Pour son vingtième numéro, Please Hollywood vous propose un projet plus fou encore que les autres. Non seulement parce que cette chronique s'attaque à un nom bien connu de la science-fiction, mais aussi parce qu'il s'agira ici d'adapter, sur grand écran, une série archi-populaire et pourtant largement critiquée, j'ai nommé Doctor Who, la plus célèbre des créations de la BBC.
Avant-Propos
Comme beaucoup d'entre-vous, j'ai eu ma période Doctor Who et je continue de suivre la série chaque année. Seulement, de saison en saison, mon intérêt pour ce show que je considère comme l'un des plus créatifs sur le petit écran, a considérablement baissé. Bloquée quelque part entre le génie et la rage de fans pointilleux, la série Doctor Who a assurément perdu la superbe de ses jeunes années, celles-là même qui ont transformé un retour inespéré et doté de petits moyens en un phénomène mondial. Il serait trop long de détailler mes griefs conte le show de la BBC, mais vous en trouverez quelques uns dans les lignes suivantes, sans aucun doute.
Revenons plutôt à l'idée d'un film Doctor Who. Elle n'est pas nouvelle, et a même déjà été éprouvée plusieurs fois, y compris dans Doctor Who : The Movie (1996) connu comme la première tentative de retour du Docteur sur les écrans anglais. Mais tous ces essais, y compris certains très réussis comme l'épisode spécial des 50 ans du show, qui est tout de même sorti dans les salles anglaises, ne sont que des téléfilms ou au mieux des moyens-métrages, et ce n'est pas ce que j'envisage en guise de film Doctor Who, mais bien un blockbuster pétillant, qui est déjà dans la tête de nombreux cadres à Hollywood. En effet, plusieurs mails du Sony Hack ont révélé l'existence de négociations entre le studio Sony et la BBC. A priori, l'idée est même remontée jusqu'aux oreilles de Steven Moffat, l'actuel showrunner de Doctor Who, qui n'entend pas lâcher son bébé si facilement. Car lancer un film Doctor Who, c'est assumer un univers déjà complexe - ou bancal, selon les points de vue - sur deux fronts. Est-ce bien raisonnable ? Peut-être pas. Est-ce pour autant compliqué ? Nous verrons que non.
Synopsis
Plus impliqué qu'il le souhaiterait dans une guerre opposant son espèce à celle des Daleks, un mystérieux individu, se faisant appeler le Docteur, s'en va visiter la Terre pour la première fois lorsqu'il repère des anomalies temporelles de plus en plus nombreuses aux quatre coins de notre planète Bleue. Il va alors devoir collaborer avec des humains qui au mieux, sont fascinés par son arrivée, au pire, le traqueront pour récupérer son savoir et ses technologies.
Réalisation
Le saviez-vous, lorsque Doctor Who préparait son grand retour sur les écrans des foyers anglais, on avait proposé à un certain Edgar Wright la direction du pilote de cette nouvelle série, que les fans connaissent sous le titre de "Rose". Et le jeune réalisateur, alors pris dans la mise en scène de Shaun of The Dead, avait dû refuser. Plus de dix ans plus tard, Edgar Wright semble pourtant être le réalisateur le plus apte à réinventer le mythe Doctor Who sur grand écran. Tout d'abord parce que sa sensibilité et son humour britannique sont en parfait accord avec l'esprit de la série, ce qui n'est pas donné à tous les réalisateurs, et même ceux nés au Royaume-Uni.
De plus, je vois dans la réalisation hyper-ludique et totalement inventive de Wright un formidable écho à la créativité parfois radicalement débridée de la série. Et le mélange des deux serait assurément explosif, dans le bon sens du terme. Avec Wright, on peut donc envisager un film Doctor Who à la fois conforme au cahier des charges d'une grosse production, tout en étant fidèle à l'esprit, l'humour et la créativité de l'œuvre originale. La suite vous la connaissez, la narration de Wright et ses trouvailles de mise en scène ne seront que décuplées par des jouets comme le Tardis, la régénération du Docteur et bien d'autres éléments ludiques.
