Pour ce nouveau numéro de Rumeur un Autre Jour, je vous propose de revenir sur un bruit de couloir aussi récent que persistant, à savoir l'arrivée non pas d'une mais de plusieurs séries Star Wars sur un modèle en pleine exposition, la plateforme Netflix, qui après Marvel, pourrait mettre un pied dans l'univers d'une galaxie lointaine, très lointaine.
Star Wars Underworld, le laboratoire
Star Wars et le petit écran, ce n'est pas tout à fait nouveau. Outre des séries animées et quelques téléfilms à base d'Ewoks, la saga aurait pu faire son entrée dans l'univers de la télévision par la grande porte dès 2005, année qui marqua la fin de la prélogie. En effet, on évoquait alors l'existence d'une série en live-action portée par George Lucas lui-même, et son producteur Rick McCallum. Si officiellement, cette série n'a pas de nom, les fans la connaissent sous le nom de Star Wars : Underworld, un projet plus avancé qu'on pourrait le croire.
Depuis la sortie de La Revanche des Sith, les deux lurons travaillent en effet sur Underworld, conçue comme une série à gros budget pour le câble : des épisodes d'une heure, un rythme de production soutenu (tournage partout dans le monde et montage aux Etats-Unis, en parallèle) et une narration feuilletonnante. En 2011, soit six ans plus tard, Lucas annonçait ainsi que pas moins de 50 épisodes avaient été écrits. De quoi parlaient-ils ? À priori, des bas-fonds de Coruscant, de sa pègre et ses parrains, en pleine montée en puissance de l'Empire. Certains affirment même qu'un chasseur de prime, peut-être le jeune Boba Fett, aurait pu tenir le rôle principal de ce que Rick McCallum décrivait comme le produit le plus audacieux de la licence.
Malheureusement, le projet, extrêmement ambitieux, fut placé en congélation Carbonite le temps que les rythmes, budgets et habitudes de production du petit écran évoluent. Ce qu'ils ont fait, hélas trop tard. Depuis que Game of Thrones et Netflix existent, George Lucas s'est retiré de la vie Hollywoodienne, pour mieux revendre son bébé à Disney. Ce qui n'indique pas forcément la mort du projet puisqu'en 2012, lorsque la firme aux grandes oreilles racheta Lucasfilm, tous ses idées en court furent évalués. Underworld pourrait ainsi avoir survécu, comme le suggère une déclaration de Paul Lee, le président d'ABC (chaîne américaine) Studios, qui en 2013, estimait qu'une série Star Wars était sur les rails de la production. Il était revenu à la charge quelques mois plus tard, précisant que les discussions étaient en cours, moins d'un an avant après la première rumeur d'une série live-action. Née en mars 2014, cette dernière voulait que Dark Vador soit au cœur d'un futur show estampillé Disney.
Netflix, le packaging idéal
Comme nous le disions, les conditions de production ont pas mal évolué du côté de la télévision, avec le succès massif de séries tout aussi énormes, comme Game of Thrones ou The Walking Dead, ou à travers l'élaboration de nouveaux modèles, comme Netflix. La plateforme s'affranchissant des contraintes d'une chaîne de télé en produisant son propre contenu, d'un coup d'un seul, au lieu de passer par les nombreuses étapes habituelles. Même d'un point de vue artistique, beaucoup estiment que la série télévisée est devenue le média par adulte par excellence, là où le cinéma s'est radicalement événementialisé.
Ajoutez à cela la suprématie médiatique et budgétaire des franchises dans la culture de 2015, et vous obtenez un contexte tout simplement favorable à une série Star Wars. Pas étonnant de voir Cinelinx annoncer l'arrivée d'un show en live-action pour la saga donc. Il l'ont fait en mars dernier, en expliquant que Lucasfilm utiliserait les blancs entre les tournages d'un épisode numéroté de Star Wars et un Star Wars Anthology (les spin-offs dont Rogue One sera le premier exemplaire) pour réaliser plusieurs épisodes d'une série Star Wars, en faisant bon usage des studios anglais de Pinewood. Un rythme de production qui devrait permettre à Lucasfilm d'économiser de l'argent, par exemple en maintenant les équipes de tournage ou les décors sur place.
