

 

Comme les préparations de Mao Mao s’inspirent de véritables recettes de la médecine chinoise du XVIIe siècle (à ne surtout pas reproduire !) on ne s’étonne pas d’y trouver des bains de mercure ou des aphrodisiaques à base de chocolat, et cela nous enseigne aussi comment la médecine était perçue et pratiquée en Chine autrefois (bien que la période soit indéterminée dans le manga, on peut la rapprocher de celle de la dynastie Qing).

 

 

Seule fille du palais insensible aux charmes de Jinchi, on pourrait y voir un cliché du shojo (ennemies to lovers), pourtant, jamais Mao Mao ne dévie de sa passion pour la confection de remède et de son objectif : être libéré de son service au palais. Leurs échanges sont rendus assez drôles par ce perpétuel jeu de séduction raté dans lequel se lance le jeune fonctionnaire. Un humour bienvenu dans une histoire aux enjeux parfois dramatiques, surtout en ce qui concerne la situation des femmes. D’ailleurs, si Mao Mao ne s’érige pas en défenseuse des droits de ses camarades, elle exprime un avis franc et tranché sur la situation des filles du quartier des plaisirs ou le fait que le précédent empereur ait épousé une enfant.

 

 

Enfin, Les Carnets de l’Apothicaire convainc aussi par la qualité de ses intrigues et des enquêtes menées par Mao Mao pour démêler les mystères de la cour. Le manga illustre à merveille l’adage qui dit que le poison est l’arme des femmes, puisqu’il est souvent à l'œuvre dans les manigances qui agitent le palais des concubines. En mettant à profit son astuce et ses connaissances en herboristerie, la jeune fille se révèle être une enquêtrice perspicace et talentueuse. Son détachement lui permet une plus grande objectivité, objectivité qui lui offrira la confiance de Jinchi et, petit à petit, des autres femmes du harem. 

 

 

Les Carnets de l’Apothicaire vient d’ailleurs de se doter d’un superbe tome 13 collector, dont je vous laisse découvrir le contenu :

 

 

Quant à l’ensemble des tomes déjà parus,
ils sont disponibles aux éditions Ki-Oon.