Direction Artistique
Ici, on pourrait faire preuve de plus d'originalité. Même si l'aspect désuet voire cheap de Doctor Who fait assurément partie de son charme, il ne faudrait pas répéter la même direction artistique sur grand écran. Nous n'avons pas ici affaire avec un parodie dans la veine de Kingsman, qui dépoussiérait un autre mythe anglais, celui de l'espion, mais bien à un vrai film de science-fiction, dans tout ce que cela peut apporter de magique et d'envoûtant. On garderait tout de même quelques classiques, comme l'apparence du Tardis, camouflé dans une ancienne cabine téléphonique de police, ou encore une tenue bariolée ou décalée pour le Docteur. Mais l'idée serait de rendre aussi crédible que possible les personnages, les enjeux et les menaces, pour justement profiter d'un décalage entre ce qui est montré et comment cela est montré, une nuance avec laquelle s'amusera Edgar Wright.
Au risque d'en choquer quelque-uns, il faudrait donc revoir l'apparence des adversaires récurrents du Docteur, comme les fameux Daleks, qui bien évidemment, devront être présents dans le film. L'idée générale étant de puiser, comme Marvel Studios le fait dans ses comics, dans les meilleurs idées de la série pour y rester fidèle tout en offrant un minimum de surprises et de nouveautés. On reprendra par exemple le sombre passé du Docteur, son coup de foudre avec un des "companions" comme on les appelle, ou encore son amitié pour l'une de ses pires némésis, Le Maître.
Casting
Le choix d'un Docteur est toujours très délicat. Et il suffit de voir le bruit que suscite de telles annonces au Royaume-Uni pour s'en convaincre. L'avantage avec une adaptation cinéma, c'est que nous pouvons reprendre à zéro, choisir un tout nouvel acteur, et même le remplacer dans d'éventuelles suites, un concept cher à la Grande Bretagne. Mais on ne pouvait évidemment pas choisir un interprète n'étant pas issu de la plus pure tradition anglaise.
A ce titre, deux noms étaient envisageables, celui de Benedict Cumberbatch, qui avait un temps été envisagé comme Docteur, juste avant Matt Smith, ou celui de Tom Hiddleston, qui a de nombreuses fois fait l'objet de rumeurs quant à une (brève) apparition dans Doctor Who. Et c'est le second acteur que je vois le mieux dans le rôle, tout d'abord car il est moins occupé et "franchisé" que son collègue - même s'ils sont tous les deux des personnages de Marvel Studios - mais surtout parce que sa palette de jeu est plus étendue. Du haut de ses 34 ans, l'acteur incarnerait parfaitement l'élégance et l'humour de ce personnage mythique.
Le Docteur ne voyageant que rarement seul, il lui fallait bien sûr un compagnon pour l'aider sans sa quête. Et si j'aime l'approche candide de Doctor Who - on parle tout de même d'un type qui voyage sans cesses avec des jeunes filles - je préfère cette idée du coup de foudre venu de l'espace, entre lui et une certaine Rose (Billie Piper). Sans qu'elle incarne toutefois le même personnage, j'imaginais donc l'extrêmement talentueuse Felicty Jones dans un rôle similaire, où son charme naturel, sa polyvalence et son accent fort british seraient de puissants atouts.
Du côté des autres rôles, j'envisageais bien sûr Le Maître, ou The Master si vous préférez, en grand vilain de cette histoire. Bloqué entre l'espace et le temps suite à la guerre entre Gallifrey et les Daleks, il tenterait de revenir en brisant sa propre continuité - créant des paradoxes temporels - avant d'arriver sur Terre. Et pour incarner ce vilain plutôt classe et maniaque, Cillian Murphy et sa magnétique apparence seraient bienvenus. Enfin, puisque on ne peut pas envisager un film d'Edgar Wright sans Nick Frost et Simon Pegg (qui ont tous les deux joué dans Doctor Who d'ailleurs), on serait ravis de les retrouver dans des petits rôles en forme de caméos.
Derrière un film Doctor Who, l'idée est tout autant de lancer une géniale franchise sur le grand écran (qui comme James Bond pourrait être anthologique et proposer des réalisateurs et des acteurs différents à chaque nouveau film) que de réparer les erreurs de la série et de sa main lourde en profitant de moyens et de temps supplémentaires. Le tout dirigé par un Edgar Wright aussi britannique d'esprit que créatif à la réalisation.