Robert Jackson Bennett, la plume à l’origine du monstrueux American Elsewhere et de la somptueuse trilogie des Maîtres Enlumineurs, revient avec un nouveau roman. Au vu du pedigree de l’auteur, autant dire que l’attente fut longue et le plaisir palpable lorsque vint le moment de tourner les premières pages. Mais alors, est-ce que La Cité des marches tient toutes ses promesses ? La ville de Bulikov saura-t-elle fasciner le lecteur autant que Tevanne ? C’est ce que les éditions Albin Michel nous proposent de découvrir.
L’histoire
Pendant des siècles, Saypuriens et Continentaux se sont livré des guerres acharnées. Massacres, esclavages, appropriation des terres… Le carnage a pris fin lorsque Saypur a découvert un moyen de tuer les divinités qui protégeaient le Continent. Aujourd’hui, le gouvernement Saypurien administre les terres de son ennemi et Bulikov, sa plus grande cité, celle qui réunissait le talent et le pouvoir de tous les dieux, n’est plus que l’ombre d’elle-même. Seul témoignage du passé dévot de la ville : les immenses escaliers brisés qui semblent s’élever vers le ciel, comme pour communiquer avec les divins. C’est dans cette cité, où mentionner le nom d’un dieu est désormais un crime, que se rend Shara Thivani, une agente saypurienne, afin d’enquêter sur la mort mystérieuse d’un historien renommé.
Malgré les efforts de Saypur pour effacer toute religion, le Continent n’a pas oublié son passé divin et dans l’ombre son peuple espère toujours le retour de ses dieux. Certains sont même prêts à tuer pour ça…
L’avis d’Alex
Le récit, qui pourrait passer pour une véritable fable de fantasy historico-mythologique, flirte aussi avec le polar, voire l’espionnage : Shara Thivani a ce petit mélange d’Indiana Jones et de James Bond qui la rend irrésistible ! Et que dire de Sigrud, son secrétaire ? Un personnage haut en couleur et clairement l’un des meilleurs seconds rôles de la littérature. Lui aussi s’extirpe de sa carapace de brute épaisse pour se révéler bien plus complexe et intéressant que ce que son introduction aurait pu laisser supposer.
On reconnait donc l’un des grands talents de Jackson Bennett, celui de savoir écrire des personnages. En particulier les femmes qui ne sont jamais ni potiches ni invincibles. L’autre grand talent de l’auteur, c’est d’être capable de créer des univers atypiques, jamais manichéens, et qui font souvent office de réflexion sur notre propre société. Ici, difficile de prendre parti pour l’un ou l’autre des deux camps, tant leur histoire est complexe et leurs torts nombreux.
Est-ce que La Cité des marches est une réussite ? Incontestablement.
On y retrouve des thèmes qui étaient déjà chers à l’auteur dans la saga des Maîtres enlumineurs : discrimination, révolte, inégalités technologiques, castes… Avec un mélange d’ambiances indo-européennes des plus inspirées.
Enfin, gageons que si le roman peut tout à fait se lire comme un tome unique, les deux autres récits de l’univers, City of Blades et City of Miracles, qui n’ont pas encore été traduits en France, viendront sans doute bientôt enrichir et compléter un monde déjà foisonnant.
La Cité des marches est à explorer chez Albin Michel !