Quand Mary Shelley écrivait Frankensteinou le Prométhée Moderne, elle ne se doutait pas encore qu'apparaîtrait un jour le cinéma. Pourtant, sa créature connait une histoire d'amour avec le grand écran depuis plus d'un siècle maintenant. Et ce n'est pas le Victor Frankenstein de Paul McGuigan que l'on découvrira plus tard dans l'année qui va nous contredire.
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- Frankenstein et les débuts du 7ème Art
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- Frankenstein prend des couleurs
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- Le Prométhée Moderne
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| Frankenstein et les débuts du 7ème Art
Il ne faudra pas attendre longtemps pour voir débarquer la première adaptation de Frankenstein sur le grand écran puisque dès 1910 J. Searle Dowley va réaliser un film qui reprend l'histoire imaginée par Mary Shelley. Cependant, le format très court, un peu plus d'un quart d'heure, oblige le réalisateur à faire des coupes sévères dans le scénario et on se retrouve avec une interprétation très libre de l'histoire originale, avec par exemple la créature qui est créée dans un chaudron.
Il faudra donc attendre 1931 pour avoir le premier film Frankenstein qui va reprendre plus fidèlement le roman et surtout le consacrer définitivement dans l'esprit du public. C'est surtout ce film de James Whale qui va populariser l'image de la créature que l'on a aujourd'hui (il n'y a pas de description précise dans l'œuvre de Shelley), avec ce front carré bardé d'agrafes et de vis créé par le maquilleur Jack Pierce. Ce long-métrage qui fera découvrir l'acteur Boris Karloff sera aussi celui qui va pour la première donner le nom de Frankenstein à la créature.
Whale et Karloff reprennent du service en 1935 pour une suite toute aussi fameuse : La Fiancée de Frankenstein. Le réalisateur imagine une suite au roman de Shelley (c'est elle la narratrice du film, racontant l'histoire à son ami Lord Byron) où la créature souhaite mettre un terme à sa solitude en demandant à son créateur de lui faire une femme. Cela se passe mal puisque cette dernière ne succombe pas du tout au charme de la créature et le film, tant dans sa réalisation que dans son histoire poignante, est l'un des plus accompli sur Frankenstein.
Boris Karloff signe un troisième opus dans la peau couturée de la créature en jouant dans Le Fils de Frankenstein où le rejeton du savant fou revient dans la demeure familiale où est encore ensevelie l'invention funeste de son père. Réalisé par Rowland V. Lee, ce film n'est cependant pas au niveau des deux précédents volets et Universal, devant le moindre succès de ce long-métrage, décidera d'en arrêter là avec cette série de films. Notons que c'est la première fois que l'on trouve Bela Lugosi dans le rôle d'Igor, alors qu'il devait jouer la créature avant l'arrivée de Karloff.
Malgré tout, Universal insiste et sort dès 1942 Le Fantôme de Frankenstein avec Lon Chaney Jr. dans le rôle de la créature et toujours Bela Lugosi qui incarne Igor. Pourtant, ce film réalisé par Erie C. Kenton tire encore un peu plus sur la corde avec une nouvelle fois la créature qui est sauvée des décombres par Igor et l'introduction d'un nouveau fils de Victor Frankenstein. A ce moment-là, Dracula a bien plus de succès que Frankenstein et finalement cette série de films s'arrête avec cet opus sans grand intérêt.
Si bien que quand la créature fait son retour, dès l'année suivante, il n'est plus le héros phare. En effet, Frankenstein rencontre le loup-garou est la suite du Loup-Garou de George Waggner. D'ailleurs, s'il on retrouve Lon Chaney Jr., il interprète le lycanthrope tandis que le rôle de la créature revient à Bela Lugosi (Universal aime bien garder son crew d'acteurs), qui peut enfin dévoiler son interprétation du monstre après ses premiers essais dix ans auparavant. Ce long-métrage inscrit définitivement la création de Shelley dans l'univers Universal Monsters où il croise les autres monstres fantastiques. D'ailleurs, il sera ensuite à l'affiche d'un dyptique La Maison de Frankenstein puis La Maison de Dracula.
En 1948, il apparait pour la première fois dans un film comique, Deux Nigauds contre Frankenstein. Si Lon Chaney Jr. et Bela Lugosi sont tous deux au casting de ce film de Charles Barton, c'est Glenn Strange qui incarne la créature. Ce long-métrage est surtout l'occasion de mettre en avant un duo comique à grand succès de l'époque : Abbott et Costello. Ces derniers croisent au cours de leurs pérégrinations absurdes tout le bestiaire d'Universal, Frankenstein donc, mais aussi Dracula et le loup-garou.
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| Frankenstein prend des couleurs
Le grand concurrent d'Universal à l'époque en terme de cinéma fantastique est la Hammer. Ces derniers profitent de l'arrivée de Frankenstein dans le domaine public pour en livrer en 1957 leur version : Frankenstein s'est échappé. Pour ce premier film en couleur pour la créature de Mary Shelley, ils choisissent un acteur déjà renommé à l'époque, un certain Christopher Lee, tandis que le docteur est joué par Peter Cushing. Cependant, il n'aura pas la même tête puisque les droits du maquillage de Jack Pierce sont exclusifs à Universal. Le réalisateur Terence Fisher réalisera aussi la suite, La Revanche de Frankenstein, mais il sera un échec commercial si bien que la Hammer attendra un moment avant de revenir sur la créature.
