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Critique - The Witcher, Saison 2 : Destiné au succès !

Par Willow - William
5 min 10 janvier 2022
Critique - The Witcher, Saison 2 : Destiné au succès !
On a aimé
- De meilleurs décors et costumes.
- Des personnages saisissants, nuancés, complexes.
- La dynamique entre les sorceleurs.
- Un juste équilibre entre intrigues politique et personnelle.
- Le jeu d'acteur toujours au sommet.
On n'a pas aimé
- L'intrigue des derniers épisodes avance un peu à tâtons.
- Encore quelques maladresses dans le scénario et dans l'enchaînement des actions...

En 2019, la série The Witcher de Netflix marquait les esprits. D’une fidélité remarquable à l’œuvre originale, l’adaptation ne rougissait pas de ses qualités de pure fantasy, avec ses mages, ses mutants et ses monstres. Cette année, le Loup Blanc, son enfant-surprise et la sorcière aux yeux mauves reviennent pour la suite de leurs aventures, plus épiques, plus approfondies et plus généreuses. Les graines d’une longue quête sont plantées !

Adapter la première salve de nouvelles d’Andrzej Sapkowski, Le Dernier Vœu, n’était pas une mince affaire. Ses récits, chronologiquement dispersés et connectés par des liens plus ou moins ténus, rendaient originale la trame narrative de la première saison, quoi que parfois fastidieuse à suivre pour les moins attentifs. Mais l’ensemble, livré avec brio par la créatrice de la série Lauren Schmidt Hissrich et un casting aux petits oignons, pouvait se targuer d’être un pur produit de dark fantasy, fier de ses attributs, en dépit d’un budget manifestement limité.

La bonne recette

La seconde saison reprend les mêmes ingrédients de ce succès, et nous mijote un délicieux plat de résistance, avec une maîtrise et une propreté – ce nous semble – globalement supérieure à la première itération. L’intrigue met le pied au plancher, car cette fois-ci, les scénaristes ont choisi d’adapter, en plus de quelques nouvelles, le troisième tome de la saga du sorceleur, Le Sang des Elfes, et on comprend pourquoi. Tout au long du premier volet de huit épisodes les trois protagonistes, Geralt de Riv, la princesse Cirilla et Yennefer de Vengerberg, vaquaient chacun à leurs occupations. Cette deuxième salve d’épisodes fait converger les chemins pour de bon, et il est plaisant d’enfin les voir interagir en profondeur et commencer, peu à peu, à poser les fondations de leur cellule familiale trinitaire, imposée par le destin.

Les deux premiers épisodes de cette saison 2 sont irréprochables à bien des égards. Rythme parfait, photographie léchée, décors, costumes et effets spéciaux immersifs… le tout, saupoudré d’un jeu d’acteur remarquable et d’enjeux auxquels le spectateur peut très vite s’identifier, à travers un discours plus que jamais pertinent. Quel plaisir de découvrir le Nivellen campé par Kristofer Hivju, presque méconnaissable sans son iconique barbe, mais brillant dans sa prestation shakespearienne du personnage ; ou encore d’assister à la réunion des sorceleurs et de Vesemir à Kaer Morhen. C’est l’accomplissement d’une fantaisy, littéralement, pour les fans de longue date de cet univers.

Puis, l’intrigue avançant, on retrouve, au détour d’une scène d’action qui tire en longueur ou d’une conversation un peu trop alambiquée, cette étrange maladresse que l’on connaissait à la première saison. Le thème de la marginalisation et du rejet de la différence, au cœur de l’essence de The Witcher, est parfois laborieusement abordé, avec un certain manque de subtilité. De même, l’enchaînement de quelques péripéties est de temps à autre exagérément commode. Rien de grave, cependant, car The Witcher profite de cet aspect parfois bricolé, qui fait aussi son sel.

 

Être ou ne pas être fidèle à l’œuvre originale

Se pose alors l’éternelle question : être ou ne pas être fidèle à l’œuvre originale ? Car les scénaristes prennent quelques libertés dans cette adaptation, acceptables pour les moins regardants, mais qui feront grincer des dents les puristes. On pense notamment au sorceleur Eskel, dépeint à l’opposé du personnage calme et sympathique des livres, et au sort qui lui est réservé ; ou encore à « l’antagoniste » Voleth Meir, pure invention de la série, qui vient combler l’absence d’ennemi clairement identifiable dans le tome duquel cette saison est l’adaptation.

