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Critique - Prélude au Ragnarök T.01 - Sigurd (Federico Saggio) : Un mythe viking revisité

Par Lildrille - Chloé
5 minutes 15 juillet 2022
Critique - Prélude au Ragnarök T.01 - Sigurd (Federico Saggio) : Un mythe viking revisité
On a aimé
- Un univers mythologique et sombre captivant
- Une plume addictive
- Une atmosphère magique
- Une histoire perturbante et qui donne à réfléchir
On n'a pas aimé
- Un héros auquel il est difficile de s'attacher au début

Si vous aimez les légendes vikings, alors n'hésitez plus ! La saga du Prélude au Ragnarök revisite le mythe de Siegfried et Brunhilde, lié à l'anneau maudit des Nibelhungen, l'histoire qui aurait inspiré Le seigneur des anneaux de J.R.R. Tolkien ! L'auteur nous offre une réécriture magique, empreinte de sa plume poétique et de son imaginaire débordant.

Le résumé

Sigurd, dernier représentant d’une lignée issue de l’union d’Odin, roi des Ases, et d’une mortelle, est confié à la mort de ses parents à Mîme, le plus grand Artisan-Forgeron des Nibelungen. Ce dernier est censé l’éduquer dans l’espoir qu’il puisse un jour accomplir la tâche qui lui est échue : tuer le dragon Fafnir, reprendre le trésor maudit au nom des Ases et enfin le protéger de sa vie.

Quant à Sigurd, ce sont d’autres ambitions, d’autres rêves qui l’animent. Le Feu d’Odin coule dans ses veines, il veut vivre ! Quel dommage que les Dieux ne l’entendent pas de cette oreille… car il n’est pas de plaisir plus savoureux pour les Ases, que d’assister à la déchéance d’un mortel qui se débat avec les affres de la destinée.

Notre avis

Le premier tome de la série Sigurd raconte une histoire plutôt célèbre de la mythologie nordique que d’autres ouvrages ou bande-dessinées, notamment Le crépuscule des Dieux aux éditions Soleil, nous ont déjà décrits. Ici, l’auteur étonne par la profondeur de son personnage central, des scènes à couper le souffle et des dialogues magiques, qui mettent en valeur un univers à la fois sombre et féerique. Les connaisseurs de l’histoire d’origine y trouveront leur compte, tout comme les nouveaux lecteurs que le récit de l’anneau des Nibelungen n’avait pas encore conquis jusque-là. Federico Saggio ajoute des éléments, transforme le récit mythique à sa manière en y apposant sa patte si spéciale et géniale. De la dark fantasy à l’état pur, de la légende à foison et du récit initiatique troublant.

Dès les premières lignes, le lecteur comprend que le personnage principal constitue un individu bien particulier. Il est très difficile de s’attacher à Sigurd, surtout au début du roman. Il est alors un enfant solitaire, violent, perturbé et perdu. Plus tard, un jeune garçon qui n’hésite pas à tuer quand on le contrarie et qui défigure tous ceux qui lui barrent la route. Le lecteur doit posséder un cœur bien accroché pour supporter ce texte noir, malgré une plume magistrale et une atmosphère captivante, auréolée de mystères et de mythologie nordique.

Certains passages s’avèrent plus douloureux que d’autres. Ce qui nous porte, ce qui nous donne l’envie de continuer et de ne jamais s’arrêter, se trouve dans l’écriture plaisante et travaillée, dans le décor froid mais chaleureux et dans une aventure terrible mais prenante. Le premier tome de Sigurd passionne indubitablement et gêne tout autant. Les scènes à la barbarie assumée s’accumulent, le sang se verse et les victimes hurlent. Innocents et coupables s’agglutinent sous les pas lourds d’un Sigurd en proie à de terrifiants tourments intérieurs.

Le vocabulaire choisi, les tournures de phrases, la place des mots, la poésie et le lyrisme des formulations… Tout laisse à apprécier le travail de l’auteur. Il nous offre une écriture riche qui s’adapte à merveille à cet univers brumeux. Dans ce récit, les dialogues ne laissent pas indifférents. Ils mettent en scène des figures incroyables, des personnages au charisme indéniable et aux messages profonds, qui vous restent longtemps en tête après la lecture. Sigurd rencontre des voyageurs mystérieux, aux paroles pleines de sens et de philosophie, pleines de grâce et d’énigmes.

Sigurd lui-même change après chaque rencontre, doute et se remet en question. Le roman nous conte une aventure pas comme les autres, une épreuve délicate et une destinée peu engageante que le héros souhaite achever malgré lui. Les mots nous transpercent telles les lames affutées des personnages. L’auteur nous partage sa sagesse, ses propres réflexions et son goût pour les récits épiques. Des histoires qui nous élèvent et qui nous donnent la force de croire en un monde meilleur.

Tout comme dans de bons récits mythologiques, le roman ne manque pas d’inviter les dieux à l’aventure. Le lecteur les perçoit tels qu’ils sont : fatalistes, cruels, ambitieux, perfide, malsain, avide et manipulateur. Odin n’a pas besoin de Loki pour se montrer froid. Loin de là. Certaines scènes plairont aux amoureux des histoires nordiques ; ils y reconnaîtront les bêtes monstrueuses et les divinités secondaires qui parsèment habituellement les neuf mondes. Les dieux n’envahissent pas le roman. Au contraire, ils le complètent et l’enrichissent sans enlever à Sigurd son rôle de personnage principal.

L’histoire fascine par son point de vue original et son ton dur. Malgré des scènes violentes et froides, l’histoire reste bien rythmée, grâce à une alternance entre des passages sombres et des instants plus doux, mélancoliques, donnant matière à analyser plus avant le cours de la vie. L’auteur a su nous donner à lire une aventure construite avec intelligence, plaisante à suivre, même si les âmes sensibles devraient peut-être s’abstenir. Le premier tome de Sigurd nous enchante à tel point que la suite annoncée s’avère drôlement alléchante. Le royaume des brumes nous appelle… irrésistiblement.

La légendaire histoire de l’anneau des Nibelungen n’a jamais semblé aussi vivace et pleine d’esprit que sous le regard avisé et la plume magique de Federico Saggio. Sigurd est la représentation parfaite d’un héros apeuré par son avenir et par toutes les responsabilités qui alourdissent ses épaules. Mettant de côté la violence, il nous ressemble : nous ne sommes finalement rien d’autre que des humains en perdition dans un univers trop vaste et sans but particulier, si ce n’est celui de vivre.

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