- Des tableaux grandioses, toujours en crescendo
- Un univers solide mélangeant histoire, religion et magie
- Les personnages manquent parfois de relief
Paul Beorn s’est imposé dans le paysage francophone comme l’un des meilleurs auteurs de fantasy de sa génération avec son roman Le septième Guerrier-Mage (2015) et surtout grâce à son diptyque Calame (2018, 2021), véritable chef d’œuvre du genre.
Qu’en est-il de l'un de ses premiers romans, Les Derniers Parfaits, paru en grand format aux éditions Mnémos en 2012, réédité en poche dans la même maison d’édition en 2021 ?
L'histoire
Dans une Europe médiévale réinventée, la guerre fait rage. Les troupes catharis, accompagnées de leurs démons, font la guerre au royaume de France. Cristo est fait prisonnier de guerre par l’armée du sud et est enchainé à d’autres détenus. Par miracle, il réussit à s’enfuir avec 3 compagnons auxquels il est toujours – littéralement – liés.
Nous suivons leur fuite éperdue, depuis le royaume ennemi jusqu’en Hispania, où se trouve un prince franc que cette compagnie hétéroclite souhaite convaincre de remonter dans le nord pour défendre le royaume face à l’envahisseur.
Leurs péripéties dépasseront toutefois les réalités pragmatiques de ce monde et de la guerre pour s’élever à un niveau plus élevé : celui d’une lutte du bien contre le mal, sous couvert de magie et de religion.
Notre avis
Véritable page-turner, l’action est omniprésente et on ne s’ennuie jamais ! Le récit est composé d’une série de tableaux narratifs parfois grandioses, comme celui autour de la Casa de juventut, mais dont les résolutions ont parfois l’air quelque peu artificiel (deus ex machina).
Les personnages principaux sont attachants, surtout Cristo le charismatique et Mousse la mystérieuse, et on suit avec intérêt la relation qui se développe entre eux. Ils manquent toutefois parfois de reliefs, à l’instar des autres personnages, ce qui entraîne quelques sentiments de lourdeur dans certains dialogues.
La caractéristique la plus impressionnante de ce roman est son univers, magistralement construit. Celui-ci est inspiré de la France médiévale et, en particulier, des mouvements religieux cathares.
Dans le royaume franc, la population est adepte d’un catholicisme teinté d’animisme : chacun possède un animal totem qui lui confère des petites magies, mais la puissance divine transcendantale reste Dieu. Au sud, le roi Lobogre a dénaturé la religion cathare, qui, dans sa version « pure », est représentée encore par quelques « Derniers Parfaits » et en a poussé les vices jusque dans les extrêmes : diabolisation de la sexualité entrainant la séparation des hommes et des femmes dans la société, invocations de démons à partir de rituels sanglants, etc.
L’histoire et la géographie, de manière générale, ont également subi quelques modifications qui donnent au récit une saveur très fantasy : Hispania, l’Espagne, est maintenant une île sous le contrôle des maures, qui sont « mahométans » et une civilisation passée disparue, qui fait penser à l’empire romain, continue d’avoir une influence sur le présent à travers les malefica, des objets recelant un pouvoir magique, qui ne peuvent être activés que par quelques élus.
On ne peut s’empêcher de comparer ce roman aux œuvres ultérieures de l’auteur. En ce sens, il est évident que ce n’est pas sa création la plus aboutie. Les Derniers Parfaits constitue néanmoins un excellent divertissement et une excellente réécriture de l'Histoire. Ce roman est à mettre dans toutes les mains de ceux qui brûlent pour la fantasy historique.