- La complexité du personnage du capitaine Harris
Quel militaire ne rêverait pas d’avoir plusieurs vies ? Qui n’aimerait pas ne pas risquer sa vie dans la bataille car son corps ne s’y trouverait pas en réalité ? C’est ce que propose Jamie Sawyer dans la saga Lazare en guerre, un space opera militaire écrit il y a quelques années qui a reçu un très bon accueil en Angleterre. Les éditions L’Atalante et Le livre de Poche ont fait le pari de se lancer dans une traduction française. Alors, Lazare en guerre rencontrera-t-il un même succès en France ? L’Artefact, le premier tome de la saga, nous le dira…
L'histoire
Depuis des dizaines d’années, les humains de l’Alliance sont en guerre contre le peuple Krell, des extraterrestres venus d’une galaxie inexplorée par les humains. Si ces derniers possèdent des avancées technologiques de pointe, les Krells ont l’avantage des mystères de la biologie. L’équipe des SimOps, une poignée de soldats utilisant des simulants - c’est-à-dire des clones de guerre augmentés -, est envoyée pour une mission spéciale sur une planète à l’orée de la galaxie krelle. L’objectif de la mission est de sauver une ancienne équipe humaine déjà présente sur les lieux mais aussi de comprendre ce qu’est l’Artefact, un bâtiment si imposant qu’il est visible depuis l’espace.
Les simulants, une version futuriste de Lazare de Béthanie ?
Dans le titre, le résumé et de nombreuses fois dans le roman, Conrad Harris est surnommé “Lazare”, qui fait référence au personnage de Lazare de Béthanie, dans l’Evangile, connu grâce à sa résurrection qu’il doit à Jésus. Par cette référence lointaine, il faut comprendre que le capitaine Harris revient irrémédiablement à la vie à la fin de chaque mission, même les plus désespérées ; ou plutôt “ressuscite” à la fin de celles-ci étant donné qu’elles se soldent presque toutes par la mort. En réalité, toute l’équipe SimOps devrait être surnommée Lazare car le principe des simulants est de pouvoir mourir sans risque lors des missions militaires, puisque le corps des soldats reste à la base militaire pendant que leur esprit prennent possession de corps aux capacités exceptionnelles, corps qui partent eux en guerre. Si ces simulants se retrouvent détruits dans la bataille, les soldats s’en sortent bien au chaud car ils se trouvent en réalité à la base.
Cependant, il est souvent considéré que la résurrection du Lazare évangélique s'interprète comme une première étape vers la mort. Nous retrouvons ce phénomène dans L’Artefact, mis en avant notamment lors des monologues internes de Conrad Harris quand il se rend compte qu’il devient accro au passage entre la vie et la mort produit par les simulants et qu’il en oublie de vivre dans la réalité. Une problématique qui peut s’adapter à plein de situations, notamment de nos jours… Mais d’un point de vue plus scénaristique, cet espèce de cheat code amène le gros défaut d’une absence de tension dramatique lorsque les personnages se retrouvent dans leur simulant. En effet, s’ils n’ont plus peur de la mort et qu’ils deviennent des humains surdéveloppés, pourquoi craindre qu’il leur arrive quelque chose ? Cette faiblesse est malheureusement inhérente au concept de base de ce space opéra.
Que vaut réellement l’intrigue et la mission Clef-de-voûte ?
L’intrigue de l’Artefact s’annonce simple dès le début : une équipe militaire est envoyée en mission de sauvetage sur une planète inconnue. En quelques centaines de pages, il ne se passe en réalité pas grand chose, l’histoire étant plutôt linéaire et ne s’éparpille pas dans de multiples intrigues secondaires. Cependant, sa construction n’en est pas moins intelligente car Jamie Sawyer manie à la perfection les moments de pause et la tension dramatique des différentes révélations et retournements. Et des retournements, il y en a dès le début pour notre plus grand bonheur. La complexité s’invite dans l’intrigue par couche et non par un climax à la fin du roman.
De plus, une fois n’est pas coutûme dans un roman de science fiction, nous avons un narrateur à la première personne : le capitaine Conrad Harris lui-même. De cette façon, nous avons accès à chacune de ses émotions et de ses pensées, ainsi qu’à ses souvenirs qui permettent au lecteur de mieux comprendre ses choix et ses motivations. J’ai particulièrement apprécié son évolution, à partir de son acceptation dans l’équipe SimOps jusqu’à sa chute avec l’addiction des simulants et sa tentative de récupérer le temps perdu. Cependant, ce type de narrateur a aussi un mauvais côté : il ne permet pas de développer les autres personnages. Pourtant, tous les membres de SimOps, Jenkins, Martinez, Kaminski et surtout Blake, auraient mérité qu’on s’intéresse de très près à eux.
Pour résumer, le premier tome de Lazare en guerre, L’Artefact est un très bon premier tome qui annonce une excellente suite. Si j’aimerais en savoir davantage et avoir plein de détails supplémentaires, les bases sont cependant très solides.
Lazare en Guerre, L’Artefact de Jamie Sawyer est disponible aux éditions Livre de Poche ici