H.P Lovecraft a durablement forgé un imaginaire ayant inspiré pléthores d'artistes. Pourtant, qui aurait pu penser qu'un jeune garçon solitaire et taciturne de Providence deviendrait un jour une référence de la littérature fantastique et fondateur principal du genre de l'horreur cosmique ? Si il aura fallu attendre plusieurs années après sa mort que ses récits deviennent iconiques (on ne remerciera jamais assez le Lovecraft Club, Jacques Papy, August Derleth...ou Mnemos !), le mythe de Cthulhu est désormais devenue son œuvre phare, celle que tout le monde retient et retiendra.
Pourtant, passé le cap de la demeure engloutie de R'lyeh, il existe des abimes insondables que Lovecraft a exploré, mais que peu de gens connaissent... des cavernes stygiennes, des cités sorties de nos cauchemars, des créatures inconnues de notre réalité...
Ce dossier a donc pour but de proposer des récits méconnus de l'auteur, qui mériteraient pourtant toute votre attention. Ouvert aux néophytes comme aux affirmés, nous espérons avec ce dossier vous faire découvrir quelques pépites du maître de Providence !
1
- Night Ocean (1936)
2
- Nyarlathothep (1920)
3
- Azathoth (1922)
4
- De l'au-delà (1920)
1.
| Night Ocean (1936)
Se dire que Lovecraft se limite seulement aux histoires macabres et au mythe de Cthulu serait une énorme erreur, car on passerait alors au dessus d'une partie submergée de son œuvre, pourtant si intéressante. Je ne parle pas ici du Cycle du Rêve, mais d'un entre-cycle d'écrits expérimentaux, dans lequel Nigth Ocean s'inscrit à merveille.
Avec une prose poétique somptueuse, cette nouvelle écrite à quatres mains par Lovecraft et Robert Barlow délivre à la fois une nouvelle horrifique aux relents d'Innsmouth, et une lettre d'amour à l'océan.
Détaillant avec une fascination inhumaine les paysages tantôt colorés, tantôt grisâtres qui défilent sur une plage et sa station balnéaire durant une période automnale endormie, les deux auteurs délivrent l'une des nouvelles les mieux écrites de l'édifice Lovecraftien, où leur protagoniste y développe un syndrôme de Stendhal alors qu'il contemple l'océan et l'astre solaire. Cette prose bienvenue est un véritable caviar pour les amoureux des récits du fou de Providence qui offre ici un mélange délirant de nihilisme, de poésie picturale, et d'amour pour les profondeurs insondables de l'océan.
2.
| Nyarlathothep (1920)
Le chaos rampant qu'est Nyarlathothep se réveille d'un sommeil de 27 siècles, apportant avec lui un message dont l'humanité, qui y était jusqu'ici sourd, ne pourra plus se défier. Cette entité cosmique iconique de l'auteur est notamment présente dans plusieurs nouvelles comme La Maison de la Sorcière en 1933 sous les traits de l'Homme Noir, mais elle est aussi un segment majeur du Mythe de Cthulhu et du Cycle du Rêve.
Cette nouvelle signe ici la fin du monde, mais aussi la fin du règne des nouveaux dieux et le début de celui des anciens, le tout sur fond d'une danse macabre jusque dans les confins du temps.
3.
| Azathoth (1922)
Si le Cycle du Rêve est souvent délaissé au profit de celui du Mythe de Cthulhu, il n'en reste pourtant pas moins d'une importance clé si l'on désire réellement comprendre ce qui fait la plume si spécifique de l'auteur. Inspiré par ses maîtres que furent Arthur Machen et Lord Dunsany, dont certaines nouvelles du Cycle sont de véritables hommages non dissimulés, il réalisera donc une série de nouvelles et un roman gravitant autour d'un univers propre, menacé lui aussi par de terrifiantes entités mais emprunt d'une sensation onirique dans chaque écrits, comme dans Azathoth.
En à peine deux pages, Lovecraft offre une histoire non seulement poétique, mais extrêmement rêveuse, voire même optimiste.
Une première dans toute l'œuvre du fou de Providence, et pourtant il en profite aussi pour effleurer le genre de la dystopie, en imaginant une société confinée dans ses cités de pierres grises, et dont les rêves paraissent si lointain.
4.
| De l'au-delà (1920)
Il est des choses d'un autre ordre d'existence et d'un autre temps qu'il ne veut mieux ne jamais voir et avec lesquelles entrer en contact semble naturellement proscrit. Dans le cas de cette nouvelle, la peur du contact avec des entités qui évolueraient autour de nous sans que l'on s'en rendent compte est au cœur du récit.
Lovecraft témoigne une énième fois de sa peur et son recul vis-à-vis de la volonté humaine d'être égale aux dieux, ou même de simplement vouloir les observer. Le risque est grand, car quand on contemple l'abîme, elle nous contemple aussi.