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Dossier – 5 nouvelles voix de la fantasy française à suivre (Partie 2)
Par Louis - CINAK
10 min
4 décembre 2021
Après notre premier dossier, nous ne pouvions vous laisser sur votre faim ! Syfantasy vous propose 5 nouvelles voix de la fantasy française dont il faut dévorer les romans !
Crédit illustrateur : Melchior Ascaride
1
- Hélène P. Mérelle : Poursuite et conquête du trône
2
- Alex Nikolavitch : L’histoire derrière le mythe
3
- Camille Leboulanger : Ecoutez moi vous conter une histoire
4
- Guillaume Chamanadjian : La grande surprise
5
- Ketty Steward : Des légendes créoles à la fin du monde !
1.
| Hélène P. Mérelle : Poursuite et conquête du trône
Voix française qui revient en 2022 avec un one-shot de fantasy antique, Hélène P. Mérelle a fait ses armes avec une première trilogie qui a connu un beau succès : L’automne des magiciens ! Une belle trilogie qui suit une princesse qui s’initie à la magie.
Octavianne a grandi au palais royal avec une sœur qui souhaite la marier contre son gré afin d’assurer la stabilité de la couronne. Ce mariage, elle n’en veut pas, ce qui va la pousser à quitter le palais pour mener une vie d’errance, en quête de quelqu’un qui pourra lui apprendre à maîtriser la magie qui s’est révélée à elle durant sa fuite ! Sauf que les choses n’ont pas simple dans son royaume : seules les reines sont capables de manipuler la magie, ce qui fait d’elle l’héritière de la couronne ! Sur sa route, elle croisera Adalgis, un chasseur mi-homme mi-lionqui deviendra son amant et qui fera office de protecteur pour cette reine en devenir.
Chose intéressante, le contexte géopolitique est très bien représenté et surtout très clair : neuf cités, chacune gouvernée à sa manière. Pour l'une, seules les reines possèdent la magie, dans une autre, seul le duc en est le maître, et dans une autre encore, la religion fait foi. Les paysages sont aussi différents que les manières de gouverner et les coutumes sont bien particulières. La trilogie dans son ensemble arrive à relancer l’intrigue sur des sujets de plus en plus politiques et les tome 2 et 3 évoquent les questions importantes d’un royaume : commerce, mariage, guerre, lois…
Le personnage d’Octavianne est très agréable à découvrir dans le rôle de la princesse téméraire, qui sait ce qu'elle veut ! Proche du peuple, c'est une jeune femme généreuse et attentive, qui se mouille les mains lorsqu'il le faut. Mais elle conserve une certaine part d’ombre qu’elle dévoile au grand jour quand ses proches sont attaqués. Une héroïne. Une vraie.
Hélène P. Mérelle est une autrice à suivre pour tous ceux en quête de personnages intéressants et qui gagnent en complexité au gré des pages.
PS : Attention aux âmes sensibles, les romans contiennent des tentatives de viols ou des attouchements très durs.
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2.
| Alex Nikolavitch : L’histoire derrière le mythe
Connaissez-vous vraiment la légende arthurienne ou alors celle du capitaine Crochet ? Alex Nikolavitch la connaît et il n’hésite pas à vous en faire des récits tantôt comiques, tantôt brutaux.
Que cela soit Peter Pan ou la geste des grands chevaliers de l’Histoire, l’auteur prend des partis pris intéressants sur ces contes qui ont bercé notre enfance. Avec un style très proche de la fable, les personnages sont tantôt archétypaux (l’auteur écrit avec le poids de l’histoire littéraire) tantôt en dehors des clous : plus réels et complexes. Pour Trois Coracles cinglaient vers le couchant, est un récit où se croisent magie et histoire. En effet, la magie de Merlin et des celtes s’ancrent dans le passé antique, où l’empire romain perd de son influence. Ici ou là, l’auteur annonce la légende d’Arthur Pendragon telle que nous la connaissons : la rencontre entre Uther, son père (héros de Trois Coracles cinglaient vers le couchant) et sa mère Ygraine, comment l’épée fut plantée dans le rocher… Peu contée, l’histoire de la Bretagne avant l’arrivée d’Arthur est un terreau fertile à toutes les imaginations ! Ce dont Alex Nikolavitch ne se prive, tout en conservant une rigueur historique qui est tout à son honneur !
