1.
| L’Empire ultime de Brandon Sanderson : bâtir un mythe
Tout le monde connaît Brandon Sanderson (l’homme qui lève des millions de $ en Kickstarter) mais connaissez-vous la saga qui l’a « découvert », lui et ses systèmes de magie étonnants : Fils-des-Brumes ?
Dans une ambiance frisant avec le steampunk et le 19ème siècle, Fils-des-brumes suit une compagnie de voleurs à l’ambition dangereuse : renverser l’empereur de l’Empire Ultime, tyran immortel. En compagnie de Vin, une orpheline à l’ascendance noble, ce qui lui permet de manipuler l’allomancie (la magie des métaux), nous découvrons une capitale enfumée où les skaa, les esclaves sont à la solde des nobles.
Mais surtout, nous rencontrons Kelsier, celui qui survécut aux mines-prisons de l’empereur grâce à ses pouvoirs allomanciens, et qui depuis voue une haine féroce à la noblesse. Excellent voleur, il initiera Vin à toutes les subtilités du métier et échafaudera des plans incroyables pour saper l’autorité de l’empire. C’est d’eux et que de quelques rebelles que naitra le soulèvement qui semble impossible tant l’Empire est puissant. Fils-des-Brumes est un sacré roman car il nous plonge dans le désespoir des personnages et nous fait vivre des réussites rocambolesques, le tout au cœur des opérations !
La camaraderie prime dans cette bande de voleurs qui n’hésite pas mener des actions coup de poing et à prendre des risques invraisemblables afin d’attirer l’attention des puissants pour permettre à un petit commando d’assaillir nobles et empereur dans des duels magiques extrêmement bien écrits. Dans Fils-des-brumes, le sens du sacrifice et le goût du risque prennent tout leur sens !
Durant tout le roman, le personnage de Sazed, un précepteur d’une race différente de celle de Vin et de Kelsier, apportera une caution philosophique et morale au roman. A travers sa voix, l’auteur s’exprime sur la création des mythes, tant celui de l’empereur que de la rébellion, et les épisodes qui permettent à un peuple d’espérer ou de se laisser opprimer. Brandon Sanderson pousse parfois la réflexion très loin et de prime abord les propos nous semblent hors contexte, puis vient le dénouement de ce premier tome qui vient emboiter tout cela ! Une vraie réussite scénaristique et stylistique !
2.
| Sharakhaï de Bradley Beaulieu : les rebelles du désert
Ahhh Sharakhaï ! Une des plus belles sagas de fantasy des dix dernières années ! Au cœur du désert se niche la cité de Sharakhaï, belle, envoûtante, lumineuse et dominée par douze tyrans : les rois immortels de Sharakhaï. Çeda, l’héroïne, ne vit que pour tuer ces monarques qui sont à l’origine de la mort de sa mère. Toute sa vie est dictée par cet unique but.
Gladiatrice, messagère doublée d’un métier de tire-laine, elle se retrouve au cœur d’une lutte entre plusieurs factions qui cherchent à renverser le règne plus que centenaire des rois. Il y a d’abord les pays qui entourent le désert et qui convoitent ce carrefour commercial inestimable (des pays qui rappellent la Chine, l’Inde, la Perse ou encore des contrées d’Afrique centrale) et qui ne reculent devant rien pour soutenir discrètement les rebelles et les tribus de nomades qui assaillent les navires royaux. Puis évidemment les rebelles, les Hôtes sans lune, qui sont eux-mêmes tiraillés de l’intérieur par l’envie de négocier et de mener des actions sanglantes.
Çeda, elle, est un électron libre qui papillonne entre tous ses mouvements car elle est une pièce importante dans l’échiquier politique (je tairais le twist pour ne pas vous gâcher la surprise) et interagit avec toutes les strates de la société. Elle permet à nous, lecteurs, de se confronter à chaque faction d’un point de vue extérieur et aussi de se frotter au pire de ce que chacune propose.
Son ancien amant, Emre, lui s’est voué corps et âmes à la cause des Hôtes Sans Lune, bien qu’ils soient divisés. A contrario du personnage de Çeda, il nous apporte la touche qu’il faut pour comprendre les enjeux derrière cette rébellion : pauvreté, égo des puissants, répercussions sur la population…
Cycle rempli d’actions, de causes désespérées et aussi de magie, Sharakhaï est réellement l’un des meilleurs récits de rébellion que l’on peut trouver en librairie car chaque tome apporte nuances et nouvelles factions, accentuant la complexité de l’intrigue et la profondeur de l’univers, le tout amené d’une main de maître par Bradley Beaulieu !
3.
| La grâce des rois de Ken Liu : détruire, détruire…
L’Empereur a conquis les Sept Etats par le sang et a massacré les anciennes élites, avec le but louable d’unir les peuples par une même langue, une même culture et une même pensée patriotique. Mais c’était sans compter sur sa peur de la mort, qui l’a conduit à mener des projets narcissiques, toujours plus lourds en hommes et en or. En cherchant à créer l’harmonie des peuples, l’Empereur n’a causé que le désordre et a accentué la précarité de ses sujets. Et c’est dans le désespoir que les peuples se rebellent : quand ils ont faim et qu’ils vivent avec la honte des vaincus. La rébellion veut abattre un tyran qui n’a que quelques années de règne mais qui déjà est faible !
Comme avec Sharakhaï, les factions rebelles s’unissent avec la volonté de renverser l’ordre établi mais chacune possède son propre agenda, et au cœur même de ces groupes les intérêts particuliers de tel ou tel membre peuvent mettre en danger l’édifice entier ! La rébellion n’est pas un long fleuve tranquille ! Le personnage de Kuni Garu est particulièrement intéressant car il ne cherche pas le pouvoir pour lui seul : issu du peuple, il veille avant tout à la sécurité de sa province et de ses hommes. Puis, arrive le moment où le pouvoir est trop grand pour lui et il se laisse submerger par les responsabilités mais aussi les avantages du pouvoir (ce qui donne presque envie de comprendre ses ennemis).
Tandis que le personnage de Mata Zyndu, ancien noble désargenté mais à la lignée honorable, lui cherche la gloire et souhaite rétablir l’« Ancien Régime » où les rois et les reines se répartissaient les Sept Etats. Deux camarades, deux amis que tout oppose mais qui se rejoignent dans la lutte contre l’Empereur. Mais que faire après la victoire ? Quel camp choisir ? Deux conceptions du pouvoir qui vont se heurter dans le sang malheureusement…
La guerre est pleine de rebondissements. Tout cela est rendu possible par le style simple, percutant et sans fioritures de Ken Liu. A la manière d’un G.R.R. Martin, chaque personnage est maître de ses actes et de son destin. Mais il ne sera pas à l’abri des manipulations divines.
La Grâce des rois est un roman exceptionnel où tous les coups sont permis et où les dieux ont encore leur mot à dire sur le destin des citoyens de l’Empire ! Une pépite !