• Musiques, costumes, direction artistique générale
• Porté par ses (vrais) bons moments
• Elle Fanning et Alex Sharp
• Dense, bavard et complexe sans bonnes raisons
• La métaphore du punk s'intègre mal
• On se perd
Si le fantasme de la rébellion punk continue d'agiter les amateurs modernes d'idées révolutionnaires et de culture rock, le cinéaste John Cameron Mitchell prévient : l'iconographie du mouvement n'est qu'un hasard du calendrier. How to Talk to Girls at Parties n'a pas été pensé comme une fresque sur la génération "no future", son cuir, ses piercings et ses riffs désaccordés - il n'est, d'après son auteur, qu'une gentille comédie romantique anglaise, avec des ados, des extra-terrestres et des ados extra-terrestres.
Punk is Dead ?
Le pitch fou de cette adaptation est pourtant bien plus approfondi que la nouvelle de Neil Gaiman dont il est tiré. Un récit simple pour imager l'idée du gap que peut représenter le genre, ou qu'il a en tout cas représenté pour l'écrivain. Gaiman l'explique assez souvent, nombre de ses oeuvres sont auto-biographiques et celle-ci ne fait pas exception. Mais là où John Cameron Mitchell respecte la partie qui traite de la vie véritable de l'auteur, il enrichit son film de variations très personnelles sur la révolte et l'éveil sexuel la jeunesse en général.
Des idées forcément curieuses quand l'auteur a dans son track record le défouloir sexuel Shortbus, une jeunesse dissolue aux quatre coins du globe et un amour qu'on croirait plus sincère pour David Bowie que pour les Sex Pistols ou les Ramones. How to Talk to Girls at Parties en ressort comme une oeuvre très curieuse, très inégale, où on imaginerait le réalisateur amener un film tout à fait différent à un studio qui ne cherchait qu'à adapter une nouvelle anecdotique de Gaiman, et rendre le tout furieusement bordélique. En un sens, le patchwork, c'est punk, remarquez.
I Wanna be your Boyfriend
How to Talk to Girls at Parties raconte comment un jeune homme nommé Enn, campé par Alex Sharp, une sorte de jeune Hugh Grant des années '70, sort avec un trio d'amis amateurs de rock punk pour séduire les filles. Au fil de la nuit, ils se trompent de point de rendez-vous et tombent sur une maison occupée par une colonie alien en visite, où Enn fait la rencontre de Zan, interprétée par Elle Fanning. Rebelle elle aussi, elle fait le mur et passe quarante-huit heures avec Enn et ses amis dans un déroulé classique de romance adolescente.
L'introduction présente ses héros de manière brouillonne, avec une structure classique de groupe inoffensif : le timide, le marrant et le frimeur. Un procédé d'écriture classique qui choisit généralement le timide pour héros en jouant sur la psychologie d'identification du public. Avec les éléments d'une biographie inavouée de Neil Gaiman : Enn est dessinateur, aime la bande-dessinée et deviendra dans un flash forward un véritable hommage vivant rendu à l'auteur de la nouvelle. Zan est présentée de façon expéditive, puisque le film s'intéresse à d'autres idées, ses héros ne sont que des véhicules et leur romance avance toute seule au mépris des faits ou du rythme.
Plusieurs scènes ont vocation à faire rire le spectateur, ou à le perdre dans un amas de jargon cosmique sur l'identité des aliens, leurs civilisations ou leur philosophie. Jamais vraiment claire, cette partie ressasse énormément, accumule les moments confus, les longueurs et les passages verbeux plutôt inutiles. La métaphore est assez simple - Zan recherche le punk parce que, comme Enn, elle est une jeune en révolte contre une société vieillissante et archaïque qui préfère ses traditions à la liberté de choisir ou d'aimer. A partir de là, savoir comment mangent, dorment ou se reproduisent les aliens a assez peu d'intérêt, et c'est pourtant bien ce qui semble fasciner le réalisateur.
There's a Starman waiting in the sky
Se forme vite un joli brouhaha de moments inutiles, souvent beaux, souvent longs. Les personnages s'accumulent sans raisons. Boedica (Nicole Kidman) soulève quelques idées politiques - peut-être celles de Sandy Powell, responsable des costumes - et d'autres deviennent simplement des figures de remplissages, dans un ensemble long et très mal rythmé. L'ennui s'installe et ne se récupère que sur une esthétique soignée, parfois très inventive, et une direction artistique saisissante à tous les niveaux.
Mitchell cherche une exagération dans le psyché' via les décors, les lumières et les superbes costumes. Les extra-terrestres piochent, eux, dans une esthétique des années '60, depuis le mobilier, les rituels de groupe. Une sorte de mélange entre l'esprit d'avant-garde et la culture hippie qui développe deux héritages : celui d'un discours cosmique saupoudré de LSD et celui d'un message sur l'amour façon flower power. Contemporaine des années Ziggy de Bowie, l'action du film ressemble moins à un hommage aux Sex Pistols qu'à celle de l'artiste aux araignées martiennes, quoi que Mitchell aille même parfois plus loin dans l'idée d'un amour métaphysique.
La direction artistique générale est une franche réussite, depuis le choix des décors, du grain, du rythme de certaines scènes ou de l'habillage musical très réussi. Une bien belle aventure qui ne fait que surligner le défaut d'un montage qui n'aura pas su choisir entre l'utile et le dispensable. Mais une bien belle aventure tout de même.
En définitive, How to Talk to Girls at Parties serait une oeuvre généralement agréable, malgré la confusion de ses idées et de ses différents messages. Portée par les jolies scènes entre Alex Sharp et Elle Fanning, le film a tout de la bête de festival que personne n'aura cherché à recadrer. En se perdant dans ses idées, ne sachant pas quoi choisir entre un message sur la parentalité, l'amour, la rébellion, il se permet de tout traiter dans un grand capharnaüm dont on arrive à déceler de vrais moments de sincérité.
Un grand ensemble alourdi par des fautes d'écriture dans les trois catégories : jamais vraiment cosmique, jamais vraiment romantique (quoi que jolie, cette histoire va trop vite) ni vraiment fidèle à ses idéaux premiers ou à l'oeuvre d'origine, il en ressort un bien joyeux bordel et une vraie curiosité. Suffisamment pour qu'on le regarde, pour le talent de ses acteurs, ses réussites de mise en scène et son aspect de grand opéra rock, mais pas forcément assez pour qu'on le retienne autrement que comme une curiosité. En somme, une façon assez splendide de se prendre les pieds dans le plat, et on aimerait quelque part que toutes les plantades aient ce charme authentique, ce délire assumé.