Plus fun,l’île de Petersuit Mouche, le second fidèle et terrifié du Capitaine Crochet ! En effet, Mouche a trouvé un moyen de se rendre à New York de manière épisodique, ce qui a attiré l’attention d’une policière et surtout d’un chef de gang passionné de vaudou et qui est convaincu qu’il pourra régner sur la réalité de Mouche. Ces trois compères se retrouvent malencontreusement transportés sur l’île des Enfants et découvrent une île tropicale dirigée par un Peter aigri, cynique et tyrannique ! Roman de fantasy le plus humoristique de son œuvre, l’île de Peter est une belle revisite de James Barrie et rappelle que l’éternité pose le problème de l’ennui ! Décalée, la magie du roman (entre vaudou et magie des féés) surprendra toujours le lecteur (et aussi les personnages !).
J’attire également votre attention sur son dernier roman : Les Canaux du Mitan. Petit coup de cœur de mon année 2020, ce roman suit une compagnie de saltimbanques et d’artistes au cœur d’un pays qui ressemble à une Amérique post-Grandes Découvertes, où les natifs ont été chassés et où les grandes régions du continent sont toutes aussi différentes les unes que les autres. Bien que chassés, les aborigènes n’ont pas dit leur dernier mot et les esprits anciens (bons ou mauvais) continuent d’arpenter le monde, même si la nouvelle religion du continent veut bien faire croire à ses ouailles qu’ils n’existent pas ! Un vrai mix entre récit dans le bayou, ambiance de fête et de creep show et enquête chamanique !
PS : Encore une fois bravo à Melchior Ascaride pour toutes ces illustrations !
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3.
| Camille Leboulanger : Ecoutez moi vous conter une histoire
Tout jeune auteur, Camille Leboulanger fait déjà preuve d’un talent rare ! Son style est dépourvu de maladresses et permet une lecture fluide de tous ses romans, tout en gardant sous le coude quelques passages très poignants. Bertram le Baladin en est la preuve : dans un monde où le papier a disparu, les baladins sont les messagers du monde et Bertram vient de se faire voler son luth, signe distinctif de sa caste ! Il n’est jamais évident de parler de musique dans un roman, pourtant Camille Leboulanger y instille une douceur et une finesse qui laisse entrapercevoir les émotions qu’elle suscite sur ses personnages.
Son personnage de Bertram le Baladin est plus qu’agaçant de prime abord, à cause de son air supérieur et de son arrogance ! Au fil du roman, on comprend pourtant ses motivations et sa volonté chevillée au corps qui est de retrouver son luth qui n’est pas seulement le signe de son appartenance à la guilde des musiciens mais est le porteur d’une identité qui est bien plus complexe qu’on ne le croit. Il sera accompagné dans son voyage d’une jeune femme qui aurait été le témoin du vol et qui va donner naissance à de beaux moments de cascades et de bagarres qui viennent pimenter la douceur des représentations de Bertram !
Avec le Chien du Forgeron aux éditions Argyll, Camille Leboulanger s’est récemment attaqué à un ancien mythe celte : celui de Cuchulainn, le Chien du Forgeron,le héros viril par excellence des contes anciens. Virilité que l’auteur va s’attacher à déconstruire en même temps que le mythe d’où il tire son histoire.
Issu d’un mariage arrangé dans le lointain royaume des Ulates (l’Irlande ancienne) Cuchulainn est un enfant non consenti et qui a été conçu dans des circonstances étranges. Et encore une fois on se met rapidement à détester le personnage principal de l’œuvre : Cuchulainn est violent, brutal et il est le premier à se servir. Incarnation de la brutalité et de l’Homme sans retenue, il est l’archétype qui fait fonctionner à merveille ce roman qui s’inscrit dans la lignée des contes. Camille Leboulanger est très loin d’idéaliser la figure du guerrier, au contraire il s’attache à l’opposé aux autres personnages plus âgés et qui sont « sages ».
Une belle découverte !
PS : L’auteur brille aussi dans le domaine de la SF mais cela sera l’objet d’un autre dossier !
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4.
| Guillaume Chamanadjian : La grande surprise
Claire Duvivier et Guillaume Chamanadjian sont les deux plus grandes révélations de 2021. Avec une saga formée de deux trilogies qui se répondent, la Tour de Garde, ces deux auteurs sont à suivre ABSOLUMENT. Nous avons déjà évoqué Claire Duvivier dans la première partie de ce dossier et dans nos chroniques sur ces romans Un Long Voyage et Citadins de demain. Concentrons-nous aujourd’hui sur l’autre membre de ce duo !