Entretemps, la Hammer a été rachetée par Universal et elle lui permet de piocher dans les scénarios de ses précédents films. Ainsi, le monstre récupère son aspect popularisé par Boris Karloff dans L'Empreinte de Frankenstein. Ce film devait aussi être réalisé par Fisher, mais après un grave accident de voiture, il laissa la caméra à son assistant Freddie Francis, qui deviendra plus tard le directeur photo de David Lynch sur Elephant Man ou Dune.
Pendant ce temps-là au Japon, en 1965, Ishirô Honda aussi décide de se servir du personnage désormais culte. Il réalise coup sur coup deux films, Frankenstein contreGodzilla et Frankenstein contre Baragon. La créature arrive sur l'île d'Extrême-Orient et mute à cause des radiations de la bombe qui s'est abattue sur Hiroshima, ce qui a pour effet de le faire grandir vers des proportions monstrueuses et de pouvoir se confronter aux célèbres Kaijus de la Toho. Des films aussi fous que funs.
Terence Fisher qui s'est remis de son accident de voiture se remet aux affaires en 1967, toujours pour le compte de la Hammer, en réalisant Frankenstein créa la femme, une réinterprétation de La Fiancée de Frankenstein, puis Le Retour de Frankenstein. Ces deux films vont créer un scandale par leur approche plus sexuée du personnage et surtout une scène de viol qui va défrayer la chronique. Pourtant, Fisher reviendra en 1974 pour un dernier opus, Frankenstein et le Monstre de l'Enfer.
Frankenstein est souvent au milieu de projet un peu cinglés. Question folie, Andy Warhol n'a jamais démérité et souhaite livrer sa propre interprétation du personnage en produisant Chair pour Frankenstein, réalisé par Paul Morrissey et Antonio Margheriti en 1973, deux habitués de la Factory. Ce film présentera la particularité d'être en 3D, où il fallait alors voir le film avec des lunettes polarisantes et créa des effets de reliefs saisissants pour l'époque.
Au rayon des projets étranges entourant le personnage, le film sortant l'année suivante se place aussi en bonne position. En effet, le réalisateur comique et amateur d'absurde Mel Brooks livre sa vision du monstre dans Frankenstein Junior où l'on suit l'arrière petit-fils du savant fou. S'inspirant grandement des deux premiers films de James Whale, reprenant même les accessoires et les décors que celui-ci avait utilisé, le réalisateur livre une comédie ultra-référencée qui aura un franc succès.
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3.
| Le Prométhée Moderne
Les années 90 commencent étrangement pour Frankenstein qui va être à l'affiche d'un film étrange, La Résurrection de Frankenstein. Ce film de Roger Corman, véritable cador de la série B, commence en 2031 où le scientifique interprété par John Hurt fait une découverte cruciale qui va avoir comme conséquence désastreuse de le projeter dans le passé, au début du 19ème siècle, en Suisse. Il y rencontre un certain Victor Frankenstein qui commence d'étranges expériences. Un bon vieux nanar de SF comme on les aime !
En 1994, on va découvrir le Frankenstein qui est sans doute le fidèle au roman de Mary Shelley. Produit par Francis Ford Coppola, ce film est écrit par Steph Lady et Frank Darabont (qui n'a pas encore réalisé La Ligne Verte) et réalisé par Kenneth Branagh, ce dernier interprétant aussi le savant fou. Pour compléter ce name dropping de qualité, ils recrutent Robert de Niro pour interpréter la créature (notons qu'ils avaient pensé à Gérard Depardieu en premier lieu mais celui-ci refusa le rôle). Le film sera unanimement salué par la critique et donnera une nouvelle impulsion à ce personnage.
La créature va ainsi apparaitre dans un très grand nombre d'œuvres, en série, en jeux vidéo ou en comics. Tim Burton s'en servira pour un long-métrage d'animation en stop-motion, Frankenweenie, qui reprend très librement le personnage de Victor Frankenstein. Il reprend un court-métrage qu'il avait réalisé en 1984 et développe de manière légère, la créature est ici le chien adoré de Victor, le thème de la manipulation du vivant.
Vient alors la catastrophe, la série B qui ne fait plus rire personne. Trop de nanar tue le nanar et I, Frankenstein de Stuart Beattie laisse plus que circonspect sur ce qu'ont voulu faire les producteurs en faisant de la créature un adepte des arts martiaux qui tue du démon à la pelle. Avec un AaronEckhart complétement perdu (Jai Courtney aussi, mais cela nous surprend moins) dans un rôle qui a oublié d'être écrit, ce film est un échec autant artistiquement que commercialement.
Espérons donc que Victor Frankenstein de Paul McGuigan relève le niveau. Avec Max Landis au scénario, à qui l'on doit l'histoire de Chronicle, et un duo d'acteur plus que respectable, James McAvoy et Daniel Radcliffe, il part déjà avec de meilleures dispositions. Surtout, il aura l'originalité d'adopter le point de vue d'Igor, le fidèle serviteur du savant fou. En tout cas, ce film prouve que Frankenstein n'a toujours pas renoncé au grand écran.