Il est de ces romans dont la beauté ne se dévoilent pas au premier venu. Eux, roman d'anticipation à l'esprit orwellien écrit par l'autrice Kay Dick en 1977, jusqu'à alors inconnu sur nos contrées littéraires, est de ce genre là.
Kay Dick ne vous dit très certainement rien, et pourtant : elle est la première femme à être devenue éditrice en Angleterre, et aura notamment édité George Orwell ! Peu conventionnelle dans sa manière d'être et d'écrire, elle refusa toute sa vie d'être cantonnée à son sexe, et chercha à proposer une vision avant-gardiste de la littérature de l'imaginaire.
L'histoire
Édité par Le Livre de Poche dans un format semi-poche, Eux relate l'histoire d'une perte. Celle de la culture et des arts humains, dérobés par une poignée d'êtres devenant rapidement des millions, annihilant avec discrétion toutes formes d'arts et de création...mais aussi toutes formes d'émotion. Les célibataires sont enlevés, les artistes voient leurs œuvres détruites... L'âme humaine est à l'abandon. Rapidement, une résistance s'installe et tente tant bien que mal de survivre dans un havre de paix... Mais pour combien de temps encore cette paix sera-t-elle accessible ?
Notre avis
Avec Eux, l'autrice Kay Dick éclate les unités de lieu et de temps en alternant les points de vue, au travers d'un agglomérat de neufs récits situés dans le même univers. Le fait de n'avoir aucune véritable introduction ou conclusion donne lieu à une première lecture particulière, mais pourtant profondément marquante. Le récit, teinté de contemplation, prend place dans un cadre côtier, ancré dans une ambiance fleurant bon le sel marin et les fleurs séchées.
La menace, quant à elle, s'éloigne des canons standard du récit dystopique, car si elle est bel et bien présente, elle émane de façon discrète, presque éthérée, sous la forme d'un "ils" omniprésent. Et pourtant, elle frappe, durement, pillant les cœurs et l'âme des artistes, extirpant ainsi toute once d'humanité. La plume de Kay Dick pourra en rebuter plus d'un, de par sa narration éclatée et le fait qu'elle ne brosse jamais de portraits développés de ses personnages, mais elle mérite quand même votre attention, tant elle est unique.
Ce récit dystopique, perdu pendant de nombreux années, est réapparu sur nos côtes littéraires chez Le Livre de Poche, dans un somptueux format semi-poche, et il est à mettre entre toutes les mains !