Toonami, une chaîne de la Warner Bros. Discovery, publie ce dimanche, à 20h55, un documentaire sur les Supers-Vilains, qu’on nous a fait voir en avance. Parfois vulgaires et ridicules, les mauvais supers-vilains ne visent qu’à condamner certaines valeurs ou comportements ; pris au sérieux, ils deviennent des personnages complexes, ici psychologiquement réalistes comme Magneto, là symboliques comme Thanos ou le Bouffon Vert. Un super-vilain réussi devient le personnage à partir duquel on comprend le super-héros et l’ordre qu’il défend, justement parce que c’est lui qui le remet en cause, et l’interroge.
On ne peut que féliciter les réalisateurs du documentaire, Xavier Fournier et Fédéric Ralière, pour le propos vraiment intéressant et original qu’ils tiennent et rendent accessible aux jeunes adolescents qui composent le public principal de la chaîne. Supers-Vilains, l’enquête, est en plus bourré de référence aux vieux classiques - au Dr. Fatalis, à Lex Luthor, Deathstroke ou Darkseid. Ce sera donc un plaisir à regarder, aussi bien avec ses enfants que pour soi-même !
L’enquête est composée d’une série d’interviews, au cours desquelles chaque invité - auteur, scénariste de comics, ou fan - parle de tel ou tel type de méchant. On va des gangsters burlesques jusqu’aux menaces cosmiques, en passant par les doubles maléfiques et les tyrans, et l’on découvre qu’il ne s’agit certainement pas de différentes déclinaisons d’un même principe antagoniste. Il faut plus y voir une évolution progressive du besoin de remises en questions de la société, à tel point que certains méchants incarnent, de temps à autre, des discours issus de minorités politiques réelles.
Le héros devient alors ambigu, car dans l’ordre qu’il maintient s’insère, qu’il le veuille ou non, une forme de répression. Frédérick Sigrist, un des invités que j’ai trouvé le plus intéressant, parle ainsi de la femme fatale : c’est leur sexualité qui devient une menace - un outils de leur malfaisance - aux premiers moments de la réappropriation du corps des femmes par elles-mêmes.
Dans ces histoires écrites par des hommes, c’est le féminisme qui est une menace pour la société. Le personnage d’Harley Quinn représente bien l’évolution de perspective quant aux représentations du féminin dans les comics : de sbire du Jocker, elle devient victime d’abus psychologique, avant de s’émanciper et de devenir une méchante à sa manière. Ce qui est menaçant chez elle n’est pas sa féminité, mais le détournement qu’elle incarne de certaines prescriptions faites aux femmes (jeunesse, maquillage, naïveté). Et Harley Quinn a depuis obtenu des comics consacrés à elle - où sa liberté est symbolisée par sa relation lesbienne avec Poison Ivy.
Magnéto, dont le pouvoir génial renvoie directement à la modernité, à l’industrie, est justement une des plus insignes victimes de la perversion des processus industriels : juif, il a été enfermé dans les camps dans sa jeunesse, où l’on inventait le meurtre à la chaîne. Magneto ne veut pas de victimes ; il veut que les mutants deviennent dominants pour n’avoir plus à subir des injustices, des discriminations, et que tout le monde devienne mutant, pour que son nouvel ordre ne comporte pas d’exclus. Mais par là, Magneto reconstruit un projet totalitaire, qui interdit à chacun de se définir par soi-même, assigné à une identité immuable par l’État.
Le Dr. Fatalis, super-vilain, mais monarque convaincu d’agir pour le bien de l’humanité, pose, via les supers-héros qui agissent contre lui, le problème du délit d’ingérence.
Et le documentaire contient encore de nombreux exemples aussi intéressants, sur d’autres thèmes, tout en restant simple et facile d’accès, et surtout, en dévoilant les différences entre l’univers des comics et celui du MCU ; car les choses ne s’y passent pas tout à fait de la même manière, les contraintes, narratives et commerciales, divergeant parfois beaucoup.
On en apprend également beaucoup sur l'histoire du comics et sur les grandes figures qui ont crées l'architecture du genre. Sans doute les amateurs auront déjà entendu parler de ces scénaristes et dessinateurs qui ont fait du comics ce qu'il est aujourd'hui, mais ce documentaire est le meilleur moyen de les rendre familiers aux néophytes.
Bref, que ce soit pour le voir seul ou en famille, en ce qui nous concerne, on vous recommande Supers-Vilains : l'enquête !
Toutes les images sont issues du documentaire