- Des thèmes hyper contemporains
- Des personnages qui font vibrer
- Des dessins magnifiques
S'il y a un thème phare à retenir dans la science-fiction, c'est bien celui des mondes virtuels, ces réflexions distordues de notre univers, avec leurs règles bien à elles.
Ces mondes permettent la mise en scène dense de concepts (philosophiques, narratifs, politiques), dont les explorations possibles sont aussi infinies que les univers dont ils accouchent. Généralement, la plupart des œuvres utilisent le motif du monde virtuel comme d'un outil scénaristique permettant de refléter nos problèmes dans les dysfonctionnements du monde virtuel.
Encore récemment, on retrouvait au cinéma Steven Spielberg, avec son Ready Player One, qui usait d'un monde virtuel pour traiter le problème de la nostalgie d'une époque marketée par des personnes n'y connaissant rien (le monde infernal du marketing), ainsi que la vie dans un monde où la population s'échappe dans le virtuel.
Ainsi, en miroir de nos erreurs, le monde virtuel est aussi et surtout l'échappatoire idéal à toutes les crises à venir, et la meilleure manière de briser les règles de notre monde pour en créer de nouvelles, afin d'aller de l'avant.
Et c'est ce que proposent le scénariste Boulet (Carnets de Notes, Donjon Zenith) et le dessinateur Aseyn (Axolot, Le Ruban Bleu), avec leur bande dessinée : Bolchoï Arena.
Bienvenue dans le Bolchoï !
Si vous trouviez que le paysage de la bande dessinée manquait d'une saga de Hard-SF, la voici donc devant vos yeux. On y retrouve Marje, une jeune étudiante en astrophysique qui découvre pour la première fois ce qu'est le Bolchoï, une sorte de monde virtuel aux règles strictes mais au potentiel infini : explorer les confins de notre système, expérimenter le voyage stellaire, la vie sur d'autres planètes... Mais aussi et surtout se faire de l'argent en capitalisant sur des mines, en éliminant d'autres joueurs, en collaborant avec des corporations privées…
Vous l'aurez compris, le Bolchoï porte bien son nom (Bolchoï signifie grand en russe) puisque les possibilités d'un tel monde sont incalculables... et que les entreprises privées en ont très vite compris le potentiel mercantile. Pourtant, même si le Bolchoï est réputé pour sa sûreté et son taux de risque 0, la jeune Marje n'est pas à l'abri de vivre une expérience qui pourrait bien tout remettre en question...
Notre avis
Forte de déjà trois volumes (le prochain est en préparation ! ), cette saga permet donc de s'immerger dans ce Bolchoï, dont l'utilité dépasse le simple lieu d'évasion et de détente pour gamers : ce sont de véritables missions scientifiques et expérimentations qui sont menées dans le Bolchoï avec pour objectif affiché la connaissance scientifique, afin de répondre aux aspirations de l'humanité.
Mais entre réalité et virtuel, la frontière est mince, et à vouloir se reposer sur un univers dont le corps physique est absent, on chute d'autant plus facilement quand vient le dur retour à l'existence.
Au début de l'œuvre, Marje subit d'ailleurs une déconnexion progressive de la réalité, qui n'est pas sans rappeler les sonnettes d'alarme tirées par bon nombre d'œuvres de SF sur le sujet. Car établir un monde virtuel au cœur d'un monde tangible implique le risque qu'il le supplante, en offrant une alternative plus séduisante. Que faire quand le quotidien nous est morne, et que s'absente l'envie de lutter pour un bonheur évanescent ?
Lâcher prise, tel un Icare numérique, face à la menace solaire du monde physique, pour s'immerger dans les eaux du virtuel ?
Un autre point traité dans l'œuvre est la privatisation des ressources spatiales par des multinationales. N'est-ce pas finalement un miroir de notre situation actuelle, avec la ratification récente d'accords pour des projets d'exploitation des ressources lunaires et astéroïdales ?
Bien sûr, l'œuvre sait aussi s'apprécier d'un point de vue autre que scénaristique, puisque Boulet est accompagné du dessinateur Aseyn.
La maîtrise dont fait montre son trait dépasse d'ailleurs toutes les attentes, tant l'on a l'impression d'avoir devant soi le successeur français de Katsuhiro Otomo (le mangaka derrière Akira), avec ses doubles pages sublimes révélant des structures spatiales titanesques ainsi que des environnements qui laissent rêveur.
On apprécie les balades sur d'autres planètes, on s'émeut de la situation de Marje, et on contemple aussi, impuissant, un monde qui brûle.
Bolchoï Arena s'affiche donc comme l'une des bande dessinée de SF à ne surtout pas manquer, et dont l'attente pour le quatrième volume vous laissera sûrement, comme moi, sur les rotules !