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Critique - Derniers jours d'un monde oublié (Chris Vuklisevic) - Un premier roman EXCELLENT, entre isolement et révolution !

Par Louis - CINAK
3 min 5 avril 2021
Critique - Derniers jours d'un monde oublié (Chris Vuklisevic) - Un premier roman EXCELLENT, entre isolement et révolution !
On a aimé
- Les notes avant chaque chapitre
- Les 3 points de vue et leur évolution, surtout La Main
On n'a pas aimé
Rien à dire

Le Navire de Kreed avait fait visiter à Erika tous les rivages des continents. Mais ce soir-là, au fond des cellules rouges, elle découvrit en une heure plus d’étrangetés que sur n’importe quel continent

Derniers jours d’un monde oublié est le premier roman Chris Vuklisevic. Chose assez rare pour Folio SF, ce texte est un inédit ! En effet, il a remporté le concours organisé pour les 20 ans de la collection ! Et ils ne se sont pas trompés, ce livre est splendide et prenant. Sous couvert de l’arrivée d’étrangers sur une île isolée, l’autrice nous brosse le portrait de 3 personnages qui vont être chambouler par cette découverte et qui vont évoluer au gré des événements retentissants qui jalonnent le livre.

Trois siècles plus tôt, un cataclysme gigantesque a ravagé le monde et l’île de Sheltel, au centre du monde, se croit la seule rescapée. Pourtant, un navire pirate accoste un jour sur leur rivage. Pour les différentes factions qui luttent pour le pouvoir sur l’île, les étrangers présentent tant une opportunité qu’une menace. Certains manipuleront les foules pour détourner leur attention de leurs propres crimes, quand d’autres chercheront à gagner les faveurs de ces nouveaux arrivants, source de richesses possibles.

A travers le point de vue de 3 personnages majeurs pour l’histoire, l’autrice nous réserve de belles surprises et des mentalités toutes bien trempées. Erika, la pirate, l’étrangère, incarne le lecteur qui découvre cette société étrange fait de rites et de pouvoirs surnaturels. Arthur Pozar, le milliardaire, reflète l’opportunisme capitaliste, qui voit dans ces pirates une nouvelle source de revenus, quitte à bafouer certains principes. Et enfin, la Main,celle qui donne la Mort sur l’île et qui régule les naissances, bien trop souvent consanguines, et qui personnifie la tradition et la peur du changement. Car comment avoir peur de la consanguinité si des « gènes » frais arrivent des continents extérieurs : La Main se fait la voix de la légitimité ébranlée. Des dizaines d’autres idées sont esquissées par l’autrice comme le conflit perpétuel pour l’eau, la cruauté des régnants et des politiques à la Machiavel qui servent le Peuple, quitte à le priver de certains droits.

Loin de rester dans leurs idées reçues, les personnages vont progressivement se transformer, se glisser dans denouveaux concepts car la découverte de l’île est inéluctable. C’est l’une des forces du livre : la progression des personnages. Toujours en cohérence avec les événements, les points de vue évoluent lentement mais sûrement jusqu’à arriver à une conclusion qu’on aurait pu prévoir mais à laquelle on se dit « c’est bien tout de même ! ». Je suis convaincu qu’à une seconde lecture, il y aurait encore nombres de références qui nous auraient mis la puce à l’oreille.

L’autre force du récit est sa structure. Il est articulé sur seulement quelques jours, donnant l’impression que le rythme est effréné, pourtant nombres d’événements se passent sans l’intervention des personnages. Car oui, le monde vit au-delà des protagonistes et non autour d’eux. Avant chaque chapitre, des petites notes, rédigées comme des télégrammes, des articles de loi ou de journaux, apportent des éléments de Lore et alimentent le récit. Ils nous dressent le portrait en une seule et unique page d’une ambiance qui pourra impacter le personnage et qui nous décrit inconsciemment les lieux. Le style est, de fait, sans fioritures, et on apprécie ! Ces notes font tout le travail d’exposition de l’univers, ce qui allège un récit qu’on aurait pu attendre fourre-tout pour un premier roman. Chapeau donc car belle pirouette !

 

Derniers jours d’un monde oublié est un pari réussi pour Folio SF. Chris Vuklisevic a, en moins de 400 pages, créé un univers complexe et profond qui marque par sa maturité et son réalisme. Ses personnages sont touchants et peints d’une manière très humaine, avec leurs peurs et leurs ambitions. Je ne peux que comprendre Folio SF d’avoir accordé sa confiance à ce texte, il est splendide, vif et indéniablement novateur. 


Sur le site de l’éditeur :http://www.gallimard.fr/Catalogue/GALLIMARD/Folio/Folio-SF/Derniers-jours-d-un-monde-oublie

Où le trouver : https://livre.fnac.com/a15606401/Chris-Vuklisevic-Derniers-jours-d-un-monde-oublie

Crédit Illustration : Alain Brion pour Folio SF