En effet, Le Sang des Elfes est avant tout centré sur l’évolution des relations entre les personnages de Sapkowski, mais la showrunneuse et son équipe ont choisi d’épicer l’intrigue avec une menace plus immédiate, plus manifeste. Si le choix est compréhensible, on espère simplement que les scénaristes ne perdront pas de vue la globalité de la trame et, cheminant vers les enjeux plus larges de la suite, qu’ils n’altèreront pas trop les péripéties de Geralt, Ciri et Yennefer. Car il apparait que cette saison 2 est à son « plus faible » quand elle s’éloigne de l’intrigue originale. Et les deux derniers épisodes donnent l’impression d’avancer à tâtons, de progresser hasardeusement. Attention, aussi, de ne pas trop user de Ciri qui court, de Ciri qui crie, ou de Geralt qui lui répète qu’il croit en elle. Ces scènes, fragiles et longuettes, ne sont ni les plus intéressantes, ni les plus exaltantes, et donnent parfois l’impression de ne servir qu’à gonfler la durée de l’action.

 

Immersion dans le Continent

Côté décors et costumes, la saison 2 fait un bond de géant en avant. Les Nilfgaardiens ont troqué leurs horribles armures fripées pour de véritables harnois de qualité. Geralt, les sorceleurs et Ciri n’ont pas non plus à rougir de leurs tenues. Et tous les personnages évoluent dans des environnements magnifiques ; les villes et villages sont plus organiques, plus vivants et touffus, de sorte que nous n’avons plus cette impression de faux que dégageaient parfois les décors de la première saison. Enfin, on profite avec plaisir d’un plus grand nombre de plans larges, de Kaer Morhen à Cintra en passant par Gors Velen, qui permettent de mieux situer l’action et d’être pleinement immergé dans le monde du Continent.

Cette immersion passe aussi par une très bonne maîtrise de l’exposition. Les scénaristes mettent un grand soin à la disperser tout au long du récit, semant d’ores et déjà les graines des menaces à venir dans les futures saisons, comme la Chasse Sauvage et la Flamme Blanche de Nilfgaard. Enfin, puisque la trame narrative est cette fois-ci linéaire, le spectateur est plus aisément propulsé au cœur de l’intrigue, du conflit et de ses multiples facettes ; la lutte pour la survie des Elfes, la rivalité entre le Nord et le Sud, et la quête pour comprendre le secret qui sommeille en Ciri.

À la croisée de l'intrigue et des émotions

On dit que les sorceleurs n’ont pas d’émotions

Mais The Witcher, c’est un tourbillon d’émotions, de personnages en conflit avec eux-mêmes et les autres. Henry Cavill nous propose ici un Geralt de Riv un peu moins monolithique, qui commence à développer sa fibre paternelle, et qu’on voit comme un homme de famille, avec ses frères sorceleurs à Kaer Morhen. Kim Bodnia, quant à lui, campe à la perfection un Vesemir bienveillant mais torturé, dont le cœur saigne à chaque fois qu’un de ses « fils » manque à l’appel. Yennefer et Tissaia voient leur relation devenir plus expressive, plus forte, et on est même surpris par l'alchimie insoupçonnée qui se créé entre la sorcière et Jaskier, le barde aux répliques cinglantes et aux compositions toujours aussi entraînantes. On se prend aussi très vite d’affection pour une Ciri combattive qui cherche sa place dans un monde n’aspirant qu’à l’exploiter, ou à la rejeter ; la jeune fille brille bien plus ici que dans la saison 1, où sa prestation était entachée par la redondance de ses multiples scènes de fuite dans la forêt. C’est donc une saison d’approfondissement et de nuances ; les personnages y sont complexifiés, leurs diverses facettes explorées et on comprend mieux les dynamiques qui régissent leurs interactions, leurs réactions, leurs ambitions.

Les ambitions des personnages sont d’ailleurs au cœur de la seconde saison, qui prend le temps de poser les bases d’une intrigue tentaculaire, en dessinant l’horizon politique du Continent. Cet échiquier est habité de pions hauts en couleur ; des sorcières déterminées et des rois manipulateurs. La frontière entre les camps se faisant plus floue qu’à première vue. Mention spéciale pour le comte Dijkstra incarné par Graham McTavish, dont on a hâte de voir les manigances à l’avenir. Enfin, toutes les lignes convergent vers une certaine révélation, qui surprendra les profanes et satisferont les connaisseurs. Celle-ci survient bien plus tôt que dans les livres, certes, mais cela semblait inévitable pour une adaptation à l’écran de l’histoire. Vivement la suite.

Après un film d’animation, deux saisons pour la série principale et une série spin-off prévue pour début 2022, The Witcher est lancé sur les chapeaux de roue. L’amélioration sensible de la qualité générale du show avec cette seconde saison laisse présager un avenir radieux pour les aventures du sorceleur, à condition bien sûr de ne jamais trop s’éloigner de l’œuvre originale et de ne pas perdre de vue son essence, grise et torturée.