Cette semaine, Cinelinx a même été plus loin en expliquant qu Lucasfilm emprunterait à Marvel Studios sa démarche du côté du petit écran, en évitant la case ABC pour directement se pencher sur une série co-produite par Netflix. Et comme tout le monde, la plate-forme a tout intérêt à miser sur des licences, surtout si elle souhaite, à terme, ne proposer que des séries produites ou co-produites par elle-même, accomplissant ainsi la stratégie marketing ultime : le contenant produisant son propre contenu. Et quel contenu ma foi ! On sait que Star Wars pourrait ramener des milliers de fans sur Netflix, et assurer un succès certain à des séries, même onéreuses. C'est d'ailleurs le succès massif de Daredevil qui aurait incité Disney et Netflix à se pencher sur Star Wars. Et on rappelle que les deux géants avaient déjà fait équipe pour la dernière saison de Clone Wars...
Le spectateur, petite souris gavée
L'inébranlable passion des fans pour Star Wars rend toute décision délicate. En témoigne les torrents de haine qui se déversent encore sur la prélogie dix ans après sa fin dans les salles obscures. En ayant annoncé une trilogie Star Wars et trois spin-offs, Disney, en quelque sorte, a déjà doublé la mise pour gagner deux fois de plus. "Prends l'Oseille et tire-toi" ? Rien n'est moins sûr pour Disney, qui voudra forcément profiter un maximum de son investissement à 4 milliards de dollars. A l'heure des franchises, du cross-media et des séries télévisées sur-médiatisées, tous les feux sont aux verts pour l'entreprise aux grandes oreilles.
On vous épargnera l'éternel débat de l'indigestion, qui sévit déjà parmi les productions super-héroïques, et qui risque d'être au moins aussi lourd à analyser et à vivre dans le cas de Star Wars. Mais contrairement à la saga de Lucas, les comics sont faits pour une une narration feuilletonnante et un univers partagé, ce qui leur évite de tomber dans de trop grands torts. Multiplier les produits Star Wars, c'est au contraire, désacraliser un mythe vieux de 38 ans, et combler des blancs inutiles, comme l'histoire de ce pauvre Han Solo, par exemple.
Du côté du petit écran, le problème est exacerbé par des soucis de moyens et d'ambition. Si les premiers ne devraient pas manquer à une licence aussi colossale que Star Wars, l'autre ne se fabrique pas, hélas. On le voit déjà avec le second spin-off de la saga, qui a bien du mal à proposer quelque chose d'intéressant, de frais, de nouveau, qui n'ait pas le goût d'un supplément chantilly sur une glace déjà savoureuse. A l'heure où les séries télévisées patinent encore sur les super-héros, pourraient-elles vraiment rendre un Star Wars sur le petit écran crédible ? Rien n'est moins sûr.
Il y a forcément des milliers de périodes et d'histoires à explorer. La n'est pas la question. L'ennui est de savoir comment ces produits télévisés, s'ils ont un jour lieu, s'insèreront dans une stratégie globale. Le rachat de Lucasfilm a en effet tout changé : là où Clone Wars était un reliquat de Star Wars permettant aux fans de survivre, des séries Star Wars sur Netflix ne seraient finalement qu'une brique de plus dans le mur étouffant qu'est en train de bâtir sur la licence. Disney devrait donc réfléchir à deux fois, avant de se lancer dans un pareil projet : comment ces supposées séries pourraient-elles servir ce génial univers ? Je n'en sais rien. Mais je suis à peu près sûr que la multiplication des produits ne fera que desservir la stratégie de Disney, en plus de salir l'image d'un des plus illustres représentants de la culture populaire.