- Les évolutions du récit
Kentaro Miura est mort il y a plus de trois ans maintenant, mais il semble toujours vivant quand on lit et relit Berserk, ces tomes si ténébreux et si beaux à la fois, qu'on savoure comme un poison somptueux. Mais aujourd'hui la vie naît de la mort, tout comme Guts de sa mère pendue : le tome 42 de Berserk est sorti, grâce au meilleur ami du mangaka, Kouji Mori. Beaucoup d'espoir, plus peut-être encore de craintes. Car comment faire aussi bien, faire comme le maître, celui qui a inspiré tant d'artistes et frappé de son sceau tant de jeunes et moins jeunes lecteurs et lectrices ?
Un pari audacieux
Nul doute que certains ne pourront être convaincu par rien. J'ai voulu y croire, et je ne suis pas mécontent d'avoir ouvert ce tome. Retrouver Guts, Casca, Farnèse et les autres de la joyeuse bande est toujours aussi agréable, et leurs traits n'ont que peu changé, malgré les années et le changement de main (l'avantage des studios de mangakas). Tout n'est pas identique évidemment : les deux dernières couvertures diffèrentes des anciennes, plus sombres et lisses. Un choix surprenant !
Je suis surtout étonné par le récit de ce tome 42 : le rythme est plus lent, et on a l'impression qu'il n'y a finalement pas beaucoup d'actions et de péripéties. Une reprise en douceur, un biais d'avoir trop attendu ? Sûrement un peu des deux, peut-être aussi un peu de peur de s'engager. Car l'aventure repart dans des errances que nous avions laissées de côté depuis longtemps : Guts sombre de nouveau dans ses profondeurs, faites de doute et de haine. Alors que le tome 41 marquait une sorte d'achèvement, avec l'arrivée sur l'île des Elfes et le retour de Casca, avec sa dernière planche frappante, le tome 42 relance la roue infernale, et les membres crient de nouveau.
Faut-il encore qu'ils souffrent ?
Faut-il vraiment repartir ?
Tout recommencer après tant d'efforts ?
C'est peut-être ce que se dira aussi le lecteur, qui espérait que la douceur des derniers tomes s'amplifierait. Evidemment il n'en est rien, bien que ces pages soient moins sanguinolentes : est-ce que Berserk délaissera ses traditionnels fendus en deux et ses légions de décapités ? Ce qui semble sûr, c'est que Guts n'en a pas fini, et que la parenthèse féerique d'Elf Helm est refermée pour de bon, comme le prouve la disparition de la reine et de sa cour, évanouis au royaume des rêves et des enfants.
Comme le loup de Guts, nous refermons ce tome affamés. Nous aurions aimé avoir davantage, mais nous avons quand même été appâtés par ce tome, donné par une main qui n'est plus celle de notre vieux maître. La promesse de futurs tomes triomphants ?