Dans Le Sang de la Cité, le prologue pose tout de suite le décor : deux grandes familles se font la guerre et celle de la Couane, la tortue de mer, mène le siège du palais du Dauphin. Gemina est le foyer de toutes les luttes (économiques, militaires…) entre les grandes familles de la ville. Directement inspirée par les villes italiennes de la Renaissance (mon petit doigt me murmure la ville de Sienne à l’oreille), Gemina est fascinante. Si vous avez aimé Ciudalia de Gagner la Guerre, vous aimerez Gemina du Sang de la cité.
Bien que l’histoire se limite à une immense cité peuplée de marchands, de clans aux valeurs toutes uniques, ou encore de vignerons, c’est plus que suffisant ! On se retrouve presque dans une ville-univers dans le roman et l’on ressent tout l’amour qu’à l’auteur pour la culture et la bonne chère !
En termes d’influence, on semble apercevoir Lankhmar de Fritz Leiber pour ses quartiers si marquants et différents les uns des autres, en plus de l’action rapide tout au long de l’histoire. Evidemment les mythes grecs ont sûrement une place prépondérante dans la création de cet univers foisonnant ! La plume de l’auteur brille autant par son style aérien que par la beauté des chansons qu’il a créées pour peupler sa cité. Les amateurs de fantasy dense, faite de chants et de paysages étonnants n’auront de cesse de s’émerveiller !
Pour un premier roman, Guillaume Chamanadjian a la faculté incroyable de capter son lecteur grâce à la fluidité de sa plume et à l’humour des belles phrases que l’on se surprend à relire à haute voix.
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5.
| Ketty Steward : Des légendes créoles à la fin du monde !
Le premier roman de Ketty Steward a de quoi surprendre : paru aux éditions Mü (aujourd’hui un label des éditions Mnémos), Confessions d’une séancièreévoque les mythes et les légendes créoles. Dans un monde commun au nôtre, Ketty Steward glisse du paranormal tout droit venu des îles où les esprits frappeurs et des humains se transformant la nuit viennent hanter votre quotidien. Composé de seize nouvelles, chacune introduite par un poème, Confessions d’une séancière brille par ses recherches et l’investissement de l’autrice derrière chaque histoire. Toutes sont différentes et proposent de braver le danger à travers un personnage différent.
A chaque histoire, une nouvelle narration et des personnages qui ne se connaissent mais toujours en toile de fonds des créatures du mythe créole, comme Papa Dlo ou Manman Dlo. Univers fascinant et peu traité dans l’imaginaire français, l’ambiance des îles est dépaysante ! Les pages sont très vite tournées tant le suspens est maintenue jusqu’aux chutes dramatiques des nouvelles !
Un livre à lire durant la période d’Halloween ou durant les longues nuits d’hiver…
Ketty Steward conserve son style fluide mais pour cette fois brosser le portrait d’un monde postapocalyptique où l’humanité a quasiment régressé au moyen-âge avec quelques sursauts technologiques : L’Evangile selon Myriam est une petite pépite de science-fantasy. A seize ans, Myriam est une scribe au sein de l’Eglise des Derniers Temps et elle vient d’être brûlée vive pour hérésie ! Hérésie qu’elle a commise en créant un évangile qui s’est répandu au sein de sa communauté. Livre saint qu’elle a écrit grâce aux sources historiques en sa possession : le conte de Cendrillon, la chute de Lucifer en Enfer, le lac des Cygnes… Vous l’aurez compris, dans un monde où l’Histoire a été oubliée, il est facile de confondre mythe et réalité !
L’écriture de l’autrice apporte une vision nouvelle des mythes bien connus de notre enfance ! A partir d’univers radicalement différents, elle va tirer un livre, divisé en six parties, qui doit apporter une meilleure compréhension du monde (belle ironie…). Ketty Steward nous montre à quel point nous pouvons être victime du mensonge, quitte à s’en complaire pleinement ! Oscillant entre humour et considérations philosophiques, L’Evangile selon Myriam est un must-have délirant et très complexe.
Avec ces deux romans, Ketty Steward nous propose des livres énigmatiques qu’il faut